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L'hommage de Gabet Chapuisat à Köbi Kuhn

L’ex-international, ex-entraîneur et aujourd’hui chroniqueur «Gabet» Chapuisat a côtoyé Köbi Kuhn pendant ses années flamboyantes au FC Zurich. Pour L’illustré, il prend la plume et raconte avec émotion «son» Köbi, décédé la semaine dernière.

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En 2005 au Santa Lucia, un café de son quartier zurichois, à Wiedikon. Helmut Wachter / 13 Photo
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En 1977, Köbi Kuhn, au téléphone, devient assureur sous les rires de ses équipiers du FC Zurich et de l’équipe nationale: Karl Grob, Fritz Baur, Georg Aliesch, René Botteron, Max Heer, Franco Cucinotta et «Gabet» Chapuisat (de g. à dr.). Keystone

«Mardi dernier, Köbi a perdu, malgré sa folle envie de vivre, son dernier match contre un adversaire sans pitié. Son départ a suscité une impressionnante vague d’émotion. Une multitude d’hommages élogieux ont salué l’homme qui aura marqué son époque et l’histoire du ballon rond national.

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Milieu de terrain inventif, Kuhn a joué 63 fois avec la Suisse, une équipe à laquelle il a apporté sa finesse technique (ici en 1970). ullstein bild via Getty Images

Après une retraite méritée, notre héros, bel exemple de discrétion et d’humilité, a été durement confronté aux soucis de santé de ses plus proches. Après avoir perdu son épouse, sa chère et unique fille ne survivait pas, l’an dernier, au maléfice des paradis artificiels.

Köbi, que j’avais perdu de vue, a surtout été encensé pour son admirable parcours à la tête de la Nati. Sans faire de vagues, il a su, en fin connaisseur, remettre notre équipe nationale sur la voie du succès et de la considération. Apprécié pour son honnêteté et son côté paternel, il a réussi à sublimer ses troupes, pour signer quelques coups fumants. Le plus marquant restera l’exploit d’avoir, en 2005, déjoué avec malice le scandaleux guet-apens mis en place par des Turcs en furie. La fête organisée dans un hôtel d’Istanbul restera dans les annales.

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En 2005, la Suisse se qualifie en Turquie pour le Mondial 2006. A l’initiative de L’illustré, les Suisses se costument dans leur hôtel d’Istanbul: Magnin, Kuhn, Pont, Wicky et Vogel (de g. à dr.). Illustré

Son parcours de coach national a connu quelques désagréables, mais pardonnables désillusions. Personne n’a oublié son coaching foireux pour les pénaltys face à l’Ukraine lors de la Coupe du monde 2006. Il a aussi raté sa dernière, avec, à la clé, une sortie prématurée et peu glorieuse de l’Euro 2008.

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Köbi Kuhn avec le maillot du FC Zurich, en 1963. ETH-Bibliothek Zürich, Bildarchiv

Pour moi, le vrai Köbi n’était pas celui qui portait le costard-cravate sur le banc de touche, mais le formidable joueur de classe internationale qui, pendant seize ans, s’est distingué avec talent. Sans oublier ses quelques escapades, qui ont fait le délice des échotiers. Il a écrit, en lettres dorées, l’histoire du FC Zurich, son unique club durant dix-sept ans, en décrochant avec panache six titres de champion et cinq Coupes de Suisse.

Je n’oublierai jamais, et pour cause, la première fois que j’ai pu admirer le futur phénomène. C’était en 1962 à la Pontaise. J’étais ramasseur de balles et aux premières loges. Ce jour-là, face à un LS euphorique, le prometteur Köbi et ses potes ont pris une douloureuse fessée (9-1). Cette magistrale déculottée n’a pas empêché les Zurichois de faire cavalier seul et de remporter le titre national. Quatre ans plus tard, avec un changement total de décor, mon joueur préféré est devenu un de mes redoutables adversaires. Bien qu’admiratif et respectueux, je ne lui ai fait aucun cadeau ni aucune concession.

