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Dossier Lady Diana

«Née trop tôt, Lady Di est l’ultime féministe»

Ils ne l’ont pas connue et pourtant ils sont fans d’elle. Lady Di fascine plus que jamais, vingt-cinq ans après sa mort. Comment expliquer l’intérêt toujours grandissant que lui porte la génération des moins de 30 ans? Décryptage et témoignages.

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Lady Diana

Diana et l’acteur John Travolta, réunis le temps d’une danse lors d’un dîner à la Maison-Blanche, le 9 novembre 1985.

imago stock&people
Carré blanc
Pauline Bienfait

«Je pense que notre génération est tombée amoureuse d’elle pour des raisons très différentes que les générations précédentes.» Il y a quelques années, alors qu’elle était en plein divorce à l’âge de 25 ans, l’écrivaine anglaise Eloise Moran, auteure du livre «The Lady Di Look Book» sorti en juin 2022, tombe par hasard sur un documentaire à propos de la princesse des cœurs, un soir sur Netflix. Elle y découvre les coulisses de l’affaire entre Charles et Camilla, les troubles alimentaires de Lady Di, ses problèmes de santé mentale et sa dépression. Immédiatement, elle s’identifie à cette femme qu’elle n’a jamais connue. «Je pense que notre génération est très différente de celle de nos parents. Nous sommes beaucoup plus intéressés par les sujets de santé mentale et plus ouverts à ce propos. La majorité des femmes vont être confrontées au cours de leur vie à des problèmes de poids et de contrôle de leur apparence. A travers son histoire personnelle, nous, la jeune génération, sommes tombés amoureux de la personne qu’elle était vraiment.»

Un attachement et une fascination qui ne passent pas inaperçus. Telle une influenceuse des temps modernes, Lady Di est présente partout. Sur Twitter ou sur Instagram, les faux comptes en son honneur rivalisent en nombre de likes. Sans compter les millions de tags «#PrincessDiana» sur TikTok. Mais comment se fait-il que cette femme reçoive tant d’attention de la part d’une génération qui ne l’a pas connue, même si la célèbre série «The Crown» a joué un rôle?

Lady Diana

Moment crucial dans la vie de la princesse Diana: l’interview vérité qu’elle accorde à Martin Bashir de la BBC, diffusée le 20 novembre 1995. Les Britanniques découvrent ce jour-là le ménage à trois que le prince Charles a imposé à son épouse.

Dukas

Pour Thibaut de Saint Maurice, philosophe, chercheur et chroniqueur français, il n’y a pas de doute: l’histoire de Lady Diana racontée dans la série est très actuelle. «Je pense qu’il y a une succession de situations dans cette série où les individus sont aux prises avec des injonctions sociales, historiques, morales, de politiques familiales. C’est quelque chose qui est très formateur pour le spectateur d’aujourd’hui, puisque la version vraiment très contemporaine de notre individualisme libéral, c’est de construire des individus qui sont libérés de toutes les injonctions qu’ils reçoivent de l’extérieur.»

Selon Ioanis Deroide, historien et auteur du livre «L’Angleterre en séries», la figure de Diana fascine car elle s’inscrit dans une dynamique plus large encore. «La grande force de «The Crown», c’est de mettre en son centre une figure de femme. Enfin, plusieurs figures de femmes: la reine elle-même, sa sœur et Diana. Cela s’inscrit dans un très grand courant, une vraie lame de fond des séries télévisées d’être féministes. Je crois que c’est quelque chose qui aujourd’hui séduit.»

Marco, un étudiant de 26 ans tombé sous le charme de la princesse disparue, la trouve, lui, «différente des autres membres de la famille: c’est celle qui dégage le plus de magie», commente-t-il. «Avant, la magie de la famille royale faisait effet grâce à la distance qu’ils instauraient avec le public. La magie de Lady Di, elle, se propageait justement grâce au contact très proche qu’elle avait avec la population. Elle parvient à entrer en contact avec des gens même si elle ne parle pas leur langue. Je trouve qu’elle est universellement magique. C’est une dame qui est extrêmement charismatique.» Une fascination pour ce personnage presque mythique que le jeune homme a pu approfondir en visionnant la saison 4 de la célèbre fiction britannique.

Lady Diana

En 2017, pour les 20 ans de sa mort, le magazine «Harper’s Bazaar» consacre sa une du mois d’août à Diana, photographiée par Patrick Demarchelier.

Harper’s Bazaar

Le parcours de Lady Diana serait-il le parfait exemple de la vie et du combat à mener par la nouvelle génération qui prône l’inclusion et la libération de la femme? Diana incarne une figure qui a osé déconstruire, non sans peines et malheurs, son entourage et les contraintes qui lui étaient imposées. «Contrairement aux autres personnages royaux, que ce soit la reine à son niveau, ses enfants, son mari qui crèvent de n’avoir pas su déconstruire les assignations et les injonctions qui ont pesé sur eux», explique Thibaut de Saint Maurice. Et c’est précisément ce qui interpelle les jeunes, encore en 2022.

