En rupture de stock chez Payot Lausanne peu après sa sortie en septembre dernier, la BD de Sophie Lambda «Tant pis pour l’amour» est un véritable phénomène de librairie. Et pourtant! Qui aurait parié (à part l’éditeur…) sur le succès d’une BD narrant l’entreprise de démolition psychique vécue par une jeune femme de 28 ans tombée dans les griffes d’un pervers narcissique? La force première du livre de Sophie Lambda, c’est son caractère autobiographique. Illustratrice autodidacte, c’est bien elle, l’auteure, qui, tout juste débarquée de sa province, rencontre le beau Marcus, comédien à Paris.
Tombée amoureuse en quarante-huit heures, elle va vivre une courte lune de miel avant que le conte de fées ne se mue en une descente en enfer s’étalant sur plusieurs mois. Flatteur, menteur, dissimulateur, infidèle et égocentrique, Marcus va plonger la jeune femme dans un hallucinant maelström de doutes, de remises en question, de désillusions, jusqu’à la conduire dans une profonde dépression. Idéalisation, dévalorisation et rejet, Sophie passe par les trois stades promis aux victimes des manipulateurs.
Jamais Sophie Lambda ne tombe dans le piège du règlement de comptes avec son ex. Elle a plutôt conçu son livre comme un guide pratique pour aider à débusquer les manipulateurs (ou manipulatrices) que l’on risque à tout moment de croiser. Elle propose même, en milieu d’ouvrage, un catalogue des 30 critères permettant d’identifier un manipulateur.
«Si j’avais été prévenue avant de le rencontrer, je n’aurais certainement pas vécu la même histoire. Ainsi, j’ai décidé de dessiner le livre que j’aurais aimé avoir entre les mains», déclarait-elle récemment. Pour ce faire, l’auteure a dépouillé l’essentiel de la littérature scientifique (surtout anglo-saxonne) consacrée à ceux que l’on appelle également manipulateurs destructeurs ou vampires psychiques.
Pratique, ce livre est aussi comique au plus haut point. Ceci, en grande partie grâce à Chocolat, le nounours picoleur de Sophie qui, à l’image de la coccinelle de Gotlib en son temps, commente de manière humoristique les déboires de sa maîtresse.
Chocolat, c’est le subconscient de Sophie, un deuxième cerveau sarcastique qui ne disjoncte pas à l’écoute des propos mielleux de Marcus, qui raille les allers et retours de cette chaotique liaison amoureuse au risque de se retrouver seul dans une grotte sombre et froide quand elle cède une fois de plus au pervers.
Mais c’est également lui qui l’assiste quand elle décide de suivre le seul conseil valable pour les victimes de ce type de situation: «Foutez le camp!» Même si, comme elle en témoigne, se reconstruire après ce genre d’épreuve demande beaucoup de temps et de courage.