«Je suis le fils unique d’une lignée de banquiers genevois. J’ai passé une enfance assez solitaire, soumis à une certaine pression avec un père qui représentait la quatrième génération à la tête de l’établissement familial. J’étais programmé pour assurer la continuité même si, plus jeune, j’avais envie de faire médecine et de parcourir le monde. Mais mon père en avait décidé autrement pour moi.
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Je me suis mis à faire des stages dans la finance et le goût m’est venu. C’est le côté humain qui m’a emporté. J’aime ce métier où l’on crée des liens forts avec ses clients: c’est la base, cette confiance que l’on tisse. Me voilà donc banquier, mais je me rends vite compte que notre maison est une petite boutique parmi des géants. Comment gagner en visibilité face à de tels concurrents? Mon père ne souhaitait même pas aborder le sujet. En bon protestant genevois, il fallait, pour vivre heureux, vivre caché.
J’étais alors lié à un groupe d’amis médecins fans de voile et j’ai eu l’idée de sponsoriser un bateau. Cela ne se faisait pratiquement pas pour une banque à l’époque. Je n’avais pas 30 ans et je mettais notre nom sur une voile énorme qui paradait sur le Léman. Faire de la pub, autant dire que mon père n’y croyait pas. Mais quand j’ai ressenti l’engouement que cela créait chez nos clients et nos collaborateurs, très fiers de cette expérience, un déclic s’est produit.
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Je pouvais faire le métier dont mon père avait rêvé pour moi et prendre du plaisir à faire ce que j’ai toujours apprécié: réunir des gens et partager des moments forts avec eux. Lors de notre deuxième participation au Bol d’or, en 2006, j’ai vraiment stupéfait mon père. Nous avons alors gagné la course avec Russell Coutts et la visibilité pour Gonet a été incroyable. Nous étions sortis du cadre, mais au lieu de faire peur à nos clients, d’habitude très retenus, ils nous témoignaient leur reconnaissance. La prise de risque, gagner en visibilité, avait payé.
A partir de là, j’ai encore plus écouté mes intuitions. Il y a eu des coups de cœur; j’ai ainsi racheté le restaurant Le Lyrique à Genève. Je me suis aussi souvenu de mes émotions d’enfance, notamment de ce fabuleux tournoi de tennis de Genève que j’adorais comme fan inconditionnel de Björn Borg. C’était toujours dans un coin de ma tête. Quand j’ai lu dans la presse que le tournoi risquait de disparaître, cela a été très rapide. J’ai appelé les organisateurs et en un coup de fil nous sommes tombés d’accord. Nous étions en pleine pandémie, le monde semblait s’arrêter et j’en avais marre de cette sinistrose. J’en avais rêvé, il fallait le faire.
La chance sourit aux audacieux, paraît-il. Il y a deux mois, les organisateurs nous ont fait un signe inespéré. Avec le déplacement des dates de Roland-Garros, Roger Federer avait une fenêtre qui s’ouvrait pour venir jouer au Gonet Geneva Open. On n’osait même pas y penser. Deux semaines avant Paris, cela pouvait l’arranger de jouer sur terrain naturel et il avait envie de se produire en Suisse.
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Mon père nous a quittés il y a cinq ans et nous venons de fêter les 175 ans de la banque. Ce fut l’occasion de plonger dans les archives de famille et d’avoir deux révélations. Non seulement nous ne sommes pas des réfugiés huguenots, comme nous l’avions toujours pensé, mais bien des Romands depuis le XIVe siècle et j’ai donné par hasard à mon fils le même prénom que le premier Gonet identifié dans notre généalogie. D’où venons-nous, où allons-nous? La seule chose qui est sûre, c’est que la vie n’est jamais avare de surprises.»
La news
La banque Gonet ouvrira en septembre prochain une agence à Cologny, à quelques encablures du Tennis Club des Eaux-Vives, où se tient le Gonet Geneva Open. C’est la première agence de banque privée s’installant dans la région suburbaine du canton.