Le son du palet rebondissant contre les bandes et celui des cannes qui frappent la glace résonnent dans la patinoire des Vernets lorsque les supporters du Genève-Servette Hockey Club (GSHC) ne sont pas là. Il est 10 h 30 ce matin de décembre. Comme tous les jours de la semaine, Noah Rod entre sur la glace. A l’entraînement, il porte le maillot jaune, celui des titulaires. Le lendemain, le jeune capitaine du Genève-Servette emmènera son équipe à Lausanne pour le traditionnel derby lémanique contre les Lions, si cher aux supporters.
Noah Rod est le Romand parfait. Le Neuchâtelois d’origine naît le 7 juin 1996 à La Chaux-de-Fonds, puis déménage à Fribourg, à Morges ou encore à Lausanne, avant de s’installer finalement à Genève à l’âge de 14 ans. Le hockey? «Une évidence», et il glisse sur la glace depuis l’âge de 3 ans et demi. Mais quoi de plus normal pour un fils de hockeyeur? Son père, Jean-Luc Rod, joueur professionnel au Lausanne HC, à Fribourg-Gottéron ou encore à La Chaux-de-Fonds, offre à Noah ses premiers souvenirs de hockey: «Je me rappelle Fribourg. Nous marchions le long de la patinoire, c’était le show d’avant-match, tout le monde criait et je me suis dit qu’un jour je serais sur la glace et pas dans les tribunes.»
Noah Rod: «Je n'ai pas le souvenir de ne pas vouloir faire du hockey.»
Alors Jean-Luc Rod cadre son fils, l’encourage, tout en surveillant qu’il suive à l’école, «et ce n’était pas facile pour nous, car Noah n’avait que le hockey en tête. En rentrant de l’école, il lançait son sac à dos et courait à la patinoire», nous glisse-t-il, sourire aux lèvres. Ce sera les devoirs contre la patinoire, où Noah donne tout ce qu’il faut pour passer des tribunes à la glace. Lorsque ses parents divorcent et que sa mère s’installe à Morges, il obtiendra même une double licence et jouera pour Morges et pour Gottéron en même temps, un week-end sur deux.
Aujourd’hui, après un passage en American Hockey League (le niveau inférieur de la NHL) avec les Sharks de San Jose en Californie l’année dernière, il est de retour à Servette. Son expérience transatlantique ne s’est pas passée comme il le voulait – «ce n’était peut-être ni le bon moment pour moi, ni la bonne organisation» – et Chris McSorley, l’entraîneur du GSHC, finit de le convaincre. L’Ontarien lui fait signer un contrat de six ans, exceptionnel en National League, et lui donne les clés du vestiaire en lui offrant le maillot floqué du «C» de capitaine. Noah Rod n’a alors plus qu’un seul but en tête: ramener un titre de champion suisse, «quelque chose de magique», qui a toujours échappé à la ville du bout du lac.
«Lorsque Chris m’a convoqué pour m’annoncer que je deviendrais capitaine, j’étais heureux. C’est un rêve pour tous les jeunes joueurs qui commencent», glisse-t-il. Les responsabilités qui accompagnent la fierté d’une telle fonction ne lui font pas peur: «S’il faut remettre quelqu’un à sa place, je n’aurai pas de problème à le faire. Pour moi, un bon capitaine est un exemple, il doit motiver les gars, rester positif, tirer toute l’équipe vers le haut et être à l’écoute. C’est beaucoup, mais je ne suis pas tout seul et je suis bien cadré par mes entraîneurs, mes agents et ma famille.»
Dans les pièces adjacentes au long couloir grenat, l’antre des joueurs, qui longe la patinoire des Vernets, Noah Rod a ses habitudes (après les entraînements, il se fait masser pendant une heure), mais pas de rituel d’avant-match. «J’ai déjà essayé trop de choses qui n’ont pas marché…» Au mur, il regarde les photos des grandes années du Genève-Servette placardées. Restera-t-il toute sa carrière à Genève? Rien n’est moins sûr. Accéder au premier échelon du championnat nord-américain reste le rêve de tout joueur de hockey sur glace. «Mais à Genève, je me sens bien, et si tout continue comme ça, je me vois encore ici dans dix ans.» Car Noah Rod a le temps. Il est le plus jeune capitaine du championnat, et de loin. Le meilleur souvenir de sa (courte) carrière? Copenhague, sans hésitation. En mai 2018, les Championnats du monde battent leur plein dans la capitale danoise. La Suisse, avec Noah Rod, arrive jusqu’en finale. Une finale malheureuse lors de laquelle les Helvètes seront finalement battus par la Suède, tenante du titre. Cette défaite, Noah ne «l’oubliera jamais». «J’étais très déçu de perdre de cette façon, les Championnats du monde, c’est un rêve d’enfant, mais c’est le sport. Quand j’y repense aujourd’hui, c’était quand même une très belle aventure et le retour en Suisse était incroyable. L’aéroport était noir de monde.»
Ce soir de derby dans les tribunes de la patinoire du LHC, Malley 2.0, Jean-Luc Rod, ce «malade de hockey», comme dit son fils, l’encouragera comme à chaque fois. Mais en terre vaudoise, Genève-Servette chutera lourdement et n’inscrira qu’un but. Celui de son capitaine.