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«Sur le marché de l'emploi, les compétences sociales sont cruciales»

Ils ont plus de 1000 places de travail à proposer! Taco de Vries et Andreas Schenk sont respectivement directeur général et directeur opérationnel de Randstad Suisse, une des plus grosses entreprises du monde dans le domaine de l’intérim et des ressources humaines.

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Taco de Vries (à dr.) est le directeur général de Randstad Suisse. Andreas Schenk, lui, en est le directeur opérationnel. Nik Hunger

- Comment avez-vous vécu ces derniers mois?
- Taco de Vries (TdV): Au début de la crise du coronavirus, de nombreuses entreprises ont dû cesser leurs activités du jour au lendemain. L’un des principaux enjeux a alors été, et il le reste aujourd’hui, d’assurer la sécurité des employés. Nos clients, aussi bien les employés que les employeurs, se sont retrouvés dans l’incertitude concernant le chômage partiel. Faire face à cette situation a été pour nous un défi passionnant.

- Est-il vrai que la crise touche particulièrement les intérimaires?
- Andreas Schenk (AS): Les intérimaires ont naturellement un degré élevé de flexibilité. Le grand changement que nous avons remarqué est que certaines industries ont été soumises à une forte pression économique tandis que d’autres avaient soudainement un important besoin de travailleurs.

- Quelles industries se sont retrouvées en plein essor?
- AS: Celles de l’alimentation, y compris le transport et la logistique, et celles de l’informatique. Mais également l’ensemble du secteur du commerce en ligne.

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En tant que directeur opérationnel, Andreas Schenk, 52 ans, est responsable du recrutement du personnel qualifié. Nik Hunger

- Le besoin d’employés temporaires a-t-il augmenté?
- AS: Le besoin de flexibilité du personnel avait déjà augmenté avant le coronavirus. Dans notre monde globalisé, les entreprises ont une vision de trois à six mois.
- TdV: Il reste à savoir si cela se traduira par davantage de travail temporaire. On pourrait également imaginer un plus grand recours aux travailleurs free-lance ou à la sous-traitance. Autrefois, on était attentif aux caractéristiques du poste, alors qu’aujourd’hui on regarde davantage les compétences des candidats.

- Quelles compétences sont particulièrement demandées dans un environnement aussi instable?
- AS: Les compétences sociales sont devenues cruciales: empathie, communication, capacité à travailler en équipe. En tant qu’employé, vous devez vous demander quelle entreprise développe une culture qui vous convient. Comme sur Tinder! Va-t-on bientôt chercher un emploi comme on cherche un conjoint?
- TdV: Nous avons déjà tenté une démarche allant dans ce sens, mais c’était trop tôt. Je pense qu’aujourd’hui, ça pourrait marcher.

- Faire preuve d’empathie pour trouver un emploi, c’est plutôt sympa, mais en période de crise, qui n’a pas envie de jouer des coudes?
- AS: C’était encore le cas pour notre génération, mais les jeunes ont aujourd’hui une manière différente de se positionner dans une entreprise.

- Pour l’instant, c’est toujours la vieille garde qui est aux commandes!
- AS: C’est bien là le dilemme. La façon de diriger est encore à l’ancienne et les valeurs traditionnelles évoluent à un rythme exponentiel.
- TdV: Et en même temps, nous devons essayer de fidéliser les employés qui ont 20 ou 25 ans de moins que les patrons actuels.

- Ce serait donc aux plus âgés de s’adapter aux plus jeunes?
- TdV: Avec la numérisation, de nouveaux modèles commerciaux ne cessent d’émerger. Nous devons tous nous adapter en permanence. Le monde fourmille d’opportunités: il s’agit de savoir qui peut s’adapter le plus rapidement aux nouvelles situations.

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Taco de Vries, 54 ans, est depuis 2016 le PDG de Randstad Suisse. Il est titulaire d’un baccalauréat en gestion agricole et d’une maîtrise en droit. Nik Hunger

- Quels conseils donnez-vous à une personne de plus de 55 ans à la recherche d’un emploi?
- TdV: Le taux de chômage dans cette tranche d’âge n’est pas plus élevé que dans les autres. Mais les plus âgés ont plus de peine à s’adapter. Ils n’ont pas moins de chances de trouver du travail, c’est une question d’état d’esprit: dans quelle mesure suis-je ouvert à apprendre autre chose?

- L’expérience des plus âgés n’est-elle pas trop peu valorisée?
- AS: Nous constatons un changement dans la façon de penser des entrepreneurs, qui réalisent qu’un employé plus expérimenté peut apporter une valeur ajoutée. Mais la question est souvent de savoir si ce candidat est prêt à débuter avec un contrat de travail temporaire. Les plus de 55 ans ont du mal à se faire à cette idée.

- Concrètement, que dites-vous à un cuisinier au chômage?
- AS: La même chose qu’à tout le monde: il faut réfléchir aux prochaines étapes. Est-il prêt à se réorienter? A travailler comme temporaire? La demande en cuisiniers est forte: ce sont des gens par définition flexibles, donc faciles à placer. Ils sont par exemple aussi demandés dans l’agriculture, de par leur affinité avec les produits.

