«J’espère que cette crise aura éveillé une conscience globale»
Carlos Leal, acteur, Los Angeles.
«Lorsque la crise du coronavirus est arrivée, j’avais le secret espoir qu’une conscience globale allait se mettre en place. Je pense que c’est un petit peu utopique, mais je crois aussi que le choc ainsi créé en chacun de nous va provoquer un changement de conscience individuel. Pour ma part, je crois être beaucoup plus en vie aujourd’hui que je ne l’étais avant le Covid-19! J’ai commencé à faire de la méditation, du yoga, j’ai regardé ma fille d’une façon différente. Et mon fils aussi. J’apprécie plus d’être en famille, à la maison.
Ce qui va aussi changer pour moi, je pense, c’est ma relation avec mes amis, qui pour la plupart sont loin. Cette crise a créé de la proximité… à distance! Au fond, tout en étant éloignés les uns des autres, chacun chez soi, on arrivait quand même à communiquer. Si on souhaite garder de la proximité avec les gens qu’on aime, ce n’est donc plus tant la distance qui importe, mais la volonté. Et j’espère que cette crise aura quand même un petit peu éveillé une conscience globale. On verra.» (B. C.)
«J’ai envie d’une plus grande sobriété»
Brigitte Rosset, comédienne, Genève.
«Je veux garder cette capacité retrouvée pendant le confinement de m’émouvoir, avec un regard émerveillé d’enfant sur les choses toutes simples: la lumière, le bruit du vent dans les bouleaux; je suis devenue plus contemplative, j’aimerais reprendre un cours de vie différent, ne plus me laisser happer par les habitudes. J’ai réalisé qu’on peut être heureuse sans avoir une quinzaine de t-shirts dans son armoire. J’ai envie d’une plus grande sobriété désormais dans ma vie.» (P. Ba.)
«Je m’organise pour moins dépendre des autres à l’avenir»
Sarah Atcho, athlète, Saint-Gall.
«Ce que j’ai décidé de faire sans délai, c’est mieux organiser mon indépendance. Lorsque le Conseil fédéral a décidé, mi-mars, de tout fermer, notamment les salles de sport, je me suis rendu compte à quel point j’étais dépendante de telles structures.
Pendant près de trois semaines, je n’ai pas pu m’entraîner normalement parce que privée de salle. Chez moi, je n’étais pas suffisamment équipée. Je tiens donc à changer cela, en m’organisant mieux pour moins dépendre des autres. Ensuite, je vais m’efforcer au maximum de faire tourner l’économie locale. C’est un peu bête à dire, mais j’avais l’habitude de commander en ligne des choses à l’étranger.
Quand les frontières se sont refermées, il y a eu un gros bug… J’ai vite réalisé qu’on pouvait très bien se satisfaire de l’offre en Suisse, surtout que tout n’a pas été bouclé. Certains magasins, type «take away», sont restés ouverts. Ma façon de consommer va donc évoluer. Faire tourner l’économie locale, c’est important. Et ça fonctionne mieux si on fait tous un effort.» (B. C.)
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«Ma vision du monde s’est enrichie»
Pascal Couchepin, ancien président de la Confédération, Martigny.
«Ma vision du monde s’est enrichie. J’ai beaucoup appris sur le fonctionnement humain et vu ma vision politique confirmée. Ainsi, je constate que la gauche se réjouit de pouvoir puiser dans les réserves de la Confédération, dont les bénéfices scandalisaient une partie de l’opinion.
Sur le plan personnel, j’ai appris que j’avais besoin d’un rythme. Avec ma femme, nous avons pris l’habitude de faire beaucoup de promenades ensemble. Et quel plaisir de manger à midi quelque chose de simple, préparé avec goût par une excellente cuisinière! Et moi, je fais la vaisselle…» (A. B.)
«Je suis préoccupée pour l’avenir de ma fille»
Julie Ordon, mannequin et actrice, Genève.
«J’espère d’abord que le monde prendra conscience que notre planète, moins polluée, vient de respirer, enfin. Un don du ciel pour la faune et la flore. Qui aurait pu l’imaginer il y a peu de temps encore? En termes d’hygiène, j’attends que les gestes basiques, le nettoyage des mains surtout, soient demain respectés partout. J’avais hâte de renouer avec une vie sociale, de retrouver les terrasses, les restos, les dîners entre amis, le shopping aussi!
