Travailler dans un restaurant est plutôt rude. Le personnel de service parcourt facilement un demi-marathon par jour, mémorise cent commandes, veille à mille détails et est prié de toujours paraître détendu. Les cuisiniers triment dans des locaux souvent étroits et surchauffés. Les journées de travail sont longues, surtout en cas de travail en équipes avec heures de chambre, le fardeau physique et psychologique est lourd. Et s’il n’y avait les pourboires, le salaire serait étriqué.
Pourtant, dans la restauration, ils sont nombreux à faire leur travail avec passion: tout cela pour recueillir le sourire satisfait du client. Mais il y a deux ou trois choses qui les font grimper aux murs. Professionnels de la restauration, Ana Ferreira** et Paolo Genetti** décrivent comment des clients mettent les pieds dans le plat et comment l’éviter.
À table
C’est le ton qui fait la chanson
Les clients commencent mal quand ils envahissent le bistrot et s’assoient n’importe où sans même dire bonjour. Dans les établissements d’une certaine classe, ils sont en général priés d’attendre d’être conduits à une table par le personnel. C’est pire quand ils tripotent le personnel de service. «Ça ne va pas du tout, c’est un manque de respect», tempête Paolo Genetti. «Mais le pire, c’est quand au moment de commander ils me passent le bras autour de la taille», témoigne Ana Ferreira.
L’appeler «Mademoiselle» n’est pas trop bien vu non plus. «Sauf bien sûr pour les anciennes générations, qui pensent manifestement être ainsi polies, comme cela se faisait naguère», ajoute Paolo avec un clin d’œil. Par un claquement de doigts ou un sifflet, ce sont les chiens qu’on appelle. Dans un restaurant, en revanche, on dit «excusez-moi» ou éventuellement «s’il vous plaît». «Il m’est également désagréable que les clients m’apostrophent par mon nom à travers tout l’établissement», insiste Ana. Le personnel s’énerve aussi quand des clients pénètrent dans les zones interdites: à la cuisine et derrière le bar.
Un client normalement bien élevé ne va donc pas allonger le bras pour attraper une paille derrière le comptoir. Et celui qui insiste pour faire une accolade au chef de cuisine parce qu’il a tellement bien mangé demande poliment si c’est possible. «Les gens qui ont un énorme sac contribuent positivement à mon travail s’ils ne le déposent pas juste sur mon passage», lance Ana Ferreira.
Pareil pour les enfants et les chiens, pour autant encore qu’ils se sentent à leur aise au restaurant. «Pour le reste, nous assurons un service optimal à tous nos hôtes avec baby-sitter», assure Paolo. Quand on a fini de manger, on dépose ses couverts en position 15 h 20: cela signale au personnel de service qu’il peut emporter l’assiette et que le client n’entend pas lécher les dernières traces de sauce.
Réservation
L’importance de décommander
Réserver et ne pas se montrer n’est pas seulement mal élevé. D’un point de vue juridique, c’est aussi rompre un contrat. Si, comme dans bien des établissements, cela se produit quotidiennement, cela entraîne rapidement de grosses pertes financières. «Ce sont surtout les restaurants avec peu de tables qui souffrent», souligne Ana Ferreira. Théoriquement, les restaurateurs peuvent exiger un dédommagement de ces malappris, car il est rare que leur absence puisse être compensée sur-le-champ.
Paolo Genetti précise: «Il y a souvent des équipes d’hommes d’affaires qui réservent dans trois endroits différents puis en choisissent un à l’heure de l’apéro. Et oublient en général les deux autres établissements. C’est moche.» Cela dit, le restaurateur qui enregistre une réservation pour huit personnes et se retrouve inopinément à devoir en nourrir douze n’est pas joyeux non plus. Autre type de désagrément: les clients qui débarquent tellement en avance que le personnel est encore en train de manger. En cas de retard, la règle d’or est d’avertir l’établissement à partir d’une demi-heure de retard prévisible.
Réclamation
Information utile
Il arrive au meilleur cuisinier, au plus expérimenté des serveurs, à l’exploitant le plus attentif de se planter à l’occasion. Peu importe ce qui n’a pas marché: une critique amicale et constructive est bien accueillie par les restaurateurs motivés. «Pour nous, ce sont des informations précieuses», commente Paolo Genetti.
Important: si vous éprouvez le besoin de rouspéter, il faut le faire tout de suite, surtout si c’est dans le repas que quelque chose cloche. «Nettoyer son assiette jusqu’à la dernière miette et râler ensuite, c’est nul», estime Ana Ferreira. Et ne rien dire, faire le poing dans sa poche, puis déblatérer sur les sites d’évaluation, c’est franchement malhonnête.
Pourboire
Pas un simple supplément
Les clients doivent-ils laisser un pourboire? Du point de vue juridique, la réponse est clairement non. Mais il est usuel de donner quelque chose de plus pour un bon service. Jusqu’à 10%. Bien sûr, il serait formidable que les employeurs augmentent leurs prix et, du coup, paient de meilleurs salaires pour que ça suffise aux revenus du personnel. Mais ce n’est pas ainsi que ça marche en Suisse: les marges sont maigres, en particulier sur les repas, ni le restaurateur ni son personnel ne s’enrichissent. Le salaire brut minimum pour les collaborateurs pourvus d’un CFC est de 4141 francs, mais ils sont nombreux à ne pas avoir fait d’apprentissage, ce qui leur vaut un salaire autour de 3500 francs. Dans ce contexte, le pourboire est un complément bienvenu.
* Journalistes au «Beobachter»
** Noms fictifs