Chaque jour, son coffre de voiture empli de matériel médical, Susanne Moser prend la route à travers le canton de Vaud et se rend chez ses patients, âgés de 80 à 90 ans en moyenne. Elle est infirmière indépendante, ils l’attendent. Spécialiste des plaies, du drainage lymphatique et de la pédicure pour diabétiques, elle est souvent la seule personne, avec leur famille, qui pénétrera dans leur logis.
Or, depuis l’arrivée du virus, ce moment particulier a pris une dimension nouvelle, avec de la tension, un enjeu. «Les règles d’hygiène strictes, comme systématiquement se laver les mains et utiliser des gants et un masque dans certaines situations, je les ai toujours respectées. Mais là, je revisite chaque mouvement que je vais faire, j’en suis très consciente. Mes patients me voient arriver avec un mélange de reconnaissance et de crainte. Ils observent chacun de mes gestes. Car je viens de l’extérieur...»
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Au début de la pandémie, elle devait souvent passer une demi-heure à parler, à rassurer, à répondre aux questions. Aujourd’hui, elle perçoit surtout l’isolement, l’appréhension des gens. «Devant leur porte, avant de sonner, j’enfile déjà mon masque. Ma crainte, c’est d’être vecteur de la maladie.» Elle n’a pas adopté une autre manière de travailler, mais tout prend plus de temps, tout est plus sensible. «De plus, vous êtes-vous déjà lavé les mains 40 fois par jour? Privée de sa couche protectrice, ma peau est pleine de crevasses. Je suis en train de tester toutes mes crèmes.»
Des patients, parfois très malades, ont préféré décommander, par crainte. Elle voit des situations difficiles. Pense à cette dame qui, à l’évidence, devrait aller à l’hôpital, «mais beaucoup de personnes âgées ont une peur folle de s’y rendre. Si cette situation dure, je m’attends à des catastrophes, tant leur situation se péjore. Ils attendent trop longtemps pour se soigner. Alors que, au niveau des hôpitaux, tout est focalisé sur l’urgence.»
Son métier, qu’elle pratique en indépendante depuis 2011, elle l’aime toujours autant. «Je ne vais pas abandonner le navire maintenant. Mais la charge mentale est forte.»
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