Comme un symbole, Marion Cotillard figure dans le film le plus téléchargé du monde pendant la période du Covid-19: l’atrocement anxiogène «Contagion», de Steven Soderbergh, long métrage prémonitoire de 2011 qui conte la progression d’un virus mortel venu de Hongkong. C’est bien elle en médecin inquiète, «La Môme», la petite fiancée de la France, la deuxième femme la plus aimée de l’Hexagone derrière Sophie Marceau.
Contagion, Marion. La rime est riche car cette Parisienne, fille d’un couple d’artistes, s’affiche depuis toujours sur les fronts de la contestation sociale et écologique, le poing levé. Au hasard des causes qu’elle vient de défendre, on l’a vue en mai converser en direct avec le personnel soignant et l’encourager, en compagnie de Guillaume Canet, son compagnon depuis 2007. Au même instant, elle s’est engagée dans le collectif de 200 artistes et scientifiques réuni par Juliette Binoche pour refuser un retour à la normale après le Covid-19. En juin, elle a accompagné le mouvement Black Out Tuesday, formé après la mort de George Floyd.
Avant le Covid-19, en janvier, elle était en Antarctique sur un bateau de Greenpeace, avec l’acteur de Vikings Gustaf Skarsgård et l’actrice chinoise Ni Ni. Objectif: montrer à quel point le changement climatique, la pollution plastique et la pêche industrielle affectent les colonies de manchots, les baleines, la vie en mer. «Sur notre planète, les océans couvrent plus de surface que tous les continents réunis. Nous sommes tous responsables de leur protection», déclare-t-elle, ardente. Quelques semaines avant, militante, elle exprimait sa «gratitude infinie» à l’actrice Adèle Haenel pour avoir brisé le silence avec ses accusations de harcèlement sexuel à l’encontre du réalisateur Christophe Ruggia. Cela dit, sans un coup de fil décisif, elle n’aurait peut-être pas été l’incroyable dresseuse d’orques amputée de «De rouille et d’os», qui lui valut de nombreuses récompenses. Elle serait (qui sait?) devenue une passionaria professionnelle de l’écologie, son cheval de bataille.
En 2003, en effet, elle s’ennuie. Elle n’est pas encore «La Môme», film fondateur sur Edith Piaf qui sortira en 2007. Elle n’est qu’une actrice française parmi d’autres, fugitivement illuminée par le succès de «Taxi», quelques années auparavant. Elle se dit lassée «d’attendre des scénarios de la part des réalisateurs qui me font rêver».
Et il y a cet appel téléphonique, la voix du grand Tim Burton. Il lui fixe rendez-vous dans un salon de l’hôtel Ritz. «Le rancard de ma vie», reconnaît-elle. Ce jour-là, elle saute sur sa proposition de jouer dans son prochain film, «Big Fish». Après cela, rien ne sera plus comme avant et la décennie qui suivra sera la sienne, jusqu’à ce qu’elle devienne une des rares Françaises à flamboyer en Amérique, au gré de blockbusters comme «Public Enemies» ou «Inception».
La nature, pourtant, ne la quitte jamais. Maraîchers, ses grands-parents travaillaient à l’ancienne. C’est de là, dit-elle, qu’est issue sa révolte profonde devant tout ce qui ressemble à du productivisme. Soit, pour elle, «un déséquilibre total entre les êtres humains et les arbres, les champs, les animaux». D’où une colère, fondamentale. «Je faisais partie des gens considérés comme un peu allumés, hippies, version «maison dans le Larzac» avec chèvres et peaux de mouton», révèle-t-elle dans le magazine Elle. Un livre, Le serpent cosmique (de Jeremy Narby), la happe. En explorant le savoir des chamans sur les propriétés des plantes, l’ouvrage fait la démonstration de la rupture entre l’humain et son environnement. L’actrice est envoûtée.
Le terrain vert l’attire. En 2002, avec Greenpeace, elle accepte de devenir l’un des «gardiens des forêts anciennes» qui luttent pour la préservation de ces admirables ancêtres végétaux. En 2003, elle contribue à Dessins pour le climat, qui permet à une pléiade d’artistes d’exprimer leur inquiétude devant le changement climatique. En 2009, elle participe à l’enregistrement du morceau «Beds Are Burning», un message lancé par Kofi Annan, disparu depuis, en faveur de l’écologie. Ou elle se rend, en 2010, dans des collèges parisiens pour sensibiliser les enfants à la biodiversité marine, sous l’égide de la Fondation Maud Fontenoy. Tout en n’omettant pas de soutenir le chef indien Raoni ou l’agriculteur et auteur Pierre Rhabi.
Greenpeace rend volontiers hommage à cet engagement. «Elle nous a soutenus à une époque où défendre l’environnement pouvait sembler beaucoup moins glamour qu’aujourd’hui», estime son directeur général, soulignant les points communs entre son organisation et Marion: la capacité à se rebeller, le franc-parler, la volonté d’agir.
Evidemment, le paradoxe guette. Dame, la belle fut l’égérie de Dior et ses rivières de luxe de 2008 à 2017. Depuis février, elle est celle du parfum No 5 de Chanel. Elle se défend en expliquant qu’elle a renoncé, à 95%, aux produits de beauté dans le commerce. Qu’elle trie ses déchets avec ferveur et se nourrit sainement, jusqu’à avoir arrêté le Nutella à cause de l’huile de palme. Qu’elle a refusé de signer un contrat avec L’Oréal, une maison qui a longtemps figuré sur la liste noire des ONG écologiques, avant d’opérer un revirement.
Au contraire de Nicole Kidman ou de Gwyneth Paltrow, elle a le botox en horreur: «Cela montre la peur de vieillir. Je ne juge pas celles et ceux qui l’utilisent, mais j’ai de la peine pour le monde dans lequel on vit, qui pousse à ne pas accepter son âge. C’est un grand et beau sujet, une actrice qui vieillit.» Elle se réjouit d’être grand-mère, une mamie en pleine santé qui montrera les photos de ses croisades sur les mers ou les terres.
Et comme «the show must go on», elle continuera bientôt à nous mener par le bout du nez en incarnant la reine Cléopâtre dans le film réalisé par son Astérix à elle, Guillaume Canet.