On est le 18 août 1968. La ville de Sion et avec elle tout un canton inaugurent en grande pompe le nouveau fleuron du football valaisan: le stade de Tourbillon, posé au milieu d’un décor idyllique, châteaux de Valère et de Tourbillon, cimes baignées de soleil en toile de fond. Cinquante-cinq ans et six rénovations plus tard, le cadre coupe toujours le souffle mais le stade, pas loin d’être le plus vieux du pays encore en activité, fait beaucoup moins rêver. A tel point que Christian Constantin, qui préside depuis vingt-cinq ans aux destinées de son principal locataire, le FC local, refuse de renouveler le bail qui lie son club à la commune, propriétaire du site, contrat arrivant à échéance en décembre 2024. Soit au milieu de la saison 2024-2025 que le FC Sion disputera en...quelle ligue au fait?
C’est là que le problème se corse. Car CC le répète en boucle: sans un projet de nouvelles infrastructures, il n’entretiendra plus une écurie professionnelle et rétrogradera la première équipe en ligue amateur et ce, quand bien même les portes de la Super League lui seraient ouvertes au terme de la présente saison. Chantage? Le propriétaire du club s’en défend. «Ce scénario ne date pas d’hier, ni même d’avant-hier. Il y a plus de dix ans que j’attire l’attention des Valaisannes et des Valaisans ainsi que des autorités sur ce risque.» Problème, à ce stade – sans mauvais jeu de mots –, aucun successeur à CC ne pointe à l’horizon et le Collectif Tourbillon (voir ci-après) ne semble pas en mesure d’assumer la tâche, financièrement parlant du moins.
>> Lire aussi: Christian Constantin: «Quoi qu’il arrive, je reste!»
Le modèle de Las Vegas
Alors, le deuxième club le plus titré du pays depuis 1991 (dix trophées) après le FC Bâle (20) évoluera-t-il en Première Ligue promotion à partir de juillet prochain? Ce n’est pas le projet que privilégie Christian Constantin, qui en a sorti un autre de ses tiroirs pour éviter l’infamie. La construction d’un nouveau stade à vocation mixte, sportive et événementielle, à côté du stade actuel, d’une académie pour la formation et l’épanouissement du secteur professionnel et de deux autres places de jeu, plus petites, capables de répondre aux besoins de la jeunesse de la région. Un projet devisé à 510 millions de francs, financé par la commune de Sion, l’Etat du Valais et lui-même. Mais pas que. Car cette enveloppe de plus d’un demi-milliard comprend également la construction, en trois étapes, de 600 appartements et d’un complexe moderne mixte d’habitat et de technologie qui, selon le plan présenté par son concepteur, devraient rapporter des recettes immobilières d’environ 10 millions de francs par année, manne qui servirait à couvrir le tiers de l’exploitation sportive. Si le projet passe la rampe, le nouveau stade pourrait être opérationnel dès la saison 2030-2031. A la clé, 15 000 places en mode foot et 25 000 en mode spectacle puisque, s’inspirant de la célèbre sphère de Las Vegas, l’arène valaisanne disposerait d’une scène permanente de 1000 m² et de 4000 m² d’écrans dédiés au divertissement et autres événements de toutes sortes. «On peut imaginer un tour de chant ou quelques numéros du Cirque du Soleil dès la fin du match. De son côté, Sion sous les étoiles serait déchargé de la contrainte de monter chaque année de lourdes infrastructures pour quatre jours de spectacle», imagine déjà le promoteur octodurien.
Collaboration avec le LS?
Une deuxième variante et même une troisième existent, dans lesquelles le FC Sion évoluerait en ligue amateur. La deuxième fait état d’une collaboration avec le Lausanne-Sport et/ou un autre club romand sur le modèle des écoles universitaires et polytechniques, les jeunes joueurs valaisans devant finir leur cursus sportif hors du canton. Avec cette variante, le FC Sion et son président seraient contraints de soutenir financièrement l’équipe professionnelle du Lausanne-Sport (ou d’un autre club, à hauteur de 1 million par saison), de façon à pouvoir collaborer avec cette dernière pour être en mesure de conserver une formation élite en Valais et permettre aux jeunes talents valaisans d’avoir un point de chute loin des frontières cantonales. Dans ce cas, il y aurait lieu de réaliser uniquement des infrastructures pour la formation et les entraînements (30 millions) et d’assumer les coûts d’exploitation et de fonctionnement de ce secteur, devisés à 2,7 millions par saison. Une charge que se répartiraient le FC Sion et son président (20%), l’Association valaisanne de football (30%) et l’Etat et la ville de Sion (50%).
Course contre la montre
Enfin, la troisième variante imagine un retour complet du club dans le football amateur avec les infrastructures existantes. Son budget ne dépasserait pas 1,2 million de francs par année, financé à 30% par la commune de Sion, mais aurait le grand désavantage de réduire de 600 footballeurs et footballeuses que compte actuellement le club à 350, puisque les infrastructures appartenant en grande partie à ce jour à Christian Constantin ne seraient plus disponibles. A cinq mois de la décision de la Swiss Football League de délivrer, ou pas, sa licence professionnelle pour la saison prochaine, parler d’une course contre la montre relève de l’euphémisme…
Ville et canton: no comment!
«Le canton et la ville collaborent étroitement pour examiner les propositions de Christian Constantin. C’est pourquoi nous n’avons pas la possibilité de communiquer sur ce sujet jusqu’à la conclusion de l’analyse, soit en fin d’année», répondent en chœur Frédéric Favre, le ministre des Sports du canton, et Philippe Varone, le président de la ville de Sion. Dont acte. On est un peu plus loquace du côté du Collectif Tourbillon, cette association de supporters regroupant 2000 adhérents selon ses initiateurs, créée dans le but d’assurer l’hypothétique transition à la tête du club et maintenir ce dernier dans la ligue professionnelle avec une structure de formation adéquate. «Nous espérons pouvoir rencontrer M. Constantin avant la fin de l’année afin de répondre à ses doléances, en particulier en matière financière», confie Alexandre Théodoloz, l’un des quatre membres fondateurs du mouvement. Et de poursuivre: «Nous pensons que le FC Sion peut survivre à ce niveau sans lui ou avec une moindre implication de sa part à condition qu’une partie du capital soit ouverte au public, comme l’ont fait le FC Lucerne ou le FC Saint-Gall. Le collectif restera constitué même au cas où CC poursuivrait son activité car, tôt ou tard, il faudra penser à la transition, nul n’étant éternel.»