- Pourquoi avoir choisi le Jardin botanique de Neuchâtel pour la rencontre avec «L’illustré»?
- Odile Cornuz: C’est un endroit que je fréquente beaucoup, en toute saison. J’aime avoir ce lien avec la nature, être hors du bruit de la ville. C’est un lieu de ressourcement pour moi. J’y suis venue seule, j’y suis venue avec mon fils, j’y ai couru... J’ai connu ce lieu sous toutes ses formes et j’ai parfois l’impression que c’est mon jardin. Je m’y sens bien.
- C’est en quelque sorte l’inverse de votre roman, qui se déroule dans une ville qui se révèle être oppressante pour le personnage principal.
- La note finale du livre se passe en nature, car c’est cet espace qui peut réconcilier le personnage avec les épreuves qu’il est en train de vivre. Ça crée le contraste avec le côté très urbain du reste du livre: ces grandes villes où on ne connaît personne et où on peut perdre ses repères. J’ai vécu à Berlin et à Londres, j’ai aussi traversé Buenos Aires ou encore Guayaquil. J’ai utilisé ces expériences pour écrire. On y retrouve cet anonymat qui peut être savoureux à certains moments, mais qui peut aussi blesser. Quelqu’un qui, comme ce personnage, se referme sur lui-même dans une grande ville est perdu.
- Votre livre traite de rupture, de deuil. On assiste à la chute d’un jeune homme dans une dépression sévère.
- J’avais envie de parler de quelque chose d’assez intense et de profondément ancré. Je pense que le deuil est une expérience fondatrice, qui redessine nos liens ou nos ruptures.
- Les relations familiales y tiennent une place importante, mais pas toujours aisée. On ose espérer que vos propres échanges avec votre famille sont meilleurs que ceux de votre protagoniste.
- Oui, tout à fait (rires). J’ai toujours mon père, mes parents se portent bien. J’ai un fils de 16 ans. Ce livre est vraiment une fiction, mais c’est marrant parce que certaines personnes qui l’ont lu m’ont demandé comment j’allais et si j’avais eu une perte dans la famille. Il y a souvent ce réflexe de chercher l’auteur ou l’autrice dans le livre. Avec un personnage masculin, un parcours sombre, un deuil, les gens qui me connaissent de loin haussent un peu le sourcil et me disent: «Mais Odile, ça va?» Alors oui, je vais très bien! (Rires.) Au quotidien, je suis plutôt quelqu’un de tranquille avec une vie joyeuse. Je cultive cette joie-là avec mes proches, mes amis. Mais j’aime l’expérience humaine dans toutes ses dimensions et l’écriture me permet d’explorer le côté sombre. L’écriture, c’est ma liberté, c’est l’ouverture à tout.
- Vous avez fait plusieurs résidences d’écriture. En quoi ces moments sont-ils bénéfiques?
- J’en ai fait plusieurs avant d’avoir mon fils. J’ai notamment passé six mois dans l’atelier du canton de Neuchâtel à Berlin. C’était génial parce que j’écrivais tous les matins, l’après-midi j’allais découvrir la ville, j’allais voir des expos. De ne se soucier que d’écrire, c’est très plaisant.
- Vous travaillez actuellement à l’Etat de Vaud. Aimeriez-vous pouvoir vivre de l’écriture, afin de ne vous soucier de rien d’autre?
- Je suis un peu ambivalente sur la question. J’aime le fait de ne pas en dépendre financièrement, car ça me donne de la liberté dans mes choix d’écriture, qui ne doivent pas forcément être des choix rentables. Je ne cherche pas à écrire des best-sellers. Je me lance dans des projets qui m’intéressent en premier lieu. Et s’ils intéressent d’autres personnes, c’est du bonus.