Samedi, une heure avant le début du show au Rio Hotel & Casino de Las Vegas: Lionel Dellberg, 41 ans, s’installe dans les coulisses du Penn & Teller Theater. Tout est prêt: la table, les verres, la brique de lait. Le magicien suisse s’apprête à exécuter son tour de la brique de lait lors du Penn & Teller Show. Il est légèrement angoissé: «J’ai toujours un peu le trac juste avant la prestation, mais c’est normal. Et cela me donne la poussée d’énergie dont j’ai besoin.»
A 20 heures tapantes, l’émission commence. Le légendaire duo de magiciens entre en scène. «Ladies and Gentlemen, c’est une grande joie pour nous de vous présenter l’un des meilleurs illusionnistes du monde, Lionel, qui nous vient de Suisse», annonce Penn, qui détient, avec son partenaire, le record de programmations en tête d’affiche dans le même hôtel à Las Vegas. Ils y donnent leur spectacle depuis vingt-trois ans. Si le Valaisan est la vedette de l’émission, c’est pour une bonne raison: pendant la pandémie, en 2021, il a participé par écrans interposés à l’émission de télé Fool Us de Penn & Teller. A partir d’une seule et même brique de lait, Lionel Dellberg a servi du lait, de la limonade, du coca et du vin blanc avant de la déchirer pour prouver qu’il n’y avait pas de double fond. Les stars de la magie n’ont pas trouvé le truc et ont décerné virtuellement le trophée Fool Us à l’entertainer vivant à Berne.
Et aujourd’hui, cet «Oscar des magiciens» lui est enfin remis. «Je suis heureux que ce moment soit arrivé avant que je ne puisse plus me souvenir moi-même de l’émission», plaisante-t-il. Le «Valaisan de l’année 2021» trouve également formidable que beaucoup de gens lui aient envoyé des messages et se soient réjouis avec lui.
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A Las Vegas, sa sœur Priska Dellberg, 43 ans, vibre avec lui. Elle est sa manager depuis trois ans: «Notre mère nous a clairement annoncé la couleur: interdiction de nous chamailler, car, à la fin de l’année, nous devons nous tenir au pied du même sapin de Noël», explique-t-elle en partant dans un éclat de rire. Jusqu’à présent, les Fêtes ont été sauvées, Lionel le confirme: «Nous avons toujours eu une excellente relation et Priska est très structurée. Si nous échangions nos rôles, ça ne fonctionnerait pas aussi bien.»
Inoxydable, comme les Stones
Lionel Dellberg n’est pas à Las Vegas pour la première fois: pendant ses études d’économie, il a passé quatre mois dans le Kentucky dans le cadre d’un programme d’échange et en a profité pour se rendre à la Mecque de la magie. Etonnamment, peu de choses ont changé depuis: «J’ai assisté à un spectacle en matinée au cours duquel un artiste a sorti un cochon d’Inde vivant de son pantalon et a enchaîné les blagues de potache. Impensable en Suisse aujourd’hui. Ici, tout est un peu plus bruyant, plus grand et plus décontracté, ce qui ne va pas vraiment de pair avec une grande subtilité.»
Tout aussi inimaginable en Suisse: les contrats au long cours tels que ceux signés par Penn & Teller ou David Copperfield, qui se produisent à Vegas depuis des décennies devant un public de touristes se renouvelant sans cesse. En Suisse, le public reste le même, il faut donc proposer un nouveau programme tous les deux à trois ans. Lionel préfère cela, d’ailleurs: «Je ne me vois vraiment pas exécuter le tour de la brique en carton pendant trente ans. Mais comme on m’identifie à celui-ci, je vais certainement être amené à le faire encore un moment – après tout, les Rolling Stones jouent aujourd’hui encore Satisfaction.»
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A partir du 1er novembre, Lionel Dellberg part en tournée en Suisse alémanique avec son nouveau spectacle, Mensch magisch. Il y défend la thèse qu’il n’y a pas simplement que des humains mais que, derrière cette façade de chair et d’os, il existe aussi des êtres dotés d’un chromosome de la magie. «Je veux aller chercher le potentiel magique du public», explique-t-il. Qui plus est, Lionel Dellberg intègre ses tours de magie dans une histoire et les place dans un contexte social.
Mais revenons au grand moment devant le public américain. Le tour est une réussite, Teller lui remet le trophée Fool Us et Penn lui serre la main. «He’s amazing!» lance, enthousiaste, une femme dans le hall du théâtre après l’émission. Elle lui enjoint de revenir à Las Vegas. Mais ce n’est actuellement pas dans les plans de Lionel: «J’ai un fils de 4 ans et une fille de 1 an et demi, et je n’ai pas envie de m’éloigner en ce moment.» Avec son épouse Samira, qui travaille comme logopédiste à temps partiel, ils s’occupent de leur progéniture et, lorsqu’il est à la maison, ses enfants sont toujours sa priorité. Trophée de Las Vegas ou pas.
>> Pour en savoir plus: Spectacle «Rien que la vérité» au CPO, à Lausanne, les 24 et 25 janvier 2025. D’autres dates en Suisse romande sur www.der-lionel.ch/fr/news