Porté disparu, Bastian Baker? Avis aux mauvaises langues, le musicien vaudois n’a pas encore rendu sa guitare pour se la couler douce aux Seychelles, comme le ferait penser un post sexy publié cet hiver sur son compte Instagram. Sciemment, il s’est fait discret dans les médias depuis quelques mois. Une absence étudiée pour mieux revenir en force. «J’ai entendu des rumeurs en mode «Il devient quoi? Il ne fait plus rien», constate, amusé, le chanteur qui enfile sa veste en cuir pour un shooting «à la James Dean» dans un magazine vintage à Lausanne. De passage en Suisse, Bastian, toujours entre deux aéroports, a accordé une demi-journée à L’illustré. Un coup de chance vu son emploi du temps de businessman. «C’est la première fois en sept ans que je reste aussi longtemps à la maison, soit quinze jours d’affilée», sourit l’artiste.
Bakermania en Chine
A la maison? Enfin, façon de parler. Le jeune homme qui avait l’habitude de dormir chez ses parents à Villeneuve ou au chalet aux Diablerets loge dans un cinq-étoiles lausannois, en face de l’appartement de sa grand-mère. Une vie de star, même à domicile, à laquelle il s’est plutôt bien accoutumé. Notamment à ses petits privilèges. Comme à 13 heures ce jour-là, quand un policier le reconnaît et libère l’accès d’une rue barricadée pour qu’il parque son Audi sponsorisée. Un passe-droit presque anodin pour cette célébrité suisse qui, en 2018, a décidé de mettre la deuxième vitesse pour se construire une renommée à l’international.
En Chine d’abord, où Mr. Baker n’est plus totalement incognito. «J’ai fait une petite apparition dans une série locale, The Interpreter, et certaines personnes m’ont depuis abordé dans la rue. Un type connaissait toutes les paroles de mes chansons», hallucine encore le Romand. Friand de nouvelles audiences, il a ensuite donné de la voix devant des centaines de millions de téléspectateurs sur le plateau de l’émission populaire Day Day Up en compagnie de mannequins Victoria’s Secret. «Sacré show! J’avais une traductrice cachée derrière moi mais je ne comprenais rien de ce qui se passait», avoue-t-il, hilare, en montrant la vidéo ultrakitsch de la superproduction asiatique sublimée de flocons de neige et d’un coucou helvète. Pour plaire à ces fans de l’Empire du Milieu, le musicien s’était rasé la barbe. Il a ensuite enchaîné en janvier les concerts intimistes à Pékin, à Shanghai ou encore à Shenzen. Une campagne réussie, si l’on en croit les propos élogieux rapportés pour le grand quotidien China Daily.
Sur les pas des superstars
Derrière le visage de cet éternel ado se cache un fin stratège. Une touche d’humour par-ci, un regard charmeur par-là. Sûr de lui et relax, alors qu’il fête ses 27 ans en mai prochain, Baker assume la direction «superstar» qu’il souhaite donner à sa carrière. «La Suisse a peur de la notion de succès, d’exporter ses artistes. Je ne sais pas si c’est par pudeur, mais les mentalités commencent enfin à évoluer», soupire-t-il. Lui n’a pas attendu pour se frayer un chemin hors des frontières. Après plusieurs tentatives pour percer à l’étranger, il tient un bon filon: une tournée planétaire avec Shania Twain, la reine de la country, qui vit en toute discrétion à Zurich. «Malade! Elle m’a choisi pour faire sa première partie de mai à décembre: 80 dates, dont le Staples Centre à Los Angeles, trépigne-t-il avec fierté. Trente minutes live sur les traces de Beyoncé, Jay-Z, Ed Sheeran ou encore les Rolling Stones, tu imagines?»
