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Marco Odermatt: «Le ski, c’est 23 heures et 55 minutes de travail d’équipe»

Champion olympique. Vainqueur du classement général de la Coupe du monde. Sportif de l'année. Marco Odermatt est un skieur d’exception. Avec ces réflexions sur six mots clés, le champion de 25 ans nous parle de sa vie d’homme et de sportif d’élite. 

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Marco Odermatt

«Je voulais que Roger Federer me dise s’il avait une recette secrète.» Marco Odermatt a dominé la dernière Coupe du monde. Et il a entamé de manière victorieuse la nouvelle saison.

Sandro Baebler
Thomas Renggli

1. Changements

Marco Odermatt
Sandro Baebler

«Ces douze derniers mois, il s’est passé beaucoup de choses. Et pourtant, tout n’a pas changé. En dehors de la piste, il y a plus de contraintes. Mais sur le plan du ski pur, j’essaie de m’en tenir à ce qui a marché, je m’entraîne comme avant. Les entraîneurs et l’encadrement sont restés les mêmes. J’ai pu prolonger mon contrat de quatre ans avec mon fournisseur de skis Stöckli, ce qui me réjouit énormément. La confiance mutuelle est au cœur de mes contrats. J’ai peut-être gagné quelques amis de plus. Mais les vrais amis sont restés les mêmes et je les connais parfaitement. En ce qui concerne le travail, le respect et le professionnalisme sont certainement présents. Pour les demandes des médias, je suis plus sélectif qu’avant. Après la saison dernière, j’ai délibérément pris trois semaines de plus pour répondre aux différents souhaits. Mais ensuite, je n’ai plus fait que le strict nécessaire, par exemple les obligations envers les sponsors. A côté de cela, je me suis concentré sur l’entraînement ou sur mon temps libre. J’ai passé mes vacances au Costa Rica. En fait, où je ne m’attendais pas à être reconnu, jusqu’à ce que je réalise qu’il y avait des touristes suisses!»

2. Individualisme

Marco Odermatt
Sandro Baebler

«Il faut s’astreindre à 23 heures et 55 minutes de travail d’équipe par jour et ce n’est que dans les cinq dernières minutes, de la cabane de départ à l’aire d’arrivée, que les capacités personnelles d’un skieur sont nécessaires. Sans une équipe qui fonctionne, les victoires sont impossibles. En Suisse, c’est d’autant plus vrai que nous avons beaucoup de skieurs de haut niveau. On voyage ensemble, on mange ensemble et on loge dans le même hôtel. C’est sans doute différent du tennis, par exemple, où chacun se déplace individuellement et avec son propre staff. En ski, nous sommes une équipe, nous partageons nos émotions, nous réjouissons ou sommes déçus les uns des autres et partageons nos expériences. Contrairement à d’autres grands noms comme Henrik Kristoffersen, Alexis Pinturault ou Marcel Hirscher, j’évolue entièrement dans les structures de la fédération. Mais je ne suis pas le seul. Des athlètes d'exception comme Beat Feuz ou Aleksander Aamodt Kilde suivent également cette voie. Pour moi, il n’y a aucune raison – et il n’y en aura probablement jamais – de changer cela.» 

3. Perte du sens de la réalité

Marco Odermatt
Sandro Baebler

«Le risque existe. Tout à coup, de toutes nouvelles possibilités s’ouvrent à vous et vous êtes invité à des événements que vous ne connaissiez auparavant que de réputation. Je pense notamment aux histoires de VIP. Mais je crois être capable d’évaluer cela correctement. Et si cela ne devait plus être le cas, j’ai un entourage qui me rappellerait rapidement ce qui est vraiment important dans la vie. C’est ce que font mes parents ou même mon colocataire Gabriel Gwerder. Je le connais depuis la finale du Grand Prix Migros 2006. Avant, nous faisions du ski ensemble. A 15 ans, il a eu un accident et a dû arrêter. Maintenant, il dirige sa propre salle de musculation. Gabriel est pragmatique et sait faire la part des choses. Mais qu’on puisse vivre ou s’offrir des choses extraordinaires grâce à des performances exceptionnelles, c’est normal. Et il est primordial pour moi de rester normal justement.» 

4. Plénitude

Marco Odermatt
Sandro Baebler

«Les très grandes émotions surviennent dans ces moments où l’on établit le meilleur temps et où l’on est proclamé vainqueur. Et ces instants ne peuvent pas être enregistrés et ressortis du tiroir en cas de besoin. Cela se passe sur le lieu de la victoire et avec les personnes qui sont présentes et qui partagent ces expériences. Bien sûr, après les Jeux olympiques ou au printemps, il y a encore eu quelques fêtes à la maison, certaines un peu plus officielles, d’autres un peu plus privées et plus belles peut-être. Mais en fin de compte, le temps passe et les regards se tournent rapidement vers l’avenir. Avec les succès, une certaine plénitude s’installe. On se relâche un peu en tout. Ce n’est pas de la passivité, mais de la confiance en son corps, en sa condition et en son encadrement. Cela inspire un sentiment de sécurité.» 

5. Peur

Marco Odermatt
Sandro Baebler

«Dans le sport, je crois que je n’ai plus peur de rien. La première fois que j’ai ressenti ce sentiment, c’était il y a environ cinq ans, devant le portillon de départ de Kitzbühel. Aujourd’hui, la peur s’est muée en respect. Avant les courses importantes, je suis tendu à l’idée d’être capable d’aller au bout de ma performance et de ne pas échouer. En dehors du sport, je ne suis pas un grand fan d’insectes. Mais il serait exagéré de parler d’arachnophobie. Ce qui me préoccupe vraiment, en revanche, c’est la situation politique mondiale. On a l’impression d’avoir entendu à l’école que cela s’était passé il y a longtemps. Et maintenant, nous sommes confrontés à ces événements. Je n’ai pas peur, mais je n’arrive pas à comprendre comment on en est arrivé là.»

6. Idole

Marco Odermatt
Sandro Baebler

«J’ai pu faire la connaissance de Roger Federer et m’entretenir avec lui et son entourage, notamment avec son coach Severin Lüthi. Federer est un grand modèle pour tout sportif suisse. Je lui ai posé la même question qu’on me pose aussi souvent: existe-t-il une recette secrète? Il n’y en a pas. Pas plus qu’un conseil ultime pour devenir meilleur. Dans chaque course, 100 pièces de puzzle doivent être assemblées. Et si chacune de ces pièces est à un bon niveau et que l’on sait comment elle s’accorde avec les autres éléments, cela peut fonctionner. Les succès sont souvent le produit de nombreux petits détails.»

 

Par Thomas Renggli publié le 1 décembre 2022 - 09:06