1. Home
  2. Actu
  3. Les moments fous de la Nati en route pour le Mondial
Football

Les moments fous de la Nati en route pour le Mondial

L’équipe nationale de football commence sa campagne pour le Mondial au Qatar jeudi contre la Bulgarie et dimanche face à la Lituanie. Va-t-on vers des matchs aussi inouïs que lors des qualifications passées, avec des drames, de folles émotions? Pour Michel Pont, les sélectionnés ont «le devoir de se battre comme des dingues».

Partager

Conserver

Partager cet article

Phases de qualifications de la Nati

Au cours de son histoire, l'équipe nationale helvétique a vécu différents «moments fous» lors des matchs de qualifications pour la Coupe du monde de football.

Keystone / Getty / Blick

Le penalty de Belfast

Match Irlande du Nord-Suisse du 9 novembre 2017

Lors du match Irlande du Nord-Suisse du 9 novembre 2017, La Suisse s’impose 1-0, car Rodriguez transforme la sanction sous les sifflets, pour sa 50e sélection.

Lors du match Irlande du Nord-Suisse du 9 novembre 2017, la Suisse s’impose 1-0, grâce à un penalty de Ricardo Rodriguez, sous les sifflets, pour sa 50e sélection.

Laurent Gillieron/Keystone

On vit la 58e minute d’un âpre match de barrage au Windsor Park en vue du Mondial russe: sur un centre de Zuber, Shaqiri prend sa chance et frappe de volée. Placé devant lui, à l’intérieur des 16 mètres, l’Irlandais Corry Evans se tourne devant le tir; la balle, violente, vient frapper le haut de son dos. L’arbitre roumain estime qu’elle a touché le bras et siffle penalty.

Au micro, au vu des images au ralenti, le consultant de la RTS Alexandre Comisetti s’exclame, honnête: «Il n’y a absolument pas penalty!» La Suisse s’impose 1-0, car Rodriguez transforme la sanction sous les sifflets (photo), pour sa 50e sélection. «J’ai senti que j’allais marquer», dira-t-il. Au retour, à Bâle, dans un match sans but, le joueur de l’AC Milan devient héros de la nation: à l’ultime instant, il sauve sur sa ligne et aide à décrocher la 11e qualification suisse pour une Coupe du monde. L’arbitre du match aller, penaud et attristé, s’excusera plus tard en reconnaissant son erreur.


Le coupe-gorge d’Istanbul

Match Suisse-Turquie du 16 novembre 2005

En 2005, lors du match Suisse-Turquie, au coup de sifflet final, fous de frustration, joueurs et staff turcs se précipitent sur les Suisses, qui fuient dans les vestiaires.

En 2005, lors du match Suisse-Turquie, au coup de sifflet final, fous de frustration, joueurs et staff turcs se précipitent sur les Suisses, qui fuient dans les vestiaires.

Ben Radford/Getty Images

Scènes de guérilla urbaine sur un terrain de football alors que la Suisse, dans un stade en fusion, vient de perdre 4-2, résultat qui lui suffit pour accéder à son premier Mondial depuis douze ans. Au coup de sifflet final, fous de frustration, joueurs et staff turcs se précipitent sur les Suisses, qui fuient dans les vestiaires. Les coups pleuvent. «Sauvagement agressé», selon le médecin suisse, le défenseur valaisan Stéphane Grichting subit une perforation du canal urinaire. Vogel, Huggel et même l’entraîneur des gardiens, Burgener, sont frappés. Un joueur, Lonfat, témoigne que des Suisses ont été tabassés par des policiers. Fustigée, la fédération turque se défend en rappelant que les incidents ont débuté en Suisse, où l’hymne turc a été sifflé à Berne. Le président de la FIFA, Sepp Blatter, déclare n’avoir jamais vécu pareil chaos en trente ans de carrière. La Turquie sera condamnée à jouer ses six matchs officiels suivants à huis clos, dans un autre pays européen.


La montée de Berne

Match Suisse-Italie du 1er mai 1993

A la 55e minute du match Suisse-Italie du 1er mai 1993, le défenseur lausannois Marc Hottiger (ici devant Roberto Baggio, à terre), connu pour ses inspirations offensives, arme une volée sur une balle en cloche. 

A la 55e minute du match Suisse-Italie du 1er mai 1993, le défenseur lausannois Marc Hottiger (ici devant Roberto Baggio, à terre), connu pour ses inspirations offensives, arme une volée sur une balle en cloche. 

STR/Keystone

Ce soir-là, voilà vingt-sept ans, depuis un Mondial misérable en Angleterre, que la Suisse manque tous les grands rendez-vous. Or, dans un Wankdorf si désuet qu’on a dû ajouter des gradins en bois pour les 32 000 spectateurs, l’histoire s’accélère. A la 55e minute, le défenseur lausannois Marc Hottiger (ici devant Roberto Baggio, à terre), connu pour ses inspirations offensives, arme une volée sur une balle en cloche. La Suisse gagne 1-0. «J’ignore encore ce qui m’a poussé à me retrouver en si bonne position», avouera-t-il. Comme pour d’autres Suisses, la World Cup 1994 va lui ouvrir les portes de l’étranger: il tapera dans l’œil de Kevin Keegan et partira à Newcastle. Soudain enrichi, le football suisse va connaître un développement décisif, son système de formation va devenir un exemple. Aujourd’hui responsable des huit Centres de performance de l’ASF, Hottiger magnifie chaque jour sa montée victorieuse.


