Leur appartement est à leur image, chaleureux et lumineux. Au cœur du quartier populaire de la Servette, à Genève, c’est là que, depuis l’an 2000, Maria Mettral et Christian Gregori ont élevé leurs trois enfants. Les murs sont clairs et chaque objet a été pensé, voire confectionné par le maître des lieux qui ne manque pas d’imagination. Des gobelets en plastique blanc donnent de fabuleuses appliques, alors qu’une boîte de conserve coupée en deux, assortie de cascades de trombones, crée une lampe originale. Mais la passion commune de ce couple attachant, c’est le théâtre. Si la présentation de bulletins météo a valu à Maria une certaine notoriété, elle quittera cette activité en juin sans trop de regrets, puisque, ensuite, elle va enchaîner les spectacles jusqu’en novembre 2025.
- Vous vivez depuis trente-six ans avec votre mari, le comédien Christian Gregori. Vous êtes-vous rencontrés grâce au théâtre?
- Maria Mettral: En effet, nous avions tous les deux de petits rôles dans «Don Quichotte» au Théâtre de Carouge avec Maurice Aufair et Georges Wod en vedettes, mais nos personnages ne se donnaient pas la réplique. Par la suite, nous avons joué ensemble dans plusieurs pièces, dont «Les créanciers» d’August Strindberg et «La valse du hasard» de Victor Haïm, puis, en 2022, «Couple ouvert à deux battants» de Franca Rame et Dario Fo que nous avons repris récemment à Lausanne et à Vevey.
- Vous avez fondé votre propre compagnie en 1992 avec votre mari, comment avez-vous choisi son nom?
- Christian avait écrit une pièce à sketchs intitulée «Apéro», un peu sur le modèle des «Brèves de comptoir». Nous l’avons jouée à l’Auberge du Marais à Plan-les-Ouates, ce qui a inspiré le nom: Association Théâtre du Marais.
- N’est-ce pas plus difficile de jouer sur scène quand on vit ensemble?
- Au contraire, on se connaît tellement bien! On échange tout le temps et on s’aide l’un l’autre. La seule chose qui nous oppose, c’est que Christian est plus paresseux que moi. Après trois heures de répétition, il en a ras le bol, alors que moi, je suis une véritable fourmi travailleuse, qui en veut toujours plus.
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- Votre collaboration semble bien lancée, avec un nouveau projet prévu pour le mois de mai?
- Oui, Mélanie Chappuis a écrit «L’autre», en pensant à moi. C’est l’histoire d’une femme mariée et de la maîtresse de son mari. Elles se partagent donc le même homme, mais ne se crêpent pas le chignon. Lui est un prétexte pour qu’elles parlent d’elles. Du reste, on ne le voit jamais. C’est très intelligemment écrit, avec plein d’émotions et d’humour.
- Connaissez-vous Mélanie Chappuis depuis longtemps?
- C’est assez récent, mais nous avons croché rapidement, nous sommes très vite devenues amies. Je l’aime infiniment, j’apprécie son écriture, sa féminité, elle est fine et drôle et je suis ravie qu’elle me donne la réplique. Elle en rêvait secrètement, mais hésitait. Christian, qui met en scène cette pièce, a bien senti son envie et l’a encouragée.
- Quel est le secret pour qu’un couple dure?
- Chacun a son modus vivendi, mais en ce qui nous concerne, on rit tous les jours. Je suis le clown préféré de ma famille, car je suis très maladroite. J’ai dit à Christian: «Si un jour je meurs, tu vas rire pendant une semaine avant de t’occuper de moi!» On parle beaucoup, sans effort, on échange sur tous les sujets; parfois c’est fatigant, mais toujours très enrichissant. On parle du métier, bien sûr, mais pas trop. Et puis on a trois enfants et deux petits-fils, cela empêche heureusement de rester autocentrés.
- Est-ce vrai qu’il achète tous vos vêtements?
- Ce n’est pas un gag: en termes de shopping, nous sommes inversés, c’est une femme et moi un mec. Il adore acheter des vêtements, moi je déteste les magasins. Il peut passer dix minutes le matin devant ses cinq armoires de fringues, alors que je n’en ai qu’une. Comme il a vraiment beaucoup de goût, je suis ravie de porter ce qu’il a choisi.
- Il paraît que vous vous papouillez toujours et que cela agace vos enfants?
- Maintenant qu’ils sont adultes, puisque Sébastien a 38 ans, Lola 29 et Noah 23, cela va mieux. Mais quand ils étaient ados, même si je m’asseyais sur les genoux de leur père ou qu’on se faisait un petit bisou à la volée, ils n’aimaient pas trop et c’est normal. Aujourd’hui, ils nous disent être reconnaissants d’avoir eu une enfance heureuse, ils savent qu’ils peuvent compter sur nous.
- Si votre aîné est prof d’informatique et le benjamin étudie la géographie, Lola est devenue comédienne, comme ses parents. Cela vous a-t-il réjouie?
