«Aussi loin que remonte ma mémoire, j’ai toujours gratté la terre. Mes grands-parents étaient agriculteurs et mon père, garde forestier. Moi, j’étais en permanence dans les champs, la forêt ou les jardins familiaux, à Apples (VD) où nous habitions. Avant de commencer à entrevoir une carrière d’humoriste professionnel, j’ai exercé le métier d’horticulteur jusqu’à 35 ans. Enfant, j’avais découvert l’existence des plantes carnivores dans le jeu vidéo Super Mario en me demandant: «Est-ce que ça existe vraiment?» Elles sont devenues ma passion. Leur esthétique les rend féeriques, à la limite du surnaturel. Pour survivre et s’adapter dans un milieu pauvre en nutriments, elles ont imaginé, au fil des siècles, des stratagèmes leur permettant de capturer des insectes riches en azote sans se déplacer.
Chez moi, je les collectionne dans une serre froide. J’en possède une dizaine d’espèces. On en dénombre plus de 700 sur la planète. S’occuper d’elles est un mélange de fascination et de savoir-faire. Il faut, avant tout, récolter de l’eau de pluie au pH faible. Ces plantes vivaces durent généralement une saison. Tout l’art consiste à les maintenir en vie et à les faire repartir. Les espèces rares sont commercialisées à très petite échelle, on n’en trouve pas en Suisse. Il faut alors se rendre à l’étranger et arpenter les bourses d’échange.
Le génie stratégique des plantes carnivores me bluffe. Afin d’attirer les insectes, elles ont développé des couleurs particulières et sécrètent des senteurs sucrées. Certaines produisent des gouttelettes à la façon de la rosée, de la glu en réalité, pour immobiliser leur proie. Elles sont munies de pièges différents: la Dionaea muscipula, par exemple, possède des «mâchoires» en plateau. Il suffit d’approcher son doigt et les clapets se referment. Ne le faites pas trop souvent, c’est comme si vous mettiez votre index dans la bouche de quelqu’un: c’est très désagréable! (Rires.) La Sarracenia Juthatip Soper est différente, elle possède ce qu’on appelle un piège à urne passif. Une fois prisonnière, la mouche se débat et glisse inexorablement au fond du tube. Incapable de remonter, elle sera digérée par des enzymes. Les carcasses d’insectes s’empilent ou finissent par être rejetées naturellement. Le vent et l’eau accumulée les évacuent. Les espèces les plus courantes n’ont pas besoin d’être nourries abondamment. Si elles n’ont rien attrapé sur une période, jusqu’à plusieurs semaines parfois, ce n’est pas grave.
Mes plantes font entre 10 et 70 centimètres de haut. Dans le monde, il en existe certaines capables de digérer un rat ou une grenouille tombés accidentellement.
Depuis quelques années, je leur consacre un compte Instagram (@carnivorebotanik). J’y poste des photos et prodigue mes conseils. On m’écrit du monde entier. Avec le froid hivernal, les plantes vont se mettre en dormance et, à l’arrivée du gel, il faudra les rentrer. Ma grande peur serait qu’une tempête vienne ruiner des années d’efforts et de patience. Je le dis à tous ceux qui veulent se lancer: au début, on n’arrive pas forcément à les maintenir en vie. Persévérez, vous réussirez. N’écoutez pas les pessimistes. Comme ceux qui me prédisaient que je ne serais jamais humoriste (rires).»
Ma prochaine scène
«Cette année, j’apparais dans La Revue vaudoise (28 oct. au 28 déc. au Casino Barrière, Montreux) avec Cuche & Barbezat, les Peutch, Nathalie Devantay et Jenny Lorant. Sur scène, je serai notamment l’assistant de Nuria Gorrite ou une infirmière dans un vaccinodrome…»
>> Réservation: www.revuevaudoise.ch