La nuit d’Oslo

Match Norvège-Suisse du 8 septembre 1976

Le 8 septembre 1976, avec son regard en coin sur le terrain d’Oslo (à g. le Sédunois Trinchero) alors que la Suisse vient de perdre 0-1 lors du match Norvège-Suisse, Köbi Kuhn nous cache quelque chose. 

Le 8 septembre 1976, avec son regard en coin sur le terrain d’Oslo (à g. le Sédunois Trinchero) alors que la Suisse vient de perdre 0-1 lors du match Norvège-Suisse, Köbi Kuhn nous cache quelque chose. 

Walter L. Keller

Avec son regard en coin sur le terrain d’Oslo (à g. le Sédunois Trinchero) alors que la Suisse vient de perdre 0-1, Köbi Kuhn nous cache quelque chose. C’est que, la veille de cette rencontre capitale, il s’est embarqué pour une «tournée des grands ducs» dans la nuit norvégienne avec «Joko» Pfister, l’attaquant blond du Servette. L’affaire mettra un terme à sa carrière internationale; déjà suspendu lors du Mondial 1966, le Zurichois ne rejouera plus jamais, tandis que Pfister sera suspendu trois ans et que l’entraîneur suisse, René Hüssy, sera limogé. Devenu coach national, Kuhn ne se reniera pas; il ne fut jamais du genre à faire le guet pour surveiller ses internationaux. «Si l’un d’eux m’imitait, il mériterait une réprimande. Mais en aucun cas je ne pénaliserais l’équipe en prononçant une suspension interne», souriait-il. C’est aussi pour cela qu’on l’aimait.


Michel Pont: «Nous ne sommes plus les p’tits Suisses!»

L'entraîneur de foot suisse Michel Pont

L'ex-entraîneur adjoint de la Nati, Michel Pont, toujours enthousiaste quand il parle de foot.

Louis Dasselborne

Ardent coach adjoint de l’équipe nationale de 2001 à 2014, Michel Pont veut que l’équipe de Suisse mette le feu. Dix ans après ses débuts, la génération des Xhaka et Shaqiri doit concrétiser.

Michel Pont, 66 ans, est toujours électrisé par le football. Ses mots brûlent. Avec une épouse restauratrice à Genève, cette époque de covid le révulse: «C’est une catastrophe, c’est très difficile. Il faut recommencer à vivre, nous n’aurons plus jamais zéro cas.» Dans ce chaos, il veut responsabiliser l’équipe nationale.

- Spontanément, quels matchs de qualification vous ont marqué?
- Michel Pont: L’Eire-Suisse de 2002 et le but historique de Celestini alors qu’il était remplaçant: un moment magique, qui démontra l’esprit de cette équipe. Et le Turquie-Suisse de 2005, cet enfer. Tout était organisé contre nous de A à Z, dès le moment où nous avons posé le pied à l’aéroport. C’était un traquenard, tant la Turquie voulait aller au Mondial allemand. Or cette horreur – j’ai ramassé Grichting en sang dans les toilettes – a généré un esprit exceptionnel dans l’équipe et une identification derrière nous. Ce fut un détonateur pour tout le peuple suisse.

- Il y a tant de matchs télévisés... Le charme des équipes nationales fonctionne-t-il encore?
- Au contraire: avec la situation actuelle, les sélectionnés ont le devoir de se battre comme des dingues. Les gens ne peuvent pas aller au stade, tout le monde est frustré. Même moi, j’ai de la peine à m’enthousiasmer et les matchs de haut niveau sont banalisés. Alors à la Suisse de donner du bonheur!

- C’est ce que vous leur diriez?
- Ah oui, je les boosterais uniquement en termes d’affect et de sensibilité. C’est leur responsabilité, encore plus aujourd’hui. Aussi parce que le foot suisse vit au travers de l’équipe nationale et de ses revenus.

- En 1993, il y avait encore des tribunes en bois au Wankdorf…
- Oui, il faut le marteler, au-delà d’une question de victoires ou de défaites.

- Qui incarne cet esprit aujourd’hui?
- En juin 2011, contre l’Angleterre à Wembley, nous avons initié les premiers pas de Shaqiri, Xhaka, Rodriguez, Derdiyok. Dix ans, vous imaginez! Aujourd’hui, cette génération doit concrétiser. Ils sont titulaires dans des grands clubs, ils ont bouffé de l’expérience. Alors allez-y: vous devez être champions d’Europe, c’est cela l’objectif! Avoir peur d’aller en Bulgarie serait dramatique. Je suis convaincu que le coach Petkovic vise la première place du groupe, à juste titre. Stop, nous ne sommes plus les p’tits Suisses!

- Les clubs suisses souffrent…
- L’équipe nationale doit montrer l’exemple. Comme la Suisse est à la rue financièrement, on se fait piller nos meilleurs joueurs de club, car le footballeur suisse est un super produit, pas cher et ultra-bien formé.

- Dans cette période, le footballeur a-t-il un rôle différent?
- Bien sûr, il ne faut pas les prendre pour des «bobets». Ils se rendent compte qu’ils sont des privilégiés, on le voit dans les interviews et avec des joueurs comme Rashford, qui créent des fondations. Il n’y a pas que le football, il y a une solidarité: à eux de faire plaisir, ils ont la chance de galoper sur des terrains!

Par Marc David publié le 24 mars 2021 - 08:24