- J’ai surtout eu peur, c’est un métier passionnant, créatif et enrichissant, mais il faut être très solide mentalement pour faire face à tous les écueils qui peuvent se présenter. Parfois, il est même cruel, car rien n’est jamais acquis. En outre, il y a plus de femmes que d’hommes, ce qui fragilise encore plus la situation des actrices. A mes débuts, je jouais dans des spectacles qui comptaient régulièrement 10-12 personnes. Aujourd’hui, essentiellement pour des raisons économiques, sur scène, il y a souvent deux à trois acteurs au maximum, et on ne compte plus les solos. Quand on voit le nombre de jeunes qui sortent des écoles et arrivent dans la profession, il est difficile d’imaginer qu’ils pourront vivre de ce métier. Je pense qu’ils sont nombreux à avoir des jobs à côté, par exemple l’enseignement. Sans compter le covid qui a tout mis à l’arrêt. Lola en a profité pour faire de nouvelles études à l’université en histoire de l’art et en latin. Il faut toujours avoir un plan B.
- Avez-vous déjà joué avec elle?
- Oui, le Musée d’art et d’histoire de Genève m’avait commandé une capsule de trente minutes inspirée par la correspondance de la Palatine, la belle-sœur de Louis XIV. Comme c’était un duo, je l’ai proposé à Lola, nous l’avons présenté ensemble pendant cinq jours et cela a très bien marché. Il faut dire que Lola joue depuis toute petite, puisqu’elle faisait partie du Théâtre du Loup pour les enfants.
- Pas de projet qui vous verrait sur scène toutes les deux ou même tous les trois?
- Eh bien si, justement: dans une création, «Comme s’il en pleuvait», je serai sur scène avec Christian et Lola en décembre prochain à Genève.
- Vous dégagez une bonne humeur incroyable, pourtant la vie ne vous pas épargnée. Un divorce, la perte d’un bébé, la mort de votre père et plus récemment de votre mère... Comment avez-vous surmonté toutes ces épreuves? Etes-vous croyante?
- A ma manière. J’aime savoir qu’il reste une part de mystère, d’inconnu. Il ne faut pas avoir peur de parler de la mort; le sociologue et ethnologue Bernard Crettaz l’avait bien compris, lui qui avait créé les Cafés mortels, où on débattait de ce sujet. C’est un tabou dans nos sociétés où on l’occulte et où on fait les rites à la va-vite. Pourtant, on sait tous qu’on n’est que de passage, alors pourquoi ne pas en parler?
- Après avoir enseigné le théâtre pendant treize ans, vous avez abandonné pour présenter la météo à la télévision. Pourquoi?
- Parce que je pouvais plus facilement poser des périodes de congé, lorsque j’avais des engagements. Et les quinze premières années, j’ai joué en moyenne quatre spectacles par an. On me l’a fait un peu payer dans le métier. J’ai entendu des commentaires du style: «Elle bosse aussi à la télé, ce n’est pas vraiment une comédienne.» C’était blessant.
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- Vous vouliez arrêter la météo en décembre, pourquoi?
- Parce que j’arrivais officiellement à la date limite et que j’avais envie de me consacrer uniquement à mon métier d’actrice ainsi qu’à ma famille, notamment à mes petits-enfants. Mais comme Leticia Ribeiro est en congé maternité, je vais continuer jusqu’à fin juin. Et après j’arrête, c’est sûr, car j’ai des spectacles qui s’enchaînent jusqu’en novembre 2025.
- Donc la télévision, c’est vraiment fini?
- Non, la météo seulement, puisque je vais continuer la formation «voix» des journalistes de la RTS. J’aime l’échange avec les humains et la télévision m’a permis d’avoir cette popularité auprès des gens. A chaque fois, en tournée, les spectateurs viennent pour me parler ou faire un selfie, ils sont adorables et cela me touche.
- Vous leur donnez des cours de diction?
- Je leur apprends comment raconter un commentaire, avoir de la présence dans la voix et pas simplement à faire une lecture basique, sinon c’est vide. J’ai donné ces cours pour d’autres aussi, notamment à Léman Bleu et à Canal 9, ainsi qu’en privé. Par exemple, une médecin, qui était terrifiée à l’idée de parler en public, m’a demandé de l’aider.
- Enfin, parmi toutes les sitcoms que vous avez tournées pour la RTS, laquelle a le plus marqué votre carrière?
- Sans hésiter, «Bigoudi». J’interprétais la patronne d’un salon de coiffure et Laurent Deshusses, un coiffeur. La série a duré trois saisons, c’était épuisant, mais qu’est-ce qu’on a ri! Aujourd’hui encore, des adultes qui ont été biberonnés à «Bigoudi» m’en parlent toujours!
L’agenda 2024 de Maria Mettral
- «L’autre» de Mélanie Chappuis, du 7 au 13 mai, Théâtricul, Genève
- «Drôle de genre» de Jade-Rose Parker, du 17 septembre au 6 octobre, TMR, Montreux (VD)
- Reprise de «Master Class La Callas», du 29 octobre au 17 novembre, théâtre Les Amis, Carouge (GE)
- «Comme s’il en pleuvait» de Sébastien Thiéry, du 30 novembre au 22 décembre, Théâtre Alchimic, Carouge(GE)