Les Kardashian vont quitter le petit écran, disent-ils. Pour la Maison-Blanche? Ce n’est pas tout à fait une farce: M. Kim Kardashian, plus connu sous le nom de Kanye West, rappeur christique de son métier, est candidat à la présidence des Etats-Unis. Aucune chance, bien sûr, que le milliardaire hip-hop s’installe dans le Bureau ovale – bien qu’il y ait ses habitudes. Mais la simple présence de son nom sur les bulletins de vote dans près d’une douzaine d’Etats fait frémir les démocrates: ils sentent un coup fourré pour faire trébucher Joe Biden.
En 2016, alors qu’il avait obtenu près de 3 millions de voix de moins qu’Hillary Clinton au niveau national, Donald Trump avait été élu grâce à trois succès dans de petits Etats clés. Il lui avait suffi de moins de 70 000 voix pour l’emporter, contre la majorité des électeurs américains. Or il y avait alors d’autres candidats. En particulier la Verte Jill Stein, qui avait obtenu 1,4 million de voix. Dans les Etats où s’est jouée l’élection, son score fut sans doute décisif pour faire échouer la démocrate. On sait aujourd’hui que des soutiens de Trump avaient donné un coup de main à la Verte pour mener campagne.
Alors, ça recommence? On dirait bien.
Kanye West, «born again» en Jésus, hostile à l’avortement, est un pote de Trump. Le président l’a invité à la Maison-Blanche dans un grand déploiement de caméras. Kim, sa femme, est une amie de Jared Kushner, le beau-fils devenu conseiller polyvalent; elle a ainsi obtenu, par faveur exceptionnelle, la grâce d’une femme qui avait été condamnée à la réclusion à vie pour un trafic de cocaïne.
Vous comprenez la méfiance du Parti démocrate? Le rappeur a lancé sa campagne au creux de l’été, au moment où les sondages promettaient à Trump une défaite en novembre. C’était trop tard pour être candidat dans tous les Etats, mais assez tôt pour avoir un effet dans une dizaine d’entre eux, en particulier auprès de l’électorat noir, largement acquis à Biden. Et dans ces Etats, ce n’est un mystère pour personne que des républicains ont aidé West à obtenir ses accréditations.
Sa campagne est assez fantasque. Les réponses qu’il donne aux journalistes qui l’interrogent sur sa motivation et ses projets sont souvent étranges. Quand il est apparu pour la première fois en Caroline du Sud, il s’est mis à pleurer. Kim a expliqué que le trouble bipolaire dont souffre son mari est un souci: «C’est une personne brillante mais compliquée», concède-t-elle.
Le parti du candidat s’appelle le Birthday Party. Kanye West rêve de créer des Birthday Villages pour les nouveau-nés rescapés de l’interruption de grossesse, qu’il réprouve. Il interdit, par ailleurs, au staff de sa campagne de forniquer hors mariage.
Maigre programme, mais peu importe. Quelques dizaines de milliers de voix ici ou là pourraient faire mal à Joe Biden. Les démocrates s’en souviennent, il n’y a pas eu que l’accident électoral d’Hillary Clinton. En 2000, Al Gore, face à George W. Bush, avait été vaincu en Floride par moins de 600 voix. Or, le candidat vert d’alors, Ralph Nader, en avait obtenu près de 100 000…
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Barrett à la barre
Les républicains tiennent leur nouvelle star, très conservatrice. Ils l’appellent déjà ACB. Comme prévu, Donald Trump a choisi la juge Amy Coney Barrett pour succéder à la Cour suprême à la très progressiste Ruth Bader Ginsburg, qui a commis l’erreur, à 87 ans, de s’accrocher à son siège.
ACB est assurée d’être confirmée avant le 3 novembre, date de l’élection présidentielle. Avant de voter, les sénateurs doivent auditionner la juge. Les démocrates vont mener la vie dure à cette catholique traditionaliste. Elle aura en face d’elle la redoutable Kamala Harris, colistière de Joe Biden.
Mais la candidate à la vice-présidence ainsi que les autres sénateurs démocrates seraient bien inspirés de faire preuve de retenue, dans un combat perdu d’avance. S’ils maltraitent méchamment cette très brillante juriste, mère de sept enfants (dont deux petits Haïtiens adoptés), cela pourrait leur coûter cher dans les urnes. Et de toute façon, ACB leur survivra: nommée à vie, à 47 ans.
>> Lire la précédente chronique, à ce sujet: «La sortie ratée de la juge Bader Ginsburg»