Marianne Ebel: la retraitée active
71 ans, retraitée de l’enseignement et ex-députée, candidate SolidaritéS sur la liste, POP-Vert-SOL/NE.
non élue
En 1968, elle avait 20 ans. Elle pensait que «la révolution était possible». Depuis, sourit-elle, presque intimidée par les flashs de notre photographe, Marianne Ebel a «appris la patience. Mais je suis toujours impatiente de voir le changement.» Et le changement, elle y croit, ça pourrait être maintenant. «Regardez cette mobilisation extraordinaire lors de la grève des femmes, avec toutes ces générations confondues! Tous ces jeunes qui descendent dans les rues pour dire l’urgence climatique! Nous vivons en Suisse un tournant historique.» Un changement qu’elle voudrait radical. Et d’évoquer d’une traite tout ce qui ne va pas: les féminicides, les inégalités qui se creusent, le travail gratuit des femmes (le «care») estimé à des centaines de milliards de francs, l’augmentation en discussion de l’âge de la retraite pour les femmes… Elle reprend son souffle. «Personnellement, je n’ai pas beaucoup d’argent, mais j’ai l’énergie pour éveiller les consciences, la force de dénoncer les injustices.»
Elle évoque ses jeunes années, le fait d’avoir dû se battre pour aller au gymnase quand pour ses frères c’était une évidence. La lecture du «Deuxième sexe» de Simone de Beauvoir, qui lui fait «comprendre le système patriarcal». Elle décide alors qu’elle n’aura des enfants que si elle trouve un père qui a «la même vision du partage». Ce sera Henri, qui demande à son usine un congé parental non payé. Face au refus, il démissionne. «Nous nous sommes occupés ensemble de notre enfant, Leana, ça a été le début d’un beau partage.» Suivra un fils, les années à l’université où, découvre-t-elle, «il y a alors peu d’espace pour les femmes qui voulaient faire de la recherche». En 2008, députée SolidaritéS au Grand Conseil, elle dépose une initiative constitutionnelle, «Droit à un salaire minimum». Le premier salaire minimum cantonal de Suisse entre en vigueur dans le canton en 2017. Elle a, elle le sait, peu de chances d’être élue. «L’important, c’est que ce soit des candidats écologistes et féministes qui gagnent.» Parole de militante.
Mon combat
«La diminution du temps de travail pour tous. La Suisse a les moyens de passer aux 32 heures sans diminution de salaire. Cela permettra une autre manière de vivre et de consommer. Les jeunes ont compris qu’une vision moins productiviste de la société est possible.»
Franziska Meinherz: La désobéissante
Egalement candidate aux Etats, Ensemble à gauche/VD.
non élue
Alors que nous écrivions ces lignes, l’assistante-doctorante en urbanisme à l’EPFL tapait sur une casserole avec d’autres militants sur le pont Bessières à Lausanne, dans le cadre d’une action d’Extinction Rebellion. Logique pour cette membre de SolidaritéS qui, à 28 ans, est devenue l’une des figures de la grève du climat, par exemple en montant sur scène lors du Forum des 100.
Mon combat
«Je m’engage pour la justice climatique. Je propose de faire payer la transition écologique aux multinationales et banques suisses, qui émettent 32 fois plus de CO2 que la population et l’industrie suisses. L’argent qu’elles investissent dans des activités polluantes doit financer un fonds climat.»
Stefanie Prezioso: La voix de la gauche de la gauche
50 ans, également candidate au Conseil des Etats, EàG/GE.
élue (en tant que vient ensuite)
Ses modèles féminins sont Louise Michel (figure majeure de la Commune de Paris) ou Rosa Parks. Stefanie Prezioso, professeure d’histoire contemporaine à l’Université de Lausanne et solidaire de la grève du climat, est la tête de liste d’Ensemble à gauche dans le canton du bout du lac. Cette ancienne conseillère municipale est aussi rédactrice du bimensuel SolidaritéS et militante féministe.
Mon combat
«La bataille pour l’égalité: réduction des inégalités de fortune et de revenus; suppression des inégalités entre femmes et hommes (salaires, retraites...); lutte contre les violences sexistes, et toutes les formes de discrimination (nationalité, culture, religion, orientation sexuelle, identité de genre).»
Delphine Klopfenstein Broggini: La pro-vélo
43 ans, députée, Verts/GE.
élue
Pression sur l’aéroport, guerre contre les places de stationnement, à Genève, les Verts et Delphine Klopfenstein Broggini ont lancé, à la rentrée, leur offensive parlementaire. Pro-vélo (la députée propose de multiplier le nombre de voies vertes dans le canton par six), la Versoisienne est aussi membre du comité Pro Natura, sociologue de formation et mère de deux enfants.
Mon combat
«Je m’engage à répondre à l’urgence climatique par des politiques ambitieuses de protection de l’environnement et de la biodiversité. C’est miser sur les transports publics et la mobilité douce, sur une agriculture proche de la nature, sur une économie circulaire et solidaire. C’est sortir définitivement des énergies fossiles.»
Paola Riva Gapany: La polyglotte
51 ans, PS/VS.
non élue
Née à Berne d’une mère piémontaise et d’un père tessinois, Paola Riva Gapany étudie le droit à Neuchâtel et Washington DC avant d’arriver en Valais en 1996 et ne plus repartir. Mère de deux enfants et polyglotte (elle parle cinq langues), la Saviésanne, fière de ses origines, se bat notamment pour la protection des langues latines et des minorités.
Mon combat
«Juriste en droits de l’enfant, mon combat politique prioritaire serait la lutte contre le harcèlement scolaire: un article pénal spécifique avec campagne de prévention à la clé et mesures de soutien pour toutes les personnes impliquées. Et ceci pour respecter ma promesse faite à une jeune victime.»
Lydia Schneider Hausser: La femme qui bat le pavé
61 ans, députée au Grand Conseil depuis 2005, PS/GE.
non élue
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Lydia Schneider Hausser est une femme engagée. Cette native du Jura, mais résidente genevoise de longue date, a notamment participé à la naissance de l’association Première ligne et du Quai 9 (structure de réduction des risques liés aux drogues). Particulièrement intéressée par la dépendance et les addictions, cette mère et grand-mère est aujourd’hui responsable de formation au Groupement romand d’études des addictions.
Mon combat
«Je me battrai contre la déshumanisation du monde du travail. En 2017, le nombre de travailleur·euse·s placé·e·s en emploi intérimaire a connu une augmentation de 14,5%. La loi fédérale et la convention collective ne sont pas suffisantes. Des mesures complémentaires doivent être introduites au niveau des entreprises.»
Uzma Khamis Vannini: L’éthicienne
50 ans, avocate, conseillère municipale à Genève et cheffe de groupe, Verts/GE.
non élue
Ancienne avocate-conseil de l’Asloca, Uzma Khamis Vannini est spécialisée dans LE thème qui passionne et polarise le bout du lac: la défense des milieux locataires.
Mon combat
«Un environnement sain pour toutes et tous! Cela nécessite de lutter contre le changement climatique et d’œuvrer pour la justice climatique et sociale, l’égalité, la transparence, le soutien à la paix dans le monde. Je m’engage pour une politique éthique, scientifique, écoféministe et humaniste.»
Carole Furrer: la porte-voix des femmes actives
54 ans, présidente des Syndicats chrétiens du Valais, viceprésidente de Travail.Suisse, PDC/VS.
non élue
C’est une battante. Carole Furrer a connu des années plus que difficiles et son programme politique en est empreint. Son slogan? «Avec force et conviction.» Sa force, Carole Furrer la puise dans son parcours de vie. La Montreusienne n’a que 23 ans lorsqu’elle se retrouve veuve et mère de deux garçons de 5 et 1 an. Pas question pour autant de baisser les bras. Elle reprend des études à HEC Lausanne, dont elle sort diplômée en 1992. «J’ai vraiment dû me battre pour obtenir ce que j’ai. Aujourd’hui, je me suis remariée et des jumeaux sont venus agrandir la famille, mais sans cette force, je n’aurais jamais fait tout cela.» A l’arrivée des jumeaux, Carole Furrer met sa carrière entre parenthèses. «Il n’y avait pas de crèche», résume-t-elle. Si elle-même réintègre «facilement» le marché du travail, le retour à l’emploi des femmes fait partie de ses combats. «La répartition des tâches repose encore trop majoritairement sur les femmes. Pourtant, il faut absolument qu’elles puissent rester sur le marché du travail le plus longtemps possible. N’oublions pas qu’en Suisse, un mariage sur deux se termine par un divorce.»
En novembre 2015, Carole Furrer devient la première femme à présider les Syndicats chrétiens du Valais. «On ne travaille pas mieux qu’en mixité!» Une femme dans un milieu d’hommes, un challenge. Mais rien ne paraît faire peur à cette mère de quatre garçons, ex-députée au Grand Conseil et secrétaire générale du PDC. Pas même le FC Savièse dont elle a été secrétaire, «alors que je ne connaissais rien au foot!».
Installée à Savièse depuis maintenant vingt-six ans, elle se bat pour son canton. «Garder la vie dans les vallées latérales et encourager la consommation de produits locaux. Et puis, nous avons énormément de compétences. J’ai un réseau à Berne, je sais que je peux être utile à mon canton.»
Le 8 mars dernier, Carole Furrer prend sa décision. Elle sera candidate au Conseil national. «J’ai toujours encouragé les femmes à s’engager dans la vie politique. Comment aurais-je pu continuer à leur dire ça si je ne m’étais pas lancée?»
Mon combat
«Je défends le marché de l’emploi. La problématique des jeunes qui ont de la peine à trouver du travail et des seniors qui perdent leur emploi et se retrouvent en situation de grande précarité. La formation continue est aussi primordidale, les femmes doivent pouvoir revenir facilement sur le marché du travail.»
Céline Dessimoz: L’infirmière au chevet de la planète
44 ans, députée au Grand Conseil, Verts/VS.
non élue
C’est l’un des visages écologistes du Valais romand. Céline Dessimoz, mère de deux jeunes enfants et candidate à la chambre du peuple, l’assure, elle serait ravie «si les Verts font un siège, peu importe à qui il est attribué!» Née en Touraine, en France, c’est en 2004 qu’elle s’installe en Valais pour y travailler comme infirmière.
Mon combat
«Prendre soin du bien commun! Ça passe par le bon sens, l’humilité, la remise en question de nos systèmes et la valorisation de l’humain dans son milieu. Je m’engage pour promouvoir les initiatives durables en faveur d’une transition pauvre en énergie fossile et en utilisation des ressources.»
Susanne Amsler: La Globe-trotteuse écolo
42 ans, également candidate au Conseil des Etats, vice-présidente du PVL Genève, Vert’libéraux/GE.
non élue
onseillère en gestion de crise, Susanne Amsler a eu une carrière internationale. Après des études en Suisse alémanique et aux Etats-Unis, elle est engagée au CICR et travaille dans plus de huit pays différents sur quatre continents avant de s’installer à Genève.
Mon combat
«Freiner le changement climatique, conformément aux objectifs fixés par l’Accord de Paris. Nous avons les moyens, politiques et techniques, d’agir efficacement, dès maintenant. Instaurons donc des lois et des incitations qui soutiennent la protection de l’environnement et qui pénalisent la pollution.»
>> Lire aussi les portraits:
L'éditorial: Parce qu'un Suisse sur deux est une femme
Par Albertine Bourget
Les élections fédérales du 20 octobre battent des records en termes de nombre de candidats. Surtout de candidates, puisqu’elles sont près de 40% à se présenter sur l’ensemble du pays (43% à Genève, 40% à Fribourg et à Neuchâtel).
Dans une année marquée par la mobilisation autour du 14 juin et du réchauffement climatique, cette hausse nous a donné une idée un peu folle: si seules des femmes étaient élues, à quoi ressemblerait la prochaine législature? Pour en dresser les contours, nous nous sommes basés sur la députation romande qui siège actuellement au Conseil national, en prenant en compte les sortantes, la répartition des sièges par canton et en excluant les sièges alémaniques à Fribourg et en Valais. Nos calculs sont ensuite devenus un véritable casse-tête: nous aurions voulu vous présenter la répartition la plus équitable possible, mais les candidatures féminines, tous âges confondus, sont bien plus nombreuses à gauche et au centre qu’à droite. A titre d’exemple, à Fribourg, l’UDC ne présente pas une seule femme. Le résultat final: un panel largement teinté de vert et qui penche à gauche.
Ce tableau forcément subjectif déplaira peut-être à certain-e-s. Tant pis. A l’heure où nos élues ne représentent que 31,7% du National et 13% des Etats (qui compte autrement dit 87% d’hommes), il est plus que temps de s’engager pour une meilleure représentativité de la population suisse. Sans passer par des quotas, mais en votant, tout simplement. Quitte à privilégier les noms féminins dans l’urne, sachant qu’au-delà de sa propre appartenance partisane, être femme influence le vote: voir par exemple le congé paternité ou l’égalité salariale. Le changement passera par là.
Le «making of» de la Une de L'illlustré
Réunir 49 candidates au Conseil national alors qu’elles étaient en pleine campagne électorale: un véritable tour de force. Au total, 40 d’entre elles ont pu réorganiser leur agenda afin de monter sur notre échafaudage dans une halle du Palais de Beaulieu à Lausanne le vendredi 13 septembre.
Nos invitées ont été priées de se répartir sur la structure mesurant 6 mètres en fonction de leur degré de vertige. Le tour de force était également technique pour notre photographe et ses assistants, afin que toutes les candidates soient soigneusement éclairées et mises en valeur par le biais d’une juste disposition.
>> Voir aussi la vidéo du montage en accéléré:
L'échafaudage et les candidates aux fédérales
(Photo Sébastien Agnetti. Production Marion c/o Minuit Pile et Natalia Mottier. Assistants Natacha Pont, Robin Bachmann, Kevin Laszewski).