Faites-vous confiance à Google ou à Facebook pour prendre en compte l’identité romande? Les géants de la technologie ont démontré ces vingt dernières années leur volonté d’installer un modèle de manière standard sur la planète entière sans aucune considération pour les spécificités locales. Résultat, personne ne s’y retrouve. A commencer par nos démocraties et nos économies, sévèrement secouées par un nouvel environnement numérique sans foi ni loi. Nous allons désormais voter sur une loi sur le cinéma qui permettra à la production suisse de bénéficier de la très modeste contribution de diffuseurs comme Netflix et nous devrions la refuser?
Les jeunes de droite qui ont lancé ce référendum n’ont visiblement pas regardé avec assez de recul la grande photo qui nous est présentée. Pour l’industrie du numérique, le contenu est devenu la clé. Les plateformes de streaming ont désespérément besoin de films et de séries pour alimenter leurs tuyaux. Elles investissent dans ce domaine des milliards chaque trimestre à tous les stades de la production audiovisuelle et le font de préférence là où elles ont leurs habitudes, Etats-Unis en tête. Et là où la loi les y oblige ou, au moins, les motive. Nous connaissons tous le succès de séries comme «La casa de papel» ou «Lupin», qui n’existent que parce que les lois espagnoles ou françaises ont obligé leur diffuseur à investir dans les pays concernés.
Le petit coup de pouce de la loi sur le cinéma consiste justement à pousser ces multinationales à regarder de plus près ce qui se fait ici. Nous avons une industrie du divertissement qui n’est pas assez reconnue. Elle mérite le soutien financier des géants du secteur – via un mécanisme d’incitation public – tout comme la rampe de lancement et l’exposition mondiale qu’offrent les géants du numérique. Les politiciens qui râlent aujourd’hui pour quelques francs de plus pour payer leur abonnement seront les mêmes qui demain battront leur poitrine de fierté quand une production suisse sera propulsée sur une plateforme et trouvera une audience globale.
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Vous en doutez? Au Québec, où la même question du soutien par les plateformes à la production locale se pose, le petit thriller survivaliste Jusqu’au déclin, sorti en 2020, a été vu par 21 millions de spectateurs un mois après sa diffusion et 95% de ceux-ci vivent en dehors du Canada. C’est le film le plus vu dans l’histoire de la Belle Province, il a été majoritairement regardé en anglais, en espagnol, en portugais et en allemand. Une belle histoire qui ne demande qu’à s’écrire en Suisse.