D’un point de vue plus philosophique, le chroniqueur y voit également «une sorte de grande leçon pour l’audience contemporaine qui est de dire: «Attention aux contes de fées!» Cette leçon, déjà présente dans l’histoire de «Madame Bovary» selon lui, «réside dans l’idée que le principal moteur de nos fictions individuelles sont les désirs que l’on entretient et que l’on veut absolument à tout prix projeter en tant que princesse».

Diana

Un look iconique de la princesse des cœurs, portant une superbe robe noire signée Christina Stambolian, la «revenge dress», robe de la revanche, lors de son arrivée à la «party» organisée par le magazine «Vanity Fair» à la Serpentine Gallery, à Londres, le 20 novembre 1994.

Princess Diana Archive/Getty Images

C’était le cas de Marie, professeure de 25 ans, pour qui Lady Di semblait d’abord sortir tout droit des contes de fées de son enfance. «Petite fille, j’étais émerveillée par l’univers des princesses et j’avais envie de découvrir ce monde. Je pense aussi que les personnes décédées intéressent parfois plus que les personnes vivantes. La mort rend le mythe encore plus grand.» La jeune femme, qui «n’achète d’ailleurs plus de magazines qui se font de l’argent sur la vie privée des personnalités depuis qu’[elle a] compris que Lady Di était morte suite aux persécutions des paparazzis», change rapidement de regard sur l’histoire de Diana. «En grandissant, en me rendant compte de la condition des femmes, j’ai réalisé à quel point sa vie avait dû être dure et cela n’a fait qu’accroître mon admiration envers elle. Il fallait avoir un sacré courage pour se séparer de son mari, pour donner une interview qui a fait polémique et, par la suite, porter des tenues «osées» pour l’époque.»

Lady Diana

Diana pouvait tout porter. On la voit ici en sweat estampillé du logo de la British Lung Foundation le 2 mai 1988. 

Tim Graham Photo Library via Get

Des tenues que l’écrivaine spécialisée dans la mode et vivant à Los Angeles Eloise Moran a minutieusement analysées: «Nous sommes dans une ère post-«#MeToo» et c’est la raison pour laquelle son style, spécialement celui des dernières années avant sa mort, parle à tellement de monde. Et ses habits de vengeance sont particulièrement éloquents.» Une référence à la légendaire et magnifique robe noire que la princesse porta plus courte et plus proche du corps que d’habitude, juste après l’annonce officielle de l’idylle entre Charles et Camilla.

De la même manière que l’on peut aisément s’identifier à Lady Di en tant que femme, il est ainsi facile de s’identifier à ses tenues. Eloise Moran en est convaincue: «Quel que soit son style, toute femme, jeune ou moins jeune, peut se retrouver en Diana, tant sa garde-robe et son sens du style ont évolué.» Sur son compte Instagram @ladydirevengelooks, suivi par 118 000 personnes, l’auteure ne manque pas de répertorier un grand nombre de looks de la princesse à jamais figés dans le temps et capturés par les photographes tout au long de sa courte vie. Un credo qui semble inspirer les icônes de mode actuelles. En 2019, des stars comme Hailey Bieber dans un shooting photo pour «Vogue Paris» ou la célèbre mannequin Emily Ratajkowski recopient totalement les looks années 1980 de Lady Di.

Lady Diana

Diana pouvait tout porter. On la voit ici en en robe blanche à Ayers Rock, en Australie.

DR

«Je crois énormément au pouvoir des vêtements et en la manière dont une tenue peut donner confiance à une personne. Ils sont un outil très précieux pour passer outre à des moments difficiles», continue Eloise Moran. Or des obstacles, la princesse des cœurs a dû en traverser un grand nombre. «Elle a dénoncé son mari, dénoncé la presse, qui était majoritairement dirigée à l’époque par des hommes. C’est ce que les gens oublient souvent à son propos: elle n’était entourée que par des hommes. Elle a été essentiellement abusée par des hommes.» Selon l’auteure, Diana a agi il y a trente ans à l’instar des femmes courageuses de l’ère «#MeToo» qui ont dénoncé tant de figures d’hommes publics puissants ces dernières années.

Lady Diana

Diana pouvait tout porter. On la voit ici en chemisier blanc à points noirs le 9 août 1983 en Angleterre.

Getty Images

«Je pense qu’elle est l’ultime féministe, affirme Eloise Moran. Beaucoup de gens ont dit que la plus grande tragédie de Diana, c’est qu’elle est née trop tôt. C’était une femme terriblement moderne: elle voyait un psychologue une fois par semaine, un astrologue, elle était obsédée par la gym et très dévouée à son travail. Elle était bien plus ouverte à tout cela que la majorité des Britanniques à l’époque. En cela, Diana est une figure de femme à la fois intemporelle et terriblement contemporaine.»

Et si elle était toujours en vie? «En 2022, je la comparerais à Angelina Jolie. Une femme investie dans de nombreuses associations caritatives et très protectrice envers ses enfants, sourit Marie. Un peu une maman lionne.» 

Par Pauline Bienfait publié le 1 septembre 2022 - 08:48