Mon inquiétude concerne surtout les voyages. De nombreuses frontières sont encore infranchissables et, dans mon métier, on est toujours entre deux avions. Je continuerai à voyager, je pense, mais avec un masque et des gants. On parle déjà d’un Covid 2, alors prudence…
Face au fléau du Covid-19, notre impuissance a été criante. Comment ce virus a-t-il pu bloquer la moitié de l’humanité et empêcher l’économie de fonctionner? Qu’apprendrons-nous de cette épreuve? La question m’angoisse pour l’avenir de ma fille. Désormais, je serai plus vigilante. Mieux équipée aussi.» (B. C.)
«Je continuerai de profiter des bienfaits de cette existence»
Thierry Meury, humoriste, Genève.
«Professionnellement, tout ce qui changera le sera «à l’insu de mon plein gré», comme disait l’autre. Avec cette question qui me hante: quand pourrons-nous de nouveau jouer dans des salles, petites ou grandes, où les gens sont à quelques centimètres les uns des autres? Car si, comme cela semble parti, la distanciation sociale doit demeurer la règle pour une ou deux années encore, voire plus, tout dans notre métier sera alors remis en cause, jusqu’au métier lui-même.
N’en déplaise aux youtubeurs et autres forcenés de la vidéo, rien, jamais rien, ne remplacera les rires du public.
Sinon et de façon plus personnelle, je ne changerai pas grand-chose et continuerai, comme avant et pendant le confinement, à tenter de profiter au maximum des bienfaits de cette existence. Me disant que comme on doit de toute façon, un jour ou l’autre, mourir au front, autant le faire en trinquant avec des amis. Tomber, soit, mais si possible les armes à la main.» (B. C.)
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«Cessons de croire que le bonheur consiste à consommer»
Laetitia Guarino, doctoresse, Neuchâtel.
«Je suis très proche de ma famille. On organise très souvent de grands repas, tous ensemble, autour d’un plat convivial, dans le partage. Et justement, voilà ce qui m’aura le plus manqué durant cette période de confinement. Je pense à ma grand-maman qui s’est retrouvée seule à Boncourt (JU). Je suis d’ailleurs certaine que j’apprécierai plus encore chacun de ces moments partagés, entre nous, après cette crise.
Je pense qu’à l’avenir les gens vont se concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire la famille, les proches, et qu’ils cesseront de croire que le bonheur consiste à consommer. Peut-être que «l’après-confinement» se traduira par un renforcement des liens sociaux, finalement? C’est en tout cas ce que je souhaite.» (B. C.)
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«On nous encourage à nous endetter…»
Mélanie Chappuis, romancière, Genève.
«Il existe de nombreuses et louables initiatives individuelles, mais j’estime que ce n’est plus la question. Ni les individus, ni les groupes d’individus, ni même la société civile ne peuvent faire grand-chose si la volonté politique fait défaut ou, pire, nage à contresens. Au lieu de penser autrement, on veut rattraper le temps perdu. On nous encourage à nous endetter plutôt qu’imaginer, par exemple, un revenu universel de relance, que pourraient financer les cantons en monnaie locale – je pense notamment au léman. Ce revenu nous permettrait de dépenser notre argent dans l’économie réelle, tout en la soutenant.
Mais là également, nos gouvernants préfèrent s’en remettre aux banques et aux marchés financiers. Je rêvais d’un monde d’après avec une mondialisation contenue et un retour à plus d’humilité face à notre planète. A la place, la Confédération prévoit de soutenir l’aviation à hauteur de plusieurs milliards de francs!» (B. C.)
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«Dans mon frigo, il y a de la levure fraîche»
Blaise Bersinger, humoriste, Vaud.
