«Une bonne partie des clients connaissaient bien mieux mon métier que moi… En arrivant à l’Hôtel de Ville de Crissier, au printemps 2015, à 21 ans, j’entrais dans le meilleur restaurant du monde sans être convaincu d’y avoir ma place. Il faut dire que je sortais presque d’apprentissage, avec une seule année d’expérience, que j’avais effectuée au Clos des Sens, à Annecy.
Dans ce lieu mythique où tous voulaient être au top et où tous devaient chaque jour être un peu meilleurs, j’ai découvert de très grands cuisiniers. Talentueux, mais aussi et surtout des travailleurs acharnés. Je parle du chef Benoît Violier, bien sûr, mais aussi de ses seconds, Franck Giovannini et Benoît Carcenat (aujourd’hui, le premier est à la tête de l’Hôtel de Ville et le second est le chef du Valrose, ndlr), ou encore de Jérémy Desbraux, un bon copain avec qui j’ai ensuite travaillé à la Maison Wenger, au Noirmont. J’ai compris que je voulais travailler pour des gens comme eux, des passionnés. Et que de la passion naissait la réussite. Parmi cette armée de surdoués, à laquelle il faut bien sûr inclure Louis Villeneuve en salle, j’ai pris un sacré coup et compris que je devais et voulais absolument devenir meilleur! Pour garder mon job, déjà, mais pour prendre plus de plaisir dans ce que je faisais, tout simplement. Ma passion pour mon métier est née de ces difficultés. J’ai commencé à bosser comme un malade, sortant, lisant, apprenant, durant tous mes moments de libre. Et ça a payé.
A Crissier, j’ai très vite vu en Benoît Violier un homme épatant et fascinant, avec qui j’apprenais à chaque instant. Pour illustrer son aura, de toute ma vie, il est la seule personne devant laquelle j’ai bégayé, tant il m’impressionnait! Pour stimuler ses équipes, le chef faisait des tests de connaissances à chaque nouvelle carte.
C’était comme à l’école, nous étions notés sur notre connaissance des plats, des vins, de tout le restaurant. Celui qui avait la meilleure note pouvait demander quelque chose au chef, mais j’étais toujours le plus mauvais… Un jour de novembre 2015, je lui ai promis que le prochain test serait pour moi. Après un gros travail, j’ai relevé mon propre défi et c’est ainsi que, un mois plus tard, j’ai eu la chance et le privilège d’aller chasser avec Benoît Violier dans le val d’Arolla. Cette étape était très symbolique, mais, pour moi, c’était l’aboutissement de dix mois de remise en question, de travail, de résilience. L’expression d’une nouvelle maturité, en somme. A partir de là, j’ai été confiant dans mon travail, car je savais que je connaissais mon métier. Je n’avais plus cette appréhension que j’ai eue en arrivant à Crissier.
Aujourd’hui, et au vu de ce que cela m’a apporté, j’ai implanté ces questionnaires au Valrose, qui – selon moi – poussent tout le monde à se dépasser. Mais j’insiste envers mon équipe pour que ces informations soient la base et que chaque personne aille plus loin en y amenant sa personnalité. Parce que, finalement, la passion du métier, on la vit toutes et tous différemment. Et la transmettre aux clients est une affaire personnelle.»
«Sommelier de l’année» 2022 du GaultMillau, Mathieu Quetglas est directeur de restaurant à l’hôtel Valrose, à Rougemont. Des grandes théories scolaires, le jeune homme est passé aux émotions, qu’il conte à merveille en devenant un parfait showman lorsqu’il entre en salle.