Un peu mégalo, Baker? Il assure être bien ancré dans la réalité même s’il jouera devant 2 millions de personnes d’ici à la fin de cette série de concerts géants. Force est de constater qu’il y aura certainement un avant et un après Shania Twain pour l’auteur-compositeur. Le contrat est unique pour un chanteur suisse. Et il jure l’avoir obtenu par son talent. «Arrêtez de me prêter une love affair avec n’importe qui! Je connais Shania et son mari depuis longtemps. J’ai eu la chance de faire une scène avec elle au Canada. Tout s’est bien passé, alors elle m’a proposé de la rejoindre pour cette énorme aventure», lâche-t-il sur la défensive. Quand on aborde sa vie privée, le jeune homme se braque. «Je ne veux pas en parler. J’encaisse tout ce que l’on dit sur moi dans la presse, mais je préfère protéger mon entourage.» Au milieu d’une conversation sur les relations amoureuses, il glisse qu’il n’a aucun problème à vivre seul. En rigolant, il raconte aussi qu’il a parfois manqué un ou deux rendez-vous car il ne connaissait pas le code universel «Netflix & chill», une expression que les jeunes utilisent pour signifier qu’ils veulent s’envoyer en l’air.
Nouvel album en octobre
Gêné, il avale deux gorgées de tisane gingembre-citron et change de sujet. Il tente une dry week, soit une semaine sans alcool. Histoire de calmer l’euphorie des soirées qui jalonnent son quotidien dans l’industrie musicale. «J’ai un peu trop enchaîné. Et je suis terriblement influençable quand il s’agit de sortir», confie-t-il.
C’est d’ailleurs un peu pour fuir les tentations et revenir aux sources de la musique qu’il s’est exilé en février à Nashville afin de finaliser son nouvel opus aux mélodies pop sophistiquées. Sortie prévue en octobre. «Contrairement aux autres albums, j’ai vraiment pris mon temps. J’ai écrit 60 titres pour n’en choisir qu’une poignée», dit ce boulimique de travail en rangeant soigneusement ses chemises dans son coffre à la fin de la séance photo. Bloqué dans les bouchons lausannois aux heures de pointe, il reste cool, monte le son d’un certain «interprète inconnu» et lance avec malice: «Tu en penses quoi de ce morceau?» La mélodie a du peps. Loin des ballades folk, la voix de Bastian Baker n’est pas immédiatement identifiable. «Mon grand-père m’a dit que ça clashait», danse le chanteur au volant. «Avec ça, je pourrai lâcher ma guitare et essayer d’être un performeur sur scène», ajoute-t-il avec enthousiasme.
Changement d’ADN donc pour ce quatrième album tenu secret. L’artiste planifie un coup marketing pour la sortie, le 20 avril, du 1er single «dont on ne doit pas prononcer le nom». «Personnellement, cette musique me plaît. Après, on apprécie ou non mon travail, c’est débile de se chercher un public.» Et en cas d’échec, cette force (trop) tranquille osera une autre aventure artistique. Mais pas dans le cinéma, confie-t-il au Sport’s Café Le Zodiac, le restaurant de son père. Sur place, il commente les JO avec les clients, avale son poulet thaï en express et, gourmand, finit l’assiette de son assistante.
Alors qu’il saute dans le métro lausannois, Bastian visse sa casquette noire New York Yankees sur la tête. Une façon de ressembler à tous les hipsters de son âge, pour savourer une paix royale dans les transports publics. «A vos souhaits!» répond quand même poliment le chanteur à une dame qui éternue.
Ceux qui le pensaient has been, en panne d’inspiration, à ne courir que les événements des marques auxquelles il prête ses traits, Bastian Baker leur fait un pied de nez. «On me rabâche toujours avec ça, mais je suis vraiment décomplexé. Je suis fier de proposer aux jeunes un modèle de réussite autre que Shaqiri et les footballeurs dans les pubs», finit-il. Son mantra: diversifier ses activités, à l’image des stratégies des rappeurs américains. Le son comme noyau central, avec des ramifications plus lifestyle, dont la création d’une ligne de vêtements avec une boutique suisse. Avis à ses fans, alors qu’il envoie un SMS pour retrouver ses potes autour d’une fondue au fromage, il promet de revenir plus souvent au pays en 2019!