Margot Robbie, c’est le modèle d’un nouveau genre d’actrices qui gravitent à Los Angeles. Renversant les codes sexistes dans lesquels l’industrie du cinéma est encore engluée, elle prône l’ère des bandes de filles engagées. Aussi habile face caméra que dans l’élaboration de projets, l’Australienne de 29 ans est bien plus qu’une énième «descendante de Marilyn Monroe». Si elle est souvent jugée comme une belle actrice, ses talents ne se résument pas à son aspect faire-valoir de Leonardo DiCaprio dans «Le loup de Wall Street».
Révélée par le film de Martin Scorsese en 2013, elle a depuis intégré le statut des icônes du 7e art. Pas uniquement pour son physique d’égérie Chanel, mais plutôt pour son parcours. Sa performance de la fiancée du Joker a sauvé «Suicide Squad», le film pop de l’univers DC Comics. Méconnaissable en reine Elisabeth dans «Mary Stuart, reine d’Ecosse», elle a marqué la critique. Avec un naturel insolent, elle a aussi convaincu Quentin Tarantino d’incarner la défunte Sharon Tate dans son dernier chef-d’œuvre, «Once Upon a Time… in Hollywood». Quant à son interprétation torturée de Tonya Harding, la championne de patinage la plus détestée des USA, elle l’a propulsée jusqu’à une nomination aux Golden Globes et aux Oscars en 2019. Une double reconnaissance dans la profession qu’elle obtient encore cette année.
Sélectionnée cette fois comme meilleure actrice dans un second rôle avec «Scandale», Margot Robbie pourrait remporter sa première statuette dorée en février. Dans ce long métrage qui peint la chute pour harcèlement sexuel de l’un des fondateurs de la chaîne de télévision Fox News, elle partage l’affiche avec Charlize Theron et Nicole Kidman (sortie en Suisse le 22 janvier). En travailleuse méthodique, pour entrer dans la peau d’une journaliste républicaine arriviste, elle s’est noyée dans les contenus pro-Trump. Créant même un faux compte Twitter pour épier les opinions des «jeunes milléniales conservatrices».
Mais ce début 2020 annonce surtout le retour de son personnage fétiche: Dr Harleen Quinzel de «Batman». La bande-annonce de «Birds of Prey» et la fantabuleuse histoire de «Harley Quinn» fait saliver les fans de la criminelle fluo la plus imprévisible de la fiction populaire. «Je suis tombée amoureuse du personnage, même si elle est extrême», confie l’Australienne. Et avec ses sœurs d’armes, sûr qu’elles vont casser la baraque dès le 5 février.
Mais alors qu’elle campe une méchante névrosée, elle est loin d’être une bad girl à la ville. La vraie Margot ressemble plutôt à une caricature de la fille cool du pays des kangourous. Avec ses frères et sa sœur, elle a été élevée par une mère célibataire dans un bourg du Queensland. Petite, elle traînait beaucoup dans la ferme de ses grands-parents. Elle chérit encore ces souvenirs en postant sur Instagram des extraits de sa jeunesse, lorsqu’elle déambulait en vélomoteur dans les prés.
D’habitude réservée sur sa vie privée, elle lève un coin de voile aujourd’hui pour la bonne cause: récolter des dons pour sauver la faune et la flore de sa terre natale, carbonisées par les incendies de ces dernières semaines. «Je voulais vous montrer des clichés de l’Australie merveilleuse dans laquelle j’ai grandi. Aujourd’hui, elle a vraiment besoin de vous. Donnons aux futures générations le genre d’enfance que j’ai eu la chance d’avoir», lâche-t-elle, les larmes aux yeux.
Mais c’est à l’adolescence, à 17 ans – persuadée de jouer mieux que certaines actrices qu’elle regarde à la TV – qu’elle quitte sa campagne tranquille pour Melbourne, à 1700 kilomètres de sa famille. Entre deux petits jobs, elle s’obstine à appeler le créateur du soap-opéra «Neighbours» pour qu’il lui donne sa chance. La série culte en Océanie a été un tremplin pour Kylie Minogue et Liam Hemsworth. Après trois ans et malgré une gloire locale, elle rompt son contrat. Direction les Etats-Unis.
Fan de hockey sur glace, elle s’y met dès son arrivée sur le sol américain. Côté scène, persévérante, elle court les castings et décroche l’un des rôles principaux de la série Pan Am sur ABC en 2011. Rencontre le grand Scorsese, et la voilà star internationale aux bras de ses idoles.
A 24 ans, alors qu’elle vient de rencontrer son futur mari, le réalisateur britannique Tom Ackerley, sur le tournage du discret film «Suite française», elle lance sa propre boîte de production: LuckyChap. Le milieu lui reconnaît un très bon flair. Le bonheur est désormais total pour l’Australienne qui se marie en douce en 2016 à Byron Bay, son spot de surf favori.
Après #MeToo, l’actrice comblée sort de sa bulle. Et décide de s’engager à soutenir les femmes des différents métiers d’Hollywood. Face à la pénurie de scénaristes, Margot Robbie crée une plateforme pour les professionnelles de l’écriture. «A son âge, qu’elle ait pris le contrôle de sa carrière, qu’elle soit si proactive, qu’elle sache ce qu’elle veut créer et transmettre... Je suis un peu intimidée», avouait Charlize Theron dans Variety.
A l’approche de la trentaine, l’entrepreneuse-actrice n’a pas peur de prendre des risques. Etonnant pour une féministe revendiquée, elle achète les droits pour une adaptation de Barbie. Après avoir vu un extrait de sa dernière production décapante, «Promising Young Woman», l’histoire d’une tueuse d’hommes prédateurs, on imagine que la poupée Mattel ne va pas se laisser mater.