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Köbi Kuhn, à «l'échauffement» avec l'équipe de Suisse lors de la Coupe du Monde en Angleterre, en 1966. Keystone

En mai 1969, il devenait même un coéquipier modèle, pour mes débuts sous le maillot rouge à croix blanche. Ce soir-là, à Lausanne, face à la Roumanie, notre première collaboration virait au cauchemar, avec une défaite et un adieu définitif à la Coupe du monde du Mexique 1970.

Partenaire pendant une vingtaine de rendez-vous avec la Nati, Köbi, toujours performant, a pleinement assuré son rôle de leader. Lors du célèbre match dans le mythique temple de Wembley, il a pris l’heureuse initiative de désobéir aux directives imposées par l’inimitable Louis Maurer. A l’insu de ce dernier, qui n’a rien vu et surtout rien compris, Köbi, rassembleur, a convaincu le groupe d’évoluer selon un plan stratégique diamétralement opposé aux ordres du chef. L’équipe, transcendée, est passée, finalement et avec regrets, tout près de l’exploit (1-1).

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En 1977, Köbi Kuhn, au téléphone, devient assureur sous les rires de ses équipiers du FC Zurich et de l’équipe nationale: Karl Grob, Fritz Baur, Georg Aliesch, René Botteron, Max Heer, Franco Cucinotta et «Gabet» Chapuisat (de g. à dr.). Keystone

En 1976, en désaccord avec mes partenaires lausannois, j’ai saisi l’opportunité de vivre une enrichissante aventure du côté de la Limmat. Je rejoignais Köbi et une équipe qui écrasait l’opposition nationale. Cette saison-là, malgré la perte du titre, fut simplement somptueuse, avec une demi-finale de Coupe d’Europe des clubs champions. On a, malheureusement, eu la malchance de tomber sur un Liverpool imbattable et dominateur, déjà, du foot européen.

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Köbi épouse Alice en mars 1965 (à dr.), à Zurich. Victime d’une crise d’épilepsie en 2008, elle ne s’en remettra jamais. Son mari ne la quittera plus, dormant dans sa clinique de rééducation, apprenant à cuisiner et s’occupant du ménage. Elle décède… SI

Pendant douze mois, j’ai pu découvrir au quotidien l’homme et emblématique capitaine respecté de tous. En vrai professionnel, il montrait l’exemple, par son engagement, sa détermination, sa rage de vaincre et sa sainte horreur de la défaite.

En dehors du terrain, Köbi se montrait toujours affable et de bonne humeur. Un vrai pince-sans-rire, prêt à blaguer avec humour et parfois ironie. Dans sa vie privée, il ne s’est pas fait prier pour profiter, à l’occasion, de décompresser et de se comporter comme un bon vivant, lors de soirées bien arrosées.

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Köbi Kuhn fait ses adieux aux fans du FC Zurich à l'issue de son dernier match en club, en 1978. Blick

A la surprise générale, Köbi, toujours au top physiquement, décidait de mettre un terme prématuré à sa longue carrière. A 34 ans, il tournait le dos à sa passion pour une reconversion professionnelle.

Le célèbre président Edi Nägeli a tenu à organiser un vrai match d’adieu en l’honneur de son enfant chéri et adulé. Ce match de gala, face à l’AC Milan de Gianni Rivera, fut grandiose et mémorable. Le stade, plein à craquer, a rendu un hommage vibrant au roi Köbi, qui fut une dernière fois encore époustouflant.

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Köbi Kuhn avec sa femme Alice, malade, à la clinique Schloss Mammem.  SI

Sans vraiment couper le cordon avec sa passion, Köbi a connu de fâcheux déboires professionnels. Il fut victime d’un collaborateur malhonnête et peu scrupuleux. Pour oublier cette période noire, il s’est consacré à entraîner les jeunes, avant de connaître le succès et un respect amplement mérité.
Salut l’artiste et encore merci!»


Par Gabet Chapuisat publié le 3 décembre 2019 - 16:19, modifié 18 janvier 2021 - 21:07