Comme pour la majorité de la population, c’est le début du retour à la vie normale, pour nos parlementaires aussi. Et les premières décisions à émerger de la session extraordinaire à 2 mètres de distance dans les super halles de Bernexpo louées pour à peine quelques millions prêtent à se gratter le cuir chevelu fraîchement bichonné dans les salons de coiffure nouvellement rouverts.
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Nos chers (franchement, quasi 4 millions pour siéger quatre jours, c’est donné!) parlementaires ont même fini la session avec un jour d’avance (on ne sait pas s’ils auront une remise de loyer, eux, alors qu’ils n’ont pas réussi à la négocier pour les baux commerciaux). Le temps d’octroyer un soutien de 1,875 milliard au secteur de l’aviation, sans contreparties écologiques. Ou de refuser d’interdire aux entreprises qui ont recours au chômage partiel de verser des dividendes. Parce que ça n’a rien à voir, l’argent de l’Etat, c’est pour payer les employés, tandis que l’argent du bénéfice, c’est pour payer les actionnaires. Le retour à la normale, visiblement, c’est aussi le retour à une certaine indécence.
J’espérais que la vague écologique des élections d’octobre et la prise de conscience de ces derniers mois sur l’importance de certains secteurs modifieraient un peu la donne qui prévalait en Suisse, mais les premiers retours sont peu prometteurs. Dans la liste des priorités, on classe de nouveau les gens en fonction de leur participation au PIB, à la création de valeur sur des bilans comptables, et pas pour la société (sauf si celle-ci est anonyme et domiciliée de préférence à Zoug ou, encore mieux, à l’étranger).
Le secteur de la culture et des activités créatrices (5% des employés du pays, 10% des entreprises) a obtenu 280 millions, ça fait environ 1000 francs par emploi concerné. Ça nous apprendra à ne pas avoir choisi de faire un vrai métier.
Et c’est quand même pas de bol que l’été où l’on encourage fortement tout le monde à rester en Suisse, ça tombe le même été où il est impossible d’organiser des événements culturels en Suisse. Le coronavirus a un humour particulier.
Oh! On pourrait organiser des spectacles dans les avions. Puisqu’ils nous appartiennent un peu, maintenant, et que la majorité n’ont nulle part où aller avant un moment. Alors certes, Swiss ne pourra remplir qu’un siège sur deux, mais ça fait des années qu’ils vendent cinq sièges sur quatre, et on n’a rien dit à l’époque. Et à la fin du spectacle, on pourra peut-être les convaincre de nous faire sortir avec le toboggan en mettant nos gilets de sauvetage. Depuis le temps qu’on doit écouter les explications, j’aimerais au moins pouvoir l’utiliser une fois. Et puis si on met de petites diodes dans les gilets, ça fera une super ambiance pour le concert open air géant qu’on ferait sur le tarmac de Cointrin.
Pardon, je rêvasse un peu, mais ça fait du bien. Et jusqu’à preuve du contraire, les rêveries, c’est comme le kérosène, c’est exonéré d’impôts.
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