«Au début, j’étais agacé par toutes ces photos de pains faits maison sur internet. Instagram s’était transformé en trombinoscope de Pouly. Puis j’ai mis la main à la pâte (si l’usage de cette expression vous semble particulièrement bien trouvé, n’hésitez pas à le faire savoir sur les réseaux sociaux avec le hashtag #blaisebersingeresttalentueux). Et j’y ai pris goût. Dans mon frigo, il y a de la levure fraîche. Il y a même un levain sur le bord de ma fenêtre que j’ai sobrement baptisé Pain-mela Anderson. Ce semi-confinement m’a changé… ou alors c’est juste que j’ai bientôt 30 ans.» (A. B.)
«Renouer avec l’instant et sentir le large»
Manuella Maury, animatrice radio et TV, Valais.
«J’ai vécu deux mois pleins dans ma maison de poupée de mélèze dans le val d’Hérens – transformée en studio de radio pour la RTS. «Porte-plume» est née en quatre jours. La crise a poussé un concept vers le réel sans étude, ni tableau Excel. Quelle joie de se sentir de nouveau artisane! J’ai lu des centaines de lettres en direct, écrit quelques-unes et éprouvé peu à peu le plaisir «d’un quotidien».
Ecriture, émission, repas avec ma maman, marche, écriture, lecture, émission… avec en prime le retour du saint ennui créateur. Le vrai! L’ennui de l’enfance. Celui qui force à se demander «qu’est-ce qu’on fera quand on sera grand».
Renouer avec l’instant, barrer les rendez-vous dans l’agenda et sentir le large. Avec le déconfinement, c’est un peu le blues des retours au port, et la peur d’oublier de rester vivant. Des plumes grises se sont installées dans ma chevelure foncée. Je les laisse pousser pour ne pas oublier.» (P. Ba.)
«Mieux savoir conjuguer le verbe apprécier»
Marianne Maret, conseillère aux Etats, Valais.
«Le nombre de coches dans la liste des «peut mieux faire» est important. J’en évoquerai ici une seule: mieux savoir conjuguer le verbe apprécier.
Apprécier en particulier les moments de partage, les moments d’échange pour de vrai, ces instants fugaces où tu touches les autres, tu les sens, où le son de leur voix résonne dans l’air ambiant.» (A. B.)
«Cette crise renforce encore nos convictions»
Aliose, compositeurs-interprètes, Vaud.
«Cette crise renforce nos convictions et nous poussera à développer nos actes citoyens au quotidien, notamment limiter notre consommation et favoriser l’économie locale, privilégier dans la mesure du possible les transports les moins polluants, sensibiliser les gens autour de nous au fait qu’un autre monde est possible, car le système actuel marche vraiment sur la tête.
Nous espérons que cet épisode agira comme un catalyseur, un démultiplicateur de prises de conscience, que l’on ouvrira les yeux sur le fait que tout ne peut pas être toujours considéré à l’aune de l’économie.» (P. Ba.)
«Acheter local restera une priorité»
Lauriane Gilliéron, actrice, Lausanne.
«Je suis loin d’être parfaite, mais depuis quelques années déjà, je mène une vie responsable, écologiquement parlant. Bien sûr, il est toujours possible de mieux faire, j’en suis consciente et je compte bien réduire encore ma consommation de plastique et autres matériaux néfastes pour notre planète.
Acheter des produits locaux et de saison restera pour moi une priorité. Mes habitudes de vie ne vont pas drastiquement changer après cette crise sanitaire.
Par contre, cette pandémie est un rappel incontestable que tout peut changer en un clin d’œil, que rien n’est éternel et que nous prenons bien trop souvent pour acquis tout ce que nous offre cette terre. Je veux maintenant passer plus de temps avec ma famille et profiter des gens que j’aime.» (B. C.)
«J’ai envie d’aller à l’essentiel»
Nicolas Feuz, écrivain et procureur, Neuchâtel.
«C’était paradoxal, au moment où tout ralentissait, j’ai écrit un livre en ligne pendant trente-deux jours sur les réseaux; j’ai apprécié avec ce télétravail de pouvoir jongler entre mes deux activités.
J’ai envie d’aller plus à l’essentiel: planifier différemment ma vie, oser bannir certaines séances où on répète sans cesse la même chose, baisser mon temps de travail, laisser plus de place aux jeunes procureurs.» (P. Ba.)