Peut-être l’avez-vous remarqué, ces derniers jours, un certain nombre de vos contacts sur les réseaux sociaux ont remplacé leur photo de profil par un avatar digne d’une véritable œuvre d’art. Contrairement aux apparences, ces portraits zéro défaut aux couleurs chatoyantes n’ont pas été réalisés par une armée d’artistes numériques talentueux mais par l’application Lensa AI, véritable phénomène outre-Atlantique qui débarque à présent sur le Vieux Continent. Avec Lensa AI, créer votre «avatar magique» (terme employé par l’application) est simple comme bonjour: on télécharge l’app, on y importe entre 10 et 20 photos de nous et l’intelligence artificielle (IA) s’occupe du reste. Grâce notamment au modèle du logiciel ouvert Stable Diffusion, et moyennant la modique somme de 5 dollars, Lensa AI génère 50 portraits (cinq variations de dix styles différents). Vous avez désormais votre propre «avatar magique». On l’avoue, le résultat est absolument bluffant.
Lancée en 2018, l’application a connu un fort regain d’intérêt avec le lancement de cette fonctionnalité payante en novembre. Selon l’entreprise d’analyse de données d’applications Sensor Tower, Lensa AI a été téléchargée 1,6 million de fois en novembre, soit une hausse de 631% par rapport au mois précédent. Actuellement, l’application fait partie des outils les plus populaires sur les deux principaux magasins d’applications.
Un logiciel qui retouche vos photos et vous embellit, rien de nouveau? Pas si vite. Intelligence artificielle extrêmement perfectionnée, Lensa AI a en effet lancé une petite révolution en rendant cette technologie facile à utiliser pour des utilisateurs ne disposant d’aucune compétence informatique particulière. Et selon Oren Etzioni, directeur général et fondateur de l'Allen Institute for AI, une organisation à but non lucratif dédiée à la recherche et à l'ingénierie de l'IA, ce n’est qu’un début: «Dans six mois, vous verrez des choses incroyables que nous ne connaissez pas encore», déclare, enthousiaste, le spécialiste.
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Doit-on se réjouir de ces avancées technologiques qui nous promettent à nous, simples utilisateurs d’internet, de pouvoir reprendre à notre compte les formidables promesses de l’intelligence artificielle? Malgré le potentiel récréatif incontestable d’applications comme Lensa AI, des experts, soucieux de la protection de notre vie privée en ligne, n’ont pas tardé à faire part de leur inquiétude. Selon la scientifique et autrice Chanda Prescod-Weinstein, citée par le média spécialisé Mashable, lorsque vous utilisez Lensa AI et que vous partagez ensuite votre «avatar magique» sur Instagram ou TikTok, comme c’est le cas de nombre d’entre nous, vous accordez à Prisma Labs Inc., développeur de Lensa AI, le droit d’utiliser votre image à des fins publicitaires. Dans un communiqué adressé à ABC News, l’entreprise affirme quant à elle que les images téléchargées par les utilisateurs sont utilisées «uniquement dans le but de créer leurs propres avatars» avant d’être supprimées vingt-quatre heures plus tard.
Qui croire alors? Expert en cybersécurité, Andrew Couts a indiqué lors de son passage dans l’émission Good Morning America qu’il était presque «impossible» de savoir ce qui arrive aux photos d’un utilisateur une fois importées. Si Andrew Couts indique ne pas être trop inquiet au sujet des photos, du fait que l’immense majorité d’entre nous n’a pas attendu Lensa AI pour dévoiler son visage sur internet, sa principale préoccupation concerne la collecte de nombreuses données pouvant potentiellement être extraites des téléphones des utilisateurs: «La principale chose qui me préoccupe, c’est l’analyse comportementale qu’ils collectent.» Et de conclure par un conseil plein de bon sens, et quelle que soit l’application: «Si je devais utiliser [Lensa AI], je m’assurerais d’activer les paramètres de confidentialité les plus restrictifs possible pour m’assurer que l’application ne collecte pas autant de données qu’elle semble pouvoir le faire.»
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ChatGPT, l’IA qui va révolutionner notre manière de nous informer… et tous nous mettre au chômage?
Autre sensation du moment dans le domaine de l’intelligence artificielle «pour les nuls», le chatbot ChatGPT – création de l’entreprise californienne OpenAI déjà à l’origine de l'époustouflant moteur d’IA DALL.E 2 – avec lequel vous pouvez converser gratuitement et lui poser toutes vos questions. Véritable puits de savoir dépassant de loin le plus perfectionné des robots actuellement disponibles sur le marché, ChatGPT peut également écrire un scénario de film, rédiger un article universitaire ou encore proposer un diagnostic médical, le tout en moins de trente secondes. Si la technologie n’en est encore qu’à ses balbutiements (on chuchote que ChatGPT a encore tendance à parfois s’emmêler les pinceaux), doit-on la considérer comme une bénédiction pour le genre humain ou au contraire comme une menace pour nos emplois et notre économie? Dans son éditorial du 8 décembre pour Libération, Dov Alfon renonce à trancher mais indique que la réponse «dépend essentiellement de notre capacité à nous préparer».
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