Bonjour,
Il n’est pas facile de s’imposer comme leader, que ce soit dans une entreprise, une usine… ou une cuisine. Comme tous les chefs, Marie Robert a appris sur le tas. Tout en y mettant son grain de sel. «En toute humilité», et avec son bagage et son parcours, voici comment la trentenaire résume ce qu’elle a appris.
Stéphane Benoit-Godet
Marie Robert a inventé ses propres règles de management pour pouvoir gérer sa cuisine sans avoir fait HEC.
Mélody Sauvain«Mon principe, c’est d’offrir au client plus que ce qu’il attend pour son argent. Créer pour lui une surprise, pas uniquement un souper. Mon menu dégustation coûte aujourd’hui 170 francs, 224 avec les accords mets-vins. Mais, pour ce prix-là, tout un concept vient à toi. On change avec chaque nouvelle carte – cinq fois par an – la déco, les assiettes, par exemple.» Aller au Café Suisse, c’est surtout partir à la rencontre d’un personnage. La cheffe est cash, y compris avec ses clients. «J’ai une relation authentique avec eux. Les gens viennent pour passer un bon moment, nous voir, échanger. Nous avons une super clientèle qui nous suit souvent depuis de nombreuses années. Quand tout n’est pas parfait, ils nous le disent, notamment les premiers jours de carte. On peut tous avoir un moment de faiblesse, même dans un restaurant étoilé.»
«Sans ton personnel, tu n’es rien. Pour moi, être un bon leader, c’est s’entourer des meilleurs. Si on engage un cuisinier plus doué que moi, tant mieux! Il amènera un «plus» à l’établissement.» Il y a les principes, mais il y a aussi les paris et des choix à prendre au sein d’une équipe. Ma seconde, qui n’est pas du métier au départ, nous accompagne depuis onze ans et elle a fait ses débuts à la plonge. Nous sommes persuadés que chacun a un talent particulier, il suffit de le faire émerger. Ensuite, il faut mettre les bonnes personnes au bon endroit. Exemple, j’ai avec moi une fille rapide mais pas précise et une autre minutieuse mais lente. A moi de jouer avec ce qu’elles savent faire le mieux. Tout en donnant des objectifs quantifiables: je suis fan de statistiques; se fixer des buts et des défis, ça aide.»
«Nous avons commencé à deux en 2010 avec Arnaud et nous étions alors un couple aussi dans la vie.» On a passé un accord: à moi de gérer la cuisine, l’atmosphère et la déco, à lui le service, les vins et de jouer en plein son côté MacGyver. C’est lui par exemple qui crée ces accessoires dingues pour nos amuse-bouches. Il est subtil et calme, alors que moi, je suis la force explosive. On joue la complémentarité à fond.» Cela vaut dans la direction du Café au jour le jour mais aussi dans la gestion de l’entreprise. «Arnaud gère le budget, moi, je ne sais même pas combien j’ai sur mon compte perso.»
«Le coup de feu, c’est le moment que je préfère. C’est là où il y a de l’animation, du mouvement. Mais attention, on ne crie pas, on ne s’excite pas et on continue de faire les choses correctement.»
«Je suis une machine à idées. Au point que, parfois, je m’éparpille, au risque que des projets tombent à l’eau. A ce stade de développement de l’entreprise, si nous voulons que tout cela prenne encore plus d’ampleur, nous devons nous entourer de nouvelles personnes qui ont d’autres compétences pour enrichir notre équipe.»
«Quand tu commences à avoir une certaine notoriété, plein de gens viennent à toi. Là, tu dois rester alerte. Comment savoir si tel ou tel est sincère et veut développer un chouette projet avec toi ou juste bénéficier de ta petite aura?». J’en ai eu plein, de ces personnes qui me snobaient il y a cinq ans et qui souhaitent aujourd’hui bosser avec moi. Plus jeune, je les aurais volontiers envoyé bouler. Désormais, je me dis que celui qui vient à moi alors qu’il s’est permis à l’époque des critiques très dures – genre «mis à part montrer son cul sur les photos, elle ne sait rien faire» – eh bien, il mérite que je lui montre la voie de la sagesse.»
«Tout a décollé quand j’ai été nommée «Cheffe de l’année» par le GaultMillau. Je suis convaincue que ceux qui ont un peu de notoriété doivent l’utiliser pour une bonne raison. Cela peut aider certains jeunes d’entendre des gens «installés» comme nous partager leur expérience, expliquant, par exemple, qu’avoir un enfant est gérable tout en restant à la tête d’une entreprise. Donner une partie de soi, ce n’est pas se montrer vulnérable mais humble. La clé, c’est de ne pas prendre le melon. Celui qui me critique, je le mets en valeur, car je sais qui je suis, j’ai mon intégrité. Il ne faut pas se rabaisser. Etant exposés, il arrive que des gens disent des choses désagréables sur nous. Quand tu n’as pas 30 ans, cela te touche beaucoup; désormais, nous avons appris à l’ignorer et nous concentrer sur tout ce qui peut nous aider à évoluer.»
«Avec les années, tu dois apprendre à gérer ton affaire de manière plus professionnelle, l’instinct seul ne suffit plus. Jusqu’ici, j’avais une approche trop familiale dans la gestion de l’équipe. Avant, je prenais très à cœur les conflits qu’il pouvait parfois y avoir au sein de notre brigade. Aujourd’hui, mon associé et moi prenons les choses plus calmement, avec confiance. Quand certaines choses ne vont pas, je ne surréagis plus, je laisse aller (car tout le monde a droit à sa marge d’erreur) et je sais que ça va se corriger gentiment. Mais on ne me prend pas pour un jambon non plus, hein.»
>> Découvrez les autres articles de notre cahier spécial consacré à Marie Robert et retrouvez-y ses bons plans et ses recettes:
1. Le look: «J’aime cette robe rouge qui marque le coup, car on ne peut que s’habiller d’une manière originale pour aller chez Pierrick Suter».
Robe rouge Loose Fit Red Valentino, bas Stay Up noir fantaisie Romane Wolford et bottines en cuir nubuck à talons de 9 cm BA&SH, montre Blancpain Villeret Quantième Phase de Lune, cadran opalin serti, boîtier en or rouge serti de 29,2 mm, mouvement automatique.
www.melographie.com1. Le lieu: La Table des Suter. Pour Marie, Pierrick Suter, le patron de la meilleure adresse de la Broye (17/20 au GaultMillau), est un ami de longue date. Dans cet ancien buffet de gare, il propose une cuisine magistrale et des vins exceptionnels. Av. de la Gare 13 1522 Lucens, gare13.ch.
Julie de Tribolet2. Le look: «Pour moi, c’est la tenue confortable du dimanche dans laquelle on se sent bien, parfaite pour aller se balader en montagne et faire une halte gourmande au Ferrage».
Pull beige cachemire imprimé graphique Zadig & Voltaire, doudoune rouge à capuche et bonnet tricot tressé laine avec pompon Parajumpers, montre Blancpain Villeret Quantième Phase de Lune, cadran blanc, boîtier en acier de 29,2 mm, mouvement automatique.
www.melographie.com2. Le lieu: Le Ferrage. Cette accueillante buvette d’alpage en rondins date de 1918. Face aux Dents-du-Midi, on y mange terrines, planchettes, fondues et plats gourmands. Sympa et relax. Marie adore! Route de Champsot 37, 1875 Morgins, 024 477 12 21, 079 893 23 83, leferrage.ch.
Julie de Tribolet3. Le look: «Ce look est parfait pour se rendre en «afterwork» dans ce restaurant aussi branché que décontracté, où l’on peut déguster un grand choix de crus au verre».
Blazer Velvet Peacock et caraco dentelle imprimé 100% soie Peacock Zadig &Voltaire, jean skinny noir Seven For All Mankind, bottines noires en cuir nubuck à talons or structuré de 7,5 cm RAS (made in Spain), pochette rock cuir effet matelassé Zadig & Voltaire, montre Blancpain Ladybird Quantième Complet, cadran en nacre serti, boîtier en acier serti de 35 mm, mouvement automatique.
www.melographie.com3. Le lieu: Grotto 04. Ouvert en 2004, d’où son nom, ce resto et bar à vins moderne a un petit air urbain: en tout cas, il a séduit Marie! On y mange à la méditerranéenne des plats dans l’air du temps et des spécialités kosovares. Ruelle du Marché 10, 1880 Bex, grotto04-restaurant-bex.ch.
Julie de Tribolet