«J’en espérais sept, huit, peut-être dix. En novembre 2020, je reçois plus de 1500 cadeaux de Noël en trois semaines. Ils ne sont évidemment pas pour moi! Mais j’ai tout de même beaucoup d’émotion, un grand sentiment de gratitude. Il faut dire qu’une année plus tôt, pile à Noël, je perds mon enfant à la naissance. Je ne veux pas revivre ces moments sans rien faire, je ne veux pas voir passer des Fêtes qui me rappellent trop de morsures, je ne veux pas rester dans un état de morosité. Je décide alors de faire quelque chose de gai.
Pour renverser la vapeur, je lance un appel aux dons sur Instagram. L’idée est d’offrir aux plus démunies et démunis un paquet contenant cinq produits différents: je veux quelque chose de chaud, de bon, de réconfortant, un mot doux et un produit d’hygiène. Rapidement, j’en reçois cinq, dix, vingt… Vivant au-dessus d’une pharmacie lausannoise et comprenant que l’affaire prend une belle ampleur, je demande à la pharmacienne si elle est d’accord de faire office de point de collecte, ce qu’elle accepte avec plaisir. Jusqu’à ce qu’elle se trouve débordée! Il en arrive des dizaines chaque jour, je ne sais plus quoi en faire. Heureusement, mon amoureux joue le jeu et me soutient, et porte beaucoup de cartons (rires). Moi qui voulais absolument éviter Noël, me voilà en plein dedans!
Bon, qu’est-ce que je fais de tout cela? Avant de commencer, je pensais les redistribuer moi-même, dans la rue, mais là… En trois semaines, j’en reçois 500. C’est tout de même fabuleux comme les algorithmes d’Instagram peuvent être positifs, de temps en temps! Je stoppe les envois et contacte Caritas Vaud, qui sont réceptifs. La responsable communication m’explique alors que Lausanne ne compte pas assez de sans-abris pour tout ce que j’ai récolté, alors nous allons voir à Yverdon, à Morges, à Vevey… ainsi qu’avec toutes les associations caritatives de la région. Ensemble, nous mettons sur pied un «plan d’attaque» afin qu’ils puissent redistribuer ces paquets à celles et ceux qui en ont besoin.
Pour différentes raisons, nous décidons de jouer la confiance et de ne pas ouvrir les paquets qui nous sont envoyés. C’est un risque, mais, dans l’extrême majorité des cas, il n’y a que de belles choses qui sont offertes. Certaines sont même touchantes, comme ces lettres pour proposer aux sans-abris d’aller boire un café ou ces gâteaux donnés aux bénévoles des associations caritatives. Dans le registre des présents bizarres, on trouve tout de même un sac de luxe! En allant sur place rencontrer les bénéficiaires, je vois de tout: celles et ceux qui font attention et sont touchés, mais aussi les cartons à peine ouverts dont ne sont tirés que les produits de base… Les lampes de poche, les couvertures ou encore les produits hygiéniques font un carton. Ça enlève le côté féerique de Noël, mais ça me met face à une vraie réalité.
Je passe deux mois à gérer tout cela, et cette opération me permet tout de même de passer des Fêtes tranquilles, hors de ces tumultes personnels. En fait, je trouve fantastique comme, d’une simple idée, on peut arriver à quelque chose d’incroyablement positif pour beaucoup de gens. Tout le monde peut le faire. Il faut juste savoir que ça prend du temps et de l’énergie.»
Son actu
Marine Gasser est la nouvelle directrice de l’association Lausanne à Table. Impliquée depuis plusieurs années dans la vie gastronomique lausannoise, elle souhaite continuer de mettre en avant les artisans du coin tout en régalant les Romands. Cet hiver, elle remet le couvert avec son opération de Noël.