- Que pensez-vous, par exemple, des comédiens qui travaillent comme ouvriers agricoles? Est-ce que ça a du sens?
- AS: C’est la meilleure chose à faire! L’important est de rester dans le monde du travail. Aussi d’un point de vue psychologique. Et pour un comédien, découvrir un domaine nouveau est une valeur ajoutée. Peut-être que cela va l’inspirer. Je serais surpris d’apprendre que quelqu’un doit mettre fin à sa carrière artistique à cause de ça.

- Le travail temporaire continue pourtant à avoir mauvaise presse.
- TdV: 40% des employés temporaires finissent par obtenir un poste permanent. En tant que prestataire de services en ressources humaines, nous sommes un des moteurs importants de l’économie suisse, car nous créons des opportunités pour les personnes temporairement sans emploi permanent.

- Comment va évoluer le marché du travail?
- TdV: C’est difficile à dire. Si je regarde les chiffres de Swissstaffing (centre de compétence des prestataires des services d’emploi suisses, ndlr), il y a une baisse. Mais certains secteurs de PME sont, eux, à la hausse. L’industrie automobile et les fournisseurs de l’industrie d’exportation restent très prudents. L’industrie horlogère est en difficulté.

- Y a-t-il plus de demandeurs d’emploi aujourd’hui?
- TdV: Il y a un an, on connaissait une pénurie de travailleurs qualifiés. Les candidats pouvaient choisir pour qui ils souhaitaient travailler. Aujourd’hui, c’est l’inverse: il y a plus de candidats que d’emplois. Nous pensons que dans les mois à venir, les candidats vont devoir continuer à se battre pour obtenir un emploi. Cela dans la plupart des industries, à l’exception peut-être des sciences de la vie ou des technologies de l’information. La demande y est toujours forte.

- Aujourd’hui, il vaut donc mieux se former en informatique?
- AS (en riant): C’est une option. Mais comme je le dis toujours: il faut laisser parler son cœur et ne pas trop se demander quel domaine a de l’avenir. A moyen terme, il faut écouter ses envies et tout ira bien.

- Si vous perdiez votre emploi du jour au lendemain, que feriez-vous?
- TdV: Je me demanderais quelle est mon envie. Si je dois trouver du travail tout de suite ou si je me laisse le temps de réfléchir à la direction dans laquelle je souhaite aller. Ensuite, j’activerais mes réseaux et peut-être que je me réorienterais professionnellement.

- Dans un tout autre domaine?
- TdV: J’ai une formation dans le secteur agricole et mon cœur continue de battre pour les paysans et leurs produits. Je peux tout à fait imaginer retourner un jour dans ce domaine. On ne sait jamais.


L'éditorial: Une bourse de l’emploi, pour vous

Par Michel Jeanneret

Et si la Suisse tirait son épingle du jeu? Alors que, selon le Fonds monétaire international, le monde affronte la pire crise économique à laquelle il ait été confronté depuis la Grande Dépression des années 1930, une étude réalisée il y a un mois auprès de 122 pays afin de déterminer quelles sont les nations les mieux placées pour relancer leur économie dans l’ère post-covid plaçait la Suisse en quatrième position. Notre pays s’y voyait même décerner le titre de leader de la résilience économique et de champion de l’agilité en matière de marché du travail.

Cette étude, une parmi d’autres, semble trouver un certain écho concret. Lundi dernier, le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) communiquait que les effets de la crise se révélaient un peu moins sévères qu’initialement annoncé, avec une contraction du PIB de 7,3% au deuxième trimestre, contre une estimation initiale de -8,2%. Raison à cela: la levée rapide des restrictions liées à la pandémie. Lueur d’espoir…

Derrière ces chiffres se cachent toutefois beaucoup d’incertitudes, à commencer par la durée de la crise. Avant d’entamer sa résilience, la Suisse devra encore traverser un tunnel dont on ne connaît pas la taille. Et ramenés à l’échelle humaine, les chiffres précités n’augurent rien de bon. Une fois que l’Etat aura retiré les perfusions, l’économie suisse va fatalement faire face à des faillites en série qui laisseront de nombreux travailleurs sur le carreau. Selon plusieurs sources, plus de 20% des PME de certains centres urbains craindraient de devoir mettre la clé sous la porte.

Afin de faire face aux difficultés auxquelles les Suissesses et les Suisses sont déjà confrontés sur le marché du travail, L’illustré lance une bourse de l’emploi, dans une opération temporaire imaginée et pilotée par Werner De Schepper, corédacteur en chef de la Schweizer Illustrierte. Afin de donner de la visibilité à celles et ceux qui cherchent un poste ou souhaitent se réorienter, nos deux magazines, lus chaque semaine par 775 000 Suisses, ont décidé de mettre en lumière ces personnes, afin de contribuer au dynamisme de notre marché du travail. Bonne découverte!


Par Werner De Schepper et Marlies Seifert publié le 2 octobre 2020 - 08:40, modifié 18 janvier 2021 - 21:15