Même Sharon Stone a craqué. Sur Twitter, la star américaine a fait savoir tout le bien qu’elle pensait du dernier projet d’Omar Sy. Elle n’est pas la seule: lancée le 8 janvier, «Lupin, dans l’ombre d’Arsène» devrait, selon les projections de Netflix, atteindre les 70 millions de visionnages d’ici à février, soit la deuxième plus vue après «The Witcher». Des chiffres à prendre avec des pincettes, tant le groupe américain les triture à sa guise. C’est en tout cas la première fois qu’une série française remporte un tel succès sur la plateforme, qui frôle les 204 millions d’abonnés dans le monde.
Petit spoiler: dans «Lupin», Omar Sy n’est pas Arsène Lupin, le dandy anar imaginé par Maurice Leblanc au début du XXe siècle. Mais Assane Diop, le fils d’un immigré sénégalais venu en France chercher une vie meilleure. Comme le propre père d’Omar Sy. Dans la série, le père d’Assane, employé par une famille richissime, se voit tragiquement accusé d’un vol que son fils devenu adulte aura à cœur de résoudre.
Arsène Lupin, c’était le rôle de ses rêves, celui qu’il cite lorsque la compagnie Gaumont l’interroge sur ce qu’il voudrait plus que tout jouer à l’écran. «Si j’avais été Britannique, j’aurais dit Sherlock Holmes. Je suis français, alors j’ai dit Arsène Lupin», a-t-il raconté au New York Times. «Arsène Lupin, c’est mon héritage», glisse son personnage dans le premier épisode. Non sans lourdeur et clichés, la série parle racisme, immigration, banlieues et revanche sociale. Et se montre plus convaincante quand elle s’assume comme pur divertissement, avec notamment une scène de cambriolage tournée de nuit dans la cour et le Musée du Louvre.
Car Omar Sy est avant tout un acteur populaire, au sens premier du terme. La France n’a pas attendu «Lupin» pour fondre devant l’irrésistible sourire et l’impressionnante charpente – 1,90 mètre sous la toise – du comédien. En 2016, il détrône l’élusif Jean-Jacques Goldman (qui lui a depuis repris la première place) au classement Ifop des personnalités préférées de l’Hexagone. C’est bien sûr son rôle de soignant au grand cœur dans «Intouchables», du tandem Olivier Nakache-Eric Toledano, qui le révèle. A sa sortie, en 2011, c’est un immense succès. La comédie dramatique devient le film français le plus fructueux de l’histoire, avec 445 millions de dollars de recettes mondiales.
L’acteur vit alors avec sa femme, Hélène, qu’il a rencontrée tout jeune, et leurs quatre enfants dans une «petite maison» de la banlieue parisienne. Il évoque un quotidien banal, les plus grands qu’il emmène à pied à l’école, le potager où il fait pousser fraises et carottes. «C’est cool. Je suis très content de cette petite vie.» Le succès phénoménal du film va la faire exploser. Ses enfants se font harceler à l’école, Hollywood lui fait du pied. En 2012, c’est le grand saut: les Sy quittent la France. Une petite dernière vient agrandir la nichée, couvée un temps dans l’enclave privée de Hidden Hills, à Santa Monica. Leur maison a depuis été revendue au patron des studios DreamWorks.
En 2015, le Los Angeles Times s’interroge. «Omar Sy fait un tabac à Hollywood. Pourquoi est-il retourné en France pour "Samba"?» Le Français fait certes désormais partie de la franchise des Jurassic World, tourne sous la direction de Ron Howard ou de Michael Bay (un navet de la franchise des Transformers) ou encore, un rêve de gosse, aux côtés de Harrison Ford. Des films à gros budget pour des seconds rôles sans épaisseur – ce qui ne l’empêche pas de devenir membre de l’Académie des Oscars en 2017, dans la foulée de critiques sur le manque de représentativité des acteurs noirs à Hollywood.
C’est en France qu’il trouve des rôles plus forts, sans que ces films soient forcément des succès, critiques ou populaires. Pour «Samba», ses retrouvailles avec l’équipe des «Intouchables», il s’est glissé dans la peau d’un sans-papier sénégalais. «Je suis le fils d’immigrés, c’est ce qui me lie à son histoire», dira-t-il au quotidien californien.
Son père était ouvrier, sa mère, mauritanienne, femme de ménage. Il grandit à Trappes au sein d’une famille nombreuse. Son frère aîné est ami avec Jamel Debbouze. Le documentaire «L’entrée des Trappistes» (2012) révèle qu’il obtenait d’excellentes notes au collège et qu’il envisageait de retourner au Sénégal après avoir obtenu son bac professionnel. Au grand dam de ses parents, sa trajectoire va être déviée par Debbouze, qui le fait participer à son émission sur Radio Nova. Là, il rencontre le comédien Fred Testot. Leur complicité culmine avec «Omar et Fred, le spectacle» et les sketchs du «Service après-vente des émissions» sur Canal+ (2005-2012). Entre-temps, ils ont fait leurs premières incursions, séparément, au cinéma. On connaît la suite.
Omar Sy, c’est une joie de vivre qui transpire à l’écran. Mais aussi des convictions fermement ancrées. «Je ne fais pas de politique, je raconte des histoires», disait-il en 2016. Depuis, il donne de plus en plus de la voix, notamment contre le sort des réfugiés rohingyas, musulmans comme lui, ou les violences policières. En mai, il manifestait avec Black Lives Matter à Los Angeles. «Je crie aussi le nom d’Adama Traoré, qui, en France, le 19 juillet 2016, a perdu la vie de la même façon que George Floyd», poste-t-il sur Instagram. Cela lui vaut l’inimitié de l’extrême droite et notamment de Marion Maréchal, qui l’a attaqué la semaine dernière: «A part dire merci (à la France), je ne sais pas ce qu’il devrait dire.»
L’acteur, lui, entend rester fidèle à sa ligne de conduite: «Ne pas décevoir mes proches, (...) rester le même à leurs yeux.» «Je suis si fière de vous deux», a posté sa femme la semaine dernière, pour les 43 ans de l’acteur et les 20 ans de leur aînée. Message reçu.