«Marcel, mon père, comme souvent les grands photographes, ne parlait pas beaucoup, la photographie remplaçait les mots. Il nous transmettait ses valeurs, la générosité, l’humilité, l’amour des gens, avec des phrases courtes, qu’il ne disait qu’une seule fois, jamais deux, et il fallait s’en souvenir.
En 1986, j’ai eu le sentiment qu’il y avait une sorte d’urgence à récolter cette parole si rare, aussi pour que ses petites-filles puissent mieux le connaître, et je lui ai proposé de l’interviewer. Sans imaginer que ces échanges allaient se poursuivre sur près de quinze ans, et que cela deviendrait même un livre. Il avait 57 ans, j’en avais 24, nous avions toujours été proches et je crois qu’il avait senti aussi que c’était le moment de dire des choses importantes.
On s’est piqués au jeu. Interviewer mon père me permettait de découvrir des aspects de sa personnalité méconnus, sa vision de la vie, de la famille, de l’amour ou de l’amitié, si importante pour lui. Son rapport avec les femmes aussi, lui le grand timide, mais qui savait devenir très vite leur confident. Il a été celui de la chanteuse Barbara pendant près de quarante ans. Il évoquait aussi les rencontres qui l’ont marqué, que ce soit des anonymes comme Luigi le berger ou des stars comme Michael Schumacher.
J’ai mis deux ans à transcrire ces «Confidences», qui ont été publiées dans une réédition de «Paul et Clémence» et un tiré à part, et ont par la suite fait l’objet d’une pièce de théâtre. Mon père a pleuré à la première répétition, cet homme si humble n’arrivait pas à croire qu’il était à l’origine de tout ça.
Je trouve beau d’avoir pu donner la parole à celui qui m’a donné la vie. Certains de ses amis, qui avaient côtoyé cet homme qui parlait si peu, m’ont dit leur reconnaissance d’avoir été confortés dans l’image qu’ils avaient de lui.
Avec mes frère et sœur, nous avons eu la chance de passer notre enfance au milieu des images de Marcel Imsand. Il y en avait partout, on les mettait par terre car il fallait les sécher avec une grosse turbine pour les aplatir et nous marchions au milieu de tout ça. On sentait sa présence dans chacune de ses photos. C’était un univers si riche et coloré que parfois je m’ennuyais à l’école!
L’observateur discret mais attentif qu’il était a bien sûr influencé mon travail de peintre et d’écrivaine. Il m’a appris une chose importante: mettre de l’amour dans tout ce que l’on fait.
Son actu
Son premier polar, «Deuils blancs» a été publié aux Editions Favre en novembre 2022. Dans un paysage hivernal, près de la frontière française, les passagers d’un TGV en panne vont vivre une étrange aventure où l’intrigue policière se mêle au fantastique. Palpitant.