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Tout un romand

Les anecdotes de Patrick Dujany, alias Duja, sur ses micros-trottoirs

En vingt-cinq ans de ces micros-trottoirs qui ont nourri sa légende, l’animateur de la RTS Patrick Dujany a tout vécu, d’un oubli tragique avec Motörhead à un «cassage» au Palais fédéral.

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Patrick Dujany

L’animateur de la RTS Patrick Dujany, alias Duja.

Eddy Mottaz / Le Temps

«J’ai réalisé mes premiers micros-trottoirs à 10 ans. Mes parents tenaient une pizzeria à Moutier et mon père m’a offert un enregistreur Philips, