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Portrait

Max Voegtli, la colère pour étendard

Avec d’autres personnes ayant les mêmes idées que lui, Max Voegtli se colle dans les rues, en exigeant l’état d’urgence climatique. Ce trentenaire et ses comparses récoltent souvent de l’incompréhension. Ils ne font pourtant que combattre une situation annoncée depuis plus de cinquante ans.

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Max Voegtli

Max Voegtli n’était pas encore né quand les premiers scientifiques ont mis en garde contre le changement climatique. 

Corinne Glanzmann

Juste avant sa première action, Max Voegtli était presque malade d’excitation. Son plan était de perturber le discours du 1er Août de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, à Fribourg, en sautant sur la scène. «J’allais mal, je devais sans cesse aller aux toilettes. Je n’ai jamais été aussi nerveux de ma vie.» Cette action de 2022, il la raconte avec une telle intensité qu’on craint presque qu’il ne retombe malade. Ce qu’il a dit quand il est effectivement monté sur cette scène et a coupé la parole à la conseillère fédérale? «Je ne m’en souviens plus exactement, quelque chose comme «état d’urgence» et «agir maintenant». Le reste a disparu dans un brouillard de nervosité et d’excitation.» Le lendemain, le porte-parole de Renovate Switzerland fait la une des médias, tandis que sa mère se demande: «Est-ce vraiment nécessaire?»

Apparemment, oui. Assis dans un de ses endroits préférés, le Riviera, à Zurich, Max Voegtli, 30 ans n’en démord pas. Ces derniers temps, il s’est collé aux rues un nombre incalculable de fois avec des personnes partageant ses idées, perturbant des manifestations. Depuis un mois, il est un délinquant condamné pour contrainte et dommages à la propriété. Le 26 octobre, il sera de nouveau jugé à Berne pour les mêmes faits.

De 1972 à 1983 – Des avertissements
 

Si la croissance n’est pas freinée, l’environnement sera irrémédiablement détruit. Telle est déjà la conclusion du Club de Rome (une association d’experts de 30 pays) en 1972 dans son rapport sur la situation de l’humanité. Max Voegtli n’était pas né. En 1983, des chercheurs suisses publient un article intitulé «Comment nous transformons notre terre en serre». Avec pour conclusion: «Concernant le CO2, les preuves à 100% seront probablement apportées à un moment où il sera trop tard pour faire marche arrière.» Dix ans s’écoulent entre la date de la publication et la naissance de Max Voegtli. C’est aussi à cette époque que le dépérissement des forêts déclenche en Suisse les premières mesures environnementales, comme le catalyseur dans les voitures.

Déclarer l’urgence climatique
 

Le mouvement Renovate Switzerland n’est actif que depuis deux ans à peine. Cette organisation se compose d’une équipe de moins de 200 personnes et s’unit à des groupements similaires dans 11 autres pays. Parmi leurs revendications, ils demandent que le Conseil fédéral déclare immédiatement l’état d’urgence climatique. Et que tous les bâtiments de Suisse soient isolés. «Nous consommons deux tiers de l’énergie pour le chauffage. L’isolation nous permettrait d’en économiser 30%. C’est d’autant plus important que la plus grande partie de l’énergie de chauffage provient de sources d’énergie fossiles», explique Max Voegtli. A quoi sert la déclaration d’état d’urgence climatique? «Un état d’urgence permet de mettre en place des mesures rapidement et de manière conséquente. Cela secouerait tous les membres de la société, pour qu’ils agissent enfin.»

Max Voegtli

Porte-parole du mouvement Renovate Switzerland, qui suscite autant d’espoirs que de colères, le jeune activiste se dévoile.

Corinne Glanzmann

De 1992 à 2013 – Des preuves
 

En 1992, 172 chefs d’Etat se réunissent à Rio de Janeiro lors de la première conférence des Nations unies sur l’environnement. Formulé par un accord, l’objectif est de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre à un niveau qui ne perturbe pas dangereusement le climat mondial. La Suisse fait partie des pionniers en matière de protection de l’environnement et du climat, le dépérissement des forêts a alerté les politiques et la population. Un an après Rio, le petit Max voit le jour, à Bâle. Quatre ans plus tard, le Protocole de Kyoto formule un catalogue de mesures mondiales pour limiter les émissions de CO2. La Conférence mondiale sur le climat est créée en 1998. En 2012, l’Office fédéral de l’environnement écrit dans un rapport sur l’état de la Suisse: «Dans certains domaines, la situation stagne ou s’est même détériorée depuis les années 90. La consommation de carburant a augmenté de 15%.» Le cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) écrit en 2013: «L’homme est responsable à 95% du réchauffement climatique.» 

Population sous-estimée
 

Lorsque Max a 2 ans, lui et sa famille s’installent en Chine, où son père est cadre chez Roche. En 2012, il a 19 ans et vit à York, en Angleterre, où il étudie les sciences politiques. C’est une belle époque, York possède le plus grand nombre de pubs de tout le pays, dit-il. Après ses études, il part en Allemagne, puis en Suisse orientale. Il travaille dans de grandes entreprises, où il peut aussi être responsable de la durabilité. «C’était beau de voir comment les individus voulaient faire quelque chose. On sous-estime la volonté de changement, dit-il avec conviction. J’ai été malheureux de voir à quel point les choses n’ont pas bougé.» 

Depuis 2015 – Les conséquences
 

L’Accord de Paris sur le climat est adopté en 2015. La Suisse s’engage à réduire massivement ses émissions de gaz à effet de serre. Une hausse des températures ne peut plus être évitée, un maximum de 1,5°C est visé. En Suisse, la loi sur le CO2 est rejetée en 2022. Il y a quelques jours, le parlement adopte un acte modificateur de la loi sur l’énergie, un compromis qui encourage l’énergie solaire et hydraulique, mais qui manque d’ambition. Lors de la même session, le parlement décide d’élargir partiellement l’A1 à six voies. Dans le monde entier, la météo fait des siennes. Le mois de septembre 2023 est le plus chaud depuis le début des mesures. 

«Je ne peux pas faire autrement»
 

«Le problème n’est pas l’individu, poursuit Max Voegtli. Avec la responsabilité individuelle, nous n’économisons qu’environ 20% de ce qui est nécessaire.» Les 80% restants devraient être atteints par la politique, avec de nouvelles règles claires. «Il ne faut quand même pas faire porter aux gens toute la responsabilité de la crise climatique!»

«Le monde a toujours évolué. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un pas en avant. Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est rester dans le passé.» L’objectif est une vie en sécurité pour tous. L’activiste en est convaincu: «Les gens sont bien plus avancés que ce que la politique veut nous faire croire.» Comment compte-t-il atteindre ses objectifs si lui et ses collègues ne récoltent que colère et incompréhension? «Nous, citoyens ordinaires, devons être conscients que les riches et les puissants savent s’aider en cas de crise climatique. C’est à nous, citoyens ordinaires, de supporter le poids, ainsi que les plus démunis. C’est inacceptable.» Alors il ressent chaque jour l’obligation de mettre en garde. «Je ne peux pas faire autrement.» 

Par Monique Ryser publié le 20 octobre 2023 - 09:58