Alexandre Jollien, 45 ans, philosophe
Conduire un camion, comme son père et son frère
Petit, vers l’âge de 7 ans, il rêvait avec trois autres copains de devenir chauffeur routier. Conduire un camion, une de ces belles machines rutilantes qui font vibrer le bitume, au volant desquelles on a l’impression d’être le maître du monde. Un Saurer de préférence, pour Alexandre Jollien, comme celui de Norbert, son papa, chauffeur-livreur pour l’entreprise Cremo qui transportait des produits laitiers dans le val d’Hérens.
«Pour moi, c’était un métier magnifique, lié à la liberté, à la débrouillardise, à la solitude. Mon père avait d’ailleurs passé dans une émission TV où on l’avait surnommé «le livreur de charme». Mon frère a repris le flambeau, puisqu’il exerce le même métier!» Alexandre n’est pas devenu routier mais philosophe, comme d’ailleurs son collègue Michel Onfray, qui rêvait, petit, de conduire des TGV, comme si l’amour du déplacement préfigurait une certaine liberté de penser. Alors, au volant de ce Saurer des années 1970, Alexandre n’a pas caché son bonheur. Un rêve d’enfant qui se réalise, même pour un instant, c’est un sacré cadeau.
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Grimper aux échelles et sauver des gens
Géraldine Fasnacht, 40 ans, freerideuse et femme volante
Difficile d’imaginer que le rêve d’enfant de la femme qui vole en wingsuit et «ride» en snowboard les plus hauts sommets ait pu être le moins du monde terre à terre. Géraldine Fasnacht, à 8 ans, rêvait pourtant d’être pompier. «Je trouvais que c’était le métier qui allait satisfaire à la fois mon besoin de grimper et de sauver des gens; je rêvais de monter à la grande échelle, et surtout, quand tu es pompier, tu dois savoir tout faire, des nœuds de corde, manier une lance, etc.»
A 16 ans, la Vaudoise aurait pu postuler pour un apprentissage dans une caserne si les voyages et le goût des langues ne l’avaient pas fait dévier vers une formation d’employée de commerce chez Swissair. Avant de connaître la carrière de sportive de l’extrême que l’on sait et de voler de ses propres ailes. C’est sûr, elle monte aujourd’hui beaucoup plus haut que la plus haute échelle de pompier du pays, mais avoir pu revêtir la tenue des hommes du feu, avec le grade de caporal, va lui laisser un souvenir inoubliable.
Découvrir des trésors comme Indiana Jones
Alexis Favre, 43 ans, journaliste à la RTS
Alexis Favre s’est rêvé égyptologue aux alentours de 8-10 ans «parce que c’est à cet âge qu’on commence à s’envisager comme acteur de sa vie et parce que l’égyptologie me paraissait être le sommet de l’archéologie. Et que l’archéologie, c’était Indiana Jones, des aventures, de la curiosité, des découvertes, des émotions fortes, des momies, des cavernes, de la bagarre et des trésors.» Et puis surtout, ajoute le présentateur d’Infrarouge, sur la RTS, il y avait ces noms qui lui faisaient briller les yeux: Touthmôsis, Abou Simbel, Toutânkhamon.
«Pour être honnête, avoue-t-il, ce rêve n’a pas duré très longtemps. L’Egypte, c’est comme Paris pour les Vaudois: c’est beau, mais c’est loin de tout.» Il est donc devenu journaliste, ce d’autant que les amis de ses parents qui étaient égyptologues n’avaient pas la dégaine de Harrison Ford. Il n’a jamais visité le pays de son rêve d’enfant mais l’Egypte est revenue plus tard dans son imaginaire, grâce à l’écrivain Lawrence Durrell et à son Quatuor d’Alexandrie. Aujourd’hui, il emmène son fils de 6 ans au Musée d’art et d’histoire. Le rêve se transmet.
Présenter le téléjournal en récitant par cœur
Sergei Aschwanden, 45 ans, ex-judoka, député
Chez les Aschwanden, quand Sergei était enfant, l’instant était sacré. Chaque soir, à 19h30, le père, grand lecteur et grand curieux, arrêtait tout et regardait le téléjournal romand, puis le 20 heures de TF1. Sergei et sa sœur, bon gré mal gré, suivaient ainsi l’actualité du monde. «Je regardais sans forcément comprendre le contenu.» Il sourit: «J’étais surtout fasciné par le fait que les présentateurs pouvaient parler une demi-heure en récitant par cœur. J’étais subjugué par leur mémoire. Mon père m’a longtemps fait marcher. Ce n’est que vers l’âge de 12 ans que j’ai compris qu’il y avait un prompteur…»
Le médaillé olympique de 2008 se souvient des grands moments, le mur de Berlin, la libération de Mandela, l’explosion de la fusée Challenger. Des questions qu’il posait à son père, de son envie de comprendre. Aujourd’hui, l’histoire se répète. Les enfants de Sergei – il en a quatre – suivent d’un œil quand leur député au Grand Conseil vaudois de père s’installe rituellement devant le TJ. «Je trouve bien qu’ils découvrent la réalité du monde.»
Protéger les océans et la biodiversité marine
Elisa Shua Dusapin, 28 ans, écrivaine
Petite, Elisa Shua Dusapin était déjà sensible aux menaces qui pèsent sur la planète, bien avant que l’écologie ne soit un thème dominant. Elle se souvient de son premier exposé en cinquième primaire où elle avait abordé la thématique de l’eau, se rêvant un jour exploratrice des fonds marins, allant vivre en Australie pour plonger et surtout protéger la Grande Barrière de corail. «Mes parents étaient inquiets, j’avais de véritables crises d’angoisse face aux menaces sur les océans, donc sur la planète, pensant qu’on allait tous mourir.»
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Ses résultats en sciences lui ont vite fait comprendre qu’elle ne s’engagerait pas dans une carrière scientifique en biologie marine. «Mais le contact avec la nature, avec l’océan, c’est quelque chose qui reste essentiel à ma vie», assure la jeune écrivaine, qui a passé beaucoup de vacances sur un catamaran, en Normandie, et qui reste fascinée par les abysses océaniques. Son engagement écologique passe désormais par la création artistique. Pourquoi pas un prochain roman à vingt mille lieues sous les mers.
En piste avec les tigres, les zèbres et les éléphants!
Silke Grabherr, 41 ans, médecin légiste
A 5 ans, la patronne de la médecine légale romande rêvait de devenir dompteuse d’animaux sauvages dans un cirque. «Pas seulement avec des fauves, mais avec toutes sortes d’animaux», précise celle qui nourrit toujours une vraie passion pour eux. Sa chienne Riplay est là pour en témoigner. «Je n’allais pas tellement au cirque quand j’étais enfant, mais je regardais les spectacles à la télévision avec ma grand-mère, j’adorais la musique!» Silke Grabherr a quand même approché de très près son rêve en s’essayant à la voltige équestre à l’âge de 7 ans.
Par la suite, elle deviendra encore championne d’Autriche de dressage à seulement 18 ans. Elle qui grimpait sur les épaules de ses partenaires perchés sur un cheval aurait pu faire une belle carrière. Mais la vie de saltimbanque la tentait moins. Et puis, la légiste qui a inventé une technique révolutionnaire pour «faire parler les morts» vient d’un village du Voralberg autrichien où on est un peu terre à terre. «On m’a fait vite comprendre que je devais choisir un vrai métier!»