Sur l’écran, des tons sable et crème. Concentrée, Lorraine Morier apporte une touche finale à la vidéo du défilé de mode pour présenter sa dernière collection de vêtements «upcyclés». Sur les podiums, dans un cinq-étoiles veveysan, 27 femmes aux âges et aux corpulences multiples se sont prêtées au jeu du mannequinat. «Seulement deux sont des professionnelles, toutes les autres l’ont fait pour le plaisir, cela a créé une grande bienveillance entre elles», s’enthousiasme la jeune directrice du label Perle Rare. Lasse des modes et des modèles imposés à une cadence effrénée par l’industrie textile, Lorraine Morier veut proposer une autre vision du prêt-à-porter. Plus durable. Plus inclusive. «On crée des habits pour tous les types de femmes, aussi pour celles qui portent de grandes tailles et qui peinent souvent à trouver de jolies pièces», souligne l’entrepreneuse établie sur les rives du Léman.
Si le label est encore jeune, l’idée, elle, remonte à plusieurs années. En marge de ses études, la Vaudoise comble les heures perdues en créant une garde-robe à son image, pièces uniques confectionnées en autodidacte sur la base d’anciens vêtements. «On me faisait de super compliments et, peu à peu, je me suis rendu compte que j’étais aussi unique que mes vêtements, c’était puissant comme sentiment», se souvient-elle. Master en poche, Lorraine Morier se voit emportée par le tourbillon de la vie, un travail à temps plein, un conjoint qui se met à son compte, la naissance de deux enfants. «Lorsque mon mari a démarré son entreprise d’entretien, on vivait sur un seul salaire. Dès le moment où il a pu subvenir seul aux besoins de la famille, il était temps que je me lance.»
Pour éviter les charges locatives, toutes les collections sont confectionnées dans le galetas de la maison familiale, à Clarens (VD). Elisabeth Morier, 92 ans, n’a d’ailleurs pas hésité à débarrasser tout son «cheni» pour permettre à sa petite-fille d’y installer son atelier de couture. Habitant à l’étage inférieur, la grand-maman se plaît à venir «guigner» de temps à autre à l’atelier. «C’est un peu l’histoire qui se répète, s’amuse-t-elle. Mon premier pantalon de ski, c’est maman qui me l’avait fait, avec un vieil habit de papa.» Surtout, elle se réjouit de voir que ses deux machines à coudre servent désormais à donner vie aux créations de sa petite-fille.
La transmission s’arrête là. Pour le reste, Lorraine Morier apprend sur le tas. A apprivoiser les réseaux sociaux. A promouvoir ses collections. A créer une communauté de clientes. A monter des vidéos. «Je ne suis pas une grande perfectionniste, je n’attends pas de tout maîtriser pour me lancer, confie-t-elle. J’ai parfois eu de la peine avec ce trait de caractère mais, aujourd’hui, je le vois comme un avantage, car cela me permet d’oser, de foncer.»
Pour assurer une qualité irréprochable, la directrice de Perle Rare s’entoure dès ses débuts d’une couturière diplômée et de deux stagiaires, toutes engagées à 20%. Et son dynamisme est rapidement récompensé. Fin 2021, le label figure parmi les huit finalistes du concours Change Makers Challenge organisé par Google France. La Vaudoise compte bientôt élargir l’offre de Perle Rare, en proposant l’achat de marches à suivre pour apprendre à «upcycler» soi-même ses vêtements. «Certaines femmes adhèrent à nos valeurs mais n’ont pas les moyens d’investir dans une pièce, constate-t-elle. On aimerait donc leur mettre à disposition nos meilleurs designs pour qu’elles puissent les réaliser elles-mêmes.»
>> Retrouvez Lorraine Morier et ses créations sur son site internet: perlerareconcept.ch
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