Comme souvent dans ce genre de méga-événement, tout a commencé par une boutade, devant un verre de fendant, Valais oblige. «Au soir des Championnats suisses, en 2016, alors que nous fêtions la victoire de Jonathan Fumeaux, un coureur du club, et l’organisation sans accroc que nous venions de réussir, un membre du comité a lancé: "Et si on s’attaquait aux Championnats du monde maintenant?" Même si tout le monde a rigolé, j’ai vu une petite flamme briller dans les yeux de mes collègues. Le temps de récupérer du rendez-vous national, nous avons griffonné une ébauche de projet, partant du principe de qui ne tente rien n’a rien», se souvient Alexandre Debons, le président du Vélo-Club Martigny. L’idée reposait sur un double anniversaire: les 100 ans de la Fédération cycliste valaisanne et les 20 ans de l’installation du Centre mondial du cyclisme, à Aigle.
Dans le collimateur des dirigeants valaisans, les Mondiaux 2022 ou 2024, que l’Union cycliste internationale (UCI) voulait attribuer à la Suisse. «On en rêvait, mais on ne se faisait guère d’illusions. Et encore moins lorsque nous avons appris que Zurich et Berne étaient également sur les rangs», admet Alexandre Debons.
De la boutade au graal
C’était sans compter avec une cascade d’événements rocambolesques, entre autres concours de circonstances, qui allaient amener l’UCI a confier pour la première fois l’organisation d’un championnat du monde à la Suisse romande. Voici la genèse de cette belle histoire.
«Histoire de jouer notre va-tout, on s’est rapproché de la commune d’Aigle. De son vice-président Grégory Devaud en particulier, l’idée étant d’avoir une personne de liaison entre l’UCI et nous. Un rôle que Greg a d’ailleurs tenu à merveille», se réjouit, reconnaissant, l’architecte de Martigny. Reste que l’efficacité et l’entregent de l’ex-président du Grand Conseil vaudois, aujourd’hui coprésident du comité d’organisation, ne suffisaient pas pour toucher au graal.
Hollandais recalés
«En fait, tout s’est joué le 16 mai 2018, dans le bureau du président français de l’UCI, David Lappartient, raconte Debons. Nous discutions de notre candidature quand tout à coup, au milieu de la conversation, il nous a lancé: "Et 2020, ça vous intéresserait?" On s’est regardé, on a toussé et on a répondu: "Oui, bien sûr." Quelque temps après, nous avons su que la ville hollandaise pressentie pour cette organisation avait finalement été recalée. Et comme la ville de Vicenza, candidate malheureuse pour cette édition, n’a pas redéposé son dossier, sans doute à cause de l’effondrement du pont de Gênes et de la candidature olympique de Milan-Cortina pour 2026, le Congrès de l’UCI nous a finalement été favorable.»
La réponse mythique de la Foire du Valais
Mais encore fallait-il financer l’opération, devisée à 17 millions de francs, et garantir son éventuel déficit. «Entre la Confédération (5 millions), les deux cantons, les deux communes et les prestations en nature, nous avons réuni 14,7 millions», se remémore le dirigeant valaisan. Suffisant pour valider définitivement la candidature aux yeux de l’UCI. «A nous maintenant de trouver 2,3 millions de sponsorings et de recettes.» Cerise sur le gâteau, une quinzaine d’entreprises de la région, majoritairement valaisannes, se sont engagées à éponger un éventuel déficit à hauteur de 2,5 millions de francs. Le bonheur. Restait néanmoins une question cruciale à élucider: convaincre la Foire du Valais de s’associer à l’événement via ses gigantesques infrastructures du CERM. Après réflexion, celle-ci a textuellement répondu ceci: «C’est parce que c’est un truc de fous qu’on dit oui!» La boucle était bouclée. Et c’est ainsi que du 20 au 27 septembre 2020, le Valais et le Chablais seront au centre du monde...
Pascal Richard a testé la boucle qui fait peur
Pour L’illustré, le champion olympique de 1996 a bouclé les 20 km autour de Martigny que les cadors devront parcourir sept fois. Verdict.
260 km, 3000 m de dénivellation, le tout agrémenté du vent légendaire de la plaine du Rhône. Alors que les meilleurs coureurs du monde se disputeront le maillot arc-en-ciel 2019 ce dimanche dans le Yorkshire, à 100 km au nord de Leeds (GB), le parcours de l’édition 2020 fait déjà jaser dans le peloton.
Et pour cause, la boucle de 20 km autour de Martigny, que les champions aborderont en ayant déjà 120 bornes de plat et la montée de Chamoson (VS) dans les jambes, fait peur. La côte de la Petite Forclaz en particulier (Martigny-Croix-Les Rappes-La Fontaine avant de rejoindre la route du col de la Forclaz). Une grimpette de 3,9 km d’une pente moyenne à 11% avec des pointes à 14%, à parcourir sept fois. Et avec, à chaque passage, 400 m de dénivelé! «C’est dur et très casse-pattes. Il y a beaucoup de virages. Il faut donc tout le temps relancer», analyse Pascal Richard à sa descente de selle. L’Aiglon, bien affûté pour ses 55 ans, reste l’athlète parmi les plus titrés de l’histoire du sport suisse. Il a testé la principale difficulté de l’épreuve en compagnie de quelques copains.
«Pas forcément pour un grimpeur»
Le champion olympique d’Atlanta est catégorique. «La bataille sera somptueuse. On assistera à une course à l’usure. La Petite Forclaz va écrémer le peloton à chaque tour et l’explication finale ne concernera que des costauds. Pas forcément de purs grimpeurs. Ceux-ci auront de la peine à suivre le rythme dans les kilomètres de plat balayés par le vent qui précéderont chaque ascension et qui risquent de provoquer des bordures.» Pour le Vaudois, un coureur complet du style du Slovène Primoz Roglic, récent vainqueur de la Vuelta, pourrait tirer son épingle du jeu. Ou pourquoi pas le régional de l’étape Sébastien Reichenbach, qui contemple la route de ses rêves depuis le balcon de la maison familiale. «Gagner chez soi procure des émotions incomparables», rappelle l’ancien vainqueur du Tour de Romandie, avec une pointe de nostalgie.
«S’il était encore coureur, je dirais que c’est un parcours pour Pascal Richard», glisse un de ses copains. Tout est dit…
>> Lire le portrait du régional de l'étape Sébastien Reichenbach