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L'édito

Pour qu’elles ne soient pas mortes en vain

21 octobre 2019: Mélanie Keller, maman de trois enfants, est tuée par son mari dans le Jura. Hélas, ce n’est pas la première. Depuis le 15 février 2023, 14 femmes, jeunes filles et fillettes ont été tuées par des hommes appartenant à leur cercle familial ou sentimental. Face à l'inertie du système judiciaire, Géraldine Marquis, la sœur aînée de Mélanie, a créé «Mel», une association qui vient en aide à toutes celles qui sont victimes de violences conjugales. Le témoignage de Géraldine est à retrouver dans la version papier du magazine disponible en kiosque.

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Dans le Jura, Géraldine Marquis a créé une association en hommage à sa sœur Mélanie décédée sous les coups de son conjoint, pour aider les femmes victimes de violences conjugales.

Dans le Jura, Géraldine Marquis a créé une association en hommage à sa sœur Mélanie décédée sous les coups de son conjoint, pour aider les femmes victimes de violences conjugales.

Karine Bauzin

La liste est longue. Tellement longue et ce, alors que nous ne sommes qu’à la moitié de l’année. Depuis le 15 février 2023, 14 femmes, jeunes filles et fillettes sont mortes sous les coups de feu, de couteau ou de poing d’un mari, d’un père ou d’un conjoint. Et dix d’entre elles habitaient en Suisse romande. Une recrudescence par rapport à 2022 où, sur douze mois, 16 vies de Suissesses ont été éradiquées de la surface du globe par des hommes appartenant à leur cercle familial ou sentimental. Celle dont nous racontons cette semaine la triste fin s’appelait Mélanie.

Elle avait 38 ans en 2019, quand son mari et le père de ses enfants l’a égorgée avec un couteau de chasse et s’est ensuite donné la mort. Pourtant, quelques jours auparavant, Mélanie avait déposé plainte au poste de police du village où elle habitait, après avoir été menacée avec un pistolet et violée deux fois. Mais malgré cela, le procureur en fonction à l’époque n’a pas pris en compte la gravité de la situation, arguant du fait que, si ce père de famille à la bonne réputation avait voulu tuer son épouse, il l’aurait déjà fait… Après ce féminicide, le procureur extraordinaire a classé l’affaire, lui aussi arguant du «caractère imprévisible de l’homicide». Des termes froids doublés d’hypocrisie qui dédouanent un système judiciaire faillible. L’appel de la famille de la défunte sera débouté en 2021 et en 2022, le fils aîné de Mélanie portera l’affaire jusqu’au Tribunal fédéral, toujours sans succès.

Aujourd’hui, sa sœur aînée, Géraldine, a décidé d’agir. Elle a créé Mel, une association portant le surnom de sa cadette. Pour venir en aide à toutes celles qui sont victimes de violences conjugales et pour que les choses changent enfin. Cent femmes ont déjà contacté Mel et trois d’entre elles possèdent maintenant un système d’alarme en lien constant avec une agence de sécurité. Elles n’ont enfin plus peur chez elles. La démarche de Géraldine est formidable, mais ce n’est pas aux familles écorchées vives par un deuil évitable, pas plus qu’aux associations, que revient le devoir de prendre les choses en main. C’est à nos représentants politiques et légaux de le faire en s’inspirant, pourquoi pas, du système précurseur adopté par l’Espagne. Car il y a dix-neuf ans, les députés de ce pays ont voté à l’unanimité une loi de protection contre les violences de genre entraînant la spécialisation des tribunaux contre ces crimes et le port du bracelet électronique anti-rapprochement pour les agresseurs. Combien de temps encore la Suisse devra-t-elle attendre pour bénéficier de telles mesures? Combien de femmes devront encore périr sous l’inhumanité de leur tortionnaire? Trop longtemps, j’en ai bien peur.

Par Laurence Desbordes publié le 7 juillet 2023 - 10:16