Son prénom est épelé en lettres colorées sur sa porte à Genève, un pin’s «They/Them» est épinglé à son pull. Les mots rythment le quotidien d’artiste de Linn Molineaux, 29 ans, entre poèmes et arts visuels. «La poésie est, pour moi, une posture sensible, un geste créatif qui peut prendre de nombreuses formes», explique le poète à l’identité non binaire. Ces formats peuvent être des livres, des performances ou encore des œuvres plastiques.
Dans son travail, Linn Molineaux effectue une recherche sur le langage, la sonorité des mots. L’abstrait. Cette manière d’écrire lui vient de sa formation aux Beaux-Arts. «Dessiner m’a obligé à contempler ce qui est flou. Je suis revenu à la poésie une fois que j’avais mis de l’air dans ma parole.» L’artiste réalise alors un retour à sa première passion. «J’étais un enfant qui listait tout le temps. Mes parents sont des scientifiques. Quand j’ai grandi, il y avait peu de place pour ce qui n’est pas tangible, vu et prouvé.» La lecture apparaît comme une échappatoire à cette norme. Pourtant, ce n’est que bien plus tard que l’écriture se profile comme une carrière, au moment d’un deuil. «Je faisais beaucoup d’allers-retours à l’hôpital et je vivais une sensation que je n’arrivais pas à exprimer oralement», confie l’artiste.
Publié en 2018, «Regarde le bruit des montagnes» touche les lecteurs, qui s’y reconnaissent. «Ces personnes ont lu le livre et se sentent proches de moi. Je fais partie de leur intimité, mais l’inverse n’est pas vrai.» Une telle situation, qui peut être à la fois gênante et touchante, ne survient pas lors d’une performance, où l’échange est plus direct, car «les spectateurs reçoivent le texte au moment même où on le dit», affirme Linn Molineaux. Avec un livre, «c’est comme si une part de soi existait en dehors de soi-même».
Avec cette transmission, une question d’héritage entre aussi en jeu. Ce thème sera exploré lors de la performance «Trans*mission poétique: interroger l’héritage hors de la binarité des genres», présentée au Printemps de la poésie par Linn Molineaux, Klimte, Ezra Sibyl Benisty et Loïc Valley. «L’idée est d’aller questionner cet héritage: est-ce que la représentation en dehors de la binarité nous a manqué et qu’est-ce qu’on espère laisser, nous, comme héritage?» conclut Linn Molineaux en se réjouissant de cette création collective.
Le «matrimoine poétique» lance le printemps
Les femmes sont la tête d’affiche de la 8e édition du Printemps de la poésie, qui se déroule dans toute la Suisse romande. Deux semaines s’articulant autour de la thématique «L’élémentaire au féminin», une métaphore assignant l’eau, la terre, le feu et l’air à des poétesses. «Les femmes sont des éléments essentiels pour l’alchimie poétique et pour la construction de base de la littérature romande», argumente Laurence Iseli, cheffe de projet du festival. Lors des événements phares, les spectateurs pourront découvrir, notamment, des poèmes en musique lors de «Libertés, elles chantent ton nom» le 31 mars au Locle. Un brunch et des conférences prendront place notamment lors d’«Où sont les femmes? Brunch matrimoine» le 26 mars à Sion.
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