Deux portes franchies un dimanche matin lors du slalom de Courchevel, une glissade qui l’entraîne trop bas pour attraper le fanion suivant et Loïc Meillard qui dit déjà au revoir et à dans deux ans: le ski alpin a ceci de vivifiant qu’il peut aller très vite, même pour un champion décrit par tous comme un crack. Le premier à le reconnaître fut Meillard lui-même qui, obligé de mettre quelques mots sur une non-course – tout comme son compère Daniel Yule classé à une désagréable 24e place –, concéda certes avoir été surpris par la neige et la piste gelées mais sembla surtout prendre sa mésaventure comme une leçon sur skis: «On ne peut que rire quand on ne passe que trois portes. Il n’y a rien d’autre à faire. Il y a des jours sans. Ce dimanche en faisait partie. Je repars quand même des Mondiaux avec une médaille.»
Et quelle médaille! De l’argent en géant derrière Odermatt, qui obligea à se replonger dans les livres d’histoire. A retrouver la trace du doublé suisse Martin Hangl-Pirmin Zurbriggen en 1989, à Vail. Ou, pour les plus anciens, du lutin barbu Heini Hemmi flanqué d’Ernst Good aux Jeux d’Innsbruck, en 1976, le duo se glissant à la surprise générale devant le grand Ingemar Stenmark.
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«Trop beau, trop propre»
Au bas de la piste du géant, Meillard seconda donc le roi soleil Odermatt, dominateur de la saison et déjà vainqueur quelques jours plus tôt. Si celui-ci reconnut que, «sur le plan émotionnel, ce fut à peu près la moitié de ma victoire en descente», Meillard, lui, vivait un accomplissement. Il fait l’unanimité des amoureux de technique. La sienne est digne d’un manuel, la position du corps, la manière d’appréhender chaque porte dans un équilibre de funambule. «Je trouve moi-même que je skie parfois trop beau, trop propre», disait-il en début de saison, jusqu’à décider de changer de groupe d’entraînement au printemps, en rejoignant l’équipe de slalom. Encore plus polyvalent qu’Odermatt, avec des podiums en géant, en super-G et en slalom, Meillard a mûri plus lentement et a longtemps flirté avec les sommets avant de remporter sa première victoire en géant dans la nuit de Schladming, fin janvier. On l’oublie, mais ce n’était pas sa première médaille aux Mondiaux, il avait décroché du bronze en combiné et en parallèle il y a deux ans, à Cortina. Des sept médailles de la Suisse à ces Mondiaux français, la sienne est peut-être la plus stylée.