Invitée à répondre aux questions du procureur général Nicolas Dubuis, en qualité de personne appelée à donner des renseignements, Felicia Turturro, dite Tina, la mère de Luca et Marco, a parlé en italien, pendant trois heures. L’épouse, présumée innocente, a été entendue en présence de Nicola Mongelli dont elle est séparée et en instance de divorce. Elle vit à Bari, en Italie, depuis quatorze ans.
Une femme en colère
«J’ai encore des contacts avec Nicola Mongelli lorsqu’il écrit des messages. La situation est tendue entre nous aussi à cause des enfants. Luca ne vient pas en Suisse pour voir son papa», précise-t-elle d’emblée. «L’affaire a déclenché chez Luca une haine assez profonde pour le pays dans lequel les faits se sont déroulés et il n’a pas envie de revenir en Suisse.» Il étudie beaucoup, ajoute-t-elle. «Il est en deuxième année à l’université (en philosophie, ndlr). Tout comme moi, il est énervé par la situation.» Marco, son cadet, a beaucoup souffert de l’affaire, précise-t-elle. «Il a connu un échec à son année de collège scientifique. Il est plus renfermé que Luca et il parle peu de ses souffrances. Quasiment pas de l’affaire. Il n’a pas apporté d’éléments nouveaux depuis le dessin à l’origine de la reprise de la procédure (en 2010, ndlr).»
La mère de Luca confirme ensuite ses déclarations faites à la police le 10 février 2002, trois jours après la découverte de la victime. «Vu le temps passé, je ne me rappelle plus des horaires précis, dit-elle notamment. (Je crois me rappeler que l’on a retrouvé Luca vers 18 h). Je me rappelle que mes pieds étaient gelés à force de rester dans la neige et de l’interminable temps qu’ont mis les gens du chalet pour répondre.»
«Avez-vous des éléments nouveaux à apporter?» demande ensuite le procureur. «Si j’avais des faits nouveaux, je vous les aurais immédiatement transmis, répond Tina. Vous me faites remarquer que je suis toujours en colère lorsque je parle de cette affaire. En effet, je suis en colère contre la Suisse, contre sa justice, mais aussi contre moi-même. Comme vous avez aussi des enfants vous pouvez comprendre la culpabilité des parents dans ce genre d’événements.»
Elle ajoute: «Je me suis demandé ce que j’aurais pu faire ou ne pas faire pour éviter le drame. Je me sens suffisamment coupable d’avoir laissé mes enfants seuls. J’ai essayé de tourner et de retourner cette affaire dans tous les sens pour trouver une réponse aux faits: mes enfants étaient-ils trop bruyants, ont-ils dérangé quelqu’un, était-ce un acte prémédité ou non? J’attends que vous répondiez à ces questions.»
«J’ai voulu effacer ces images du pré de mon esprit, elles étaient trop douloureuses»
Le procureur entre alors dans le vif du sujet. «Avec le temps de la prescription en 2019 qui approche, votre version des faits ne doit-elle pas être changée? Comme le dit votre mari, Luca n’a-t-il pas droit à la vérité, quelle qu’elle soit?» Elle répond: «Vous me faites remarquer que j’étais sur les lieux lors des faits et que le plan horaire que j’ai fourni contient certaines contradictions. Comme je vous l’ai dit, je ne me rappelle pas du déroulement précis des faits. Je vous affirme ne pas être l’auteure des agressions commises sur Luca.»
Punir…
Le procureur fournit alors le contenu des déclarations faites par Nicola Mongelli le 6 juin 2017 au sujet des incohérences horaires relevées par ce dernier. «Vous me faites savoir que vous partagez ces interrogations, dit-elle au procureur. Je vous réponds que je ne me rappelle pas, précisément, le déroulement horaire des faits à partir du moment où j’ai récupéré Luca à l’école. Le seul moment précis que j’ai en tête est sa découverte à 18 h 15…»
L’entretien se termine sur cette déclaration. «Je ne me rappelle pas avoir utilisé le mot «punir» pour décrire mon état d’énervement lorsque j’ai découvert que Luca m’avait désobéi et était sorti avec Marco promener Rocky. Je me suis posé maintes et maintes fois la question au sujet de la façon dont les habits ont été retrouvés. Je me rappelle avoir pris en main la veste comme je l’ai dit dans mes déclarations mais rien de plus. Je me suis concentrée sur la santé de Luca. J’ai voulu effacer ces images du pré de mon esprit parce qu’elles étaient trop douloureuses.»
Nicolas Dubuis conclut: «Avez-vous quelque chose à ajouter?» Elle répond: «J’aimerais, comme tout le monde dans cette pièce, trouver l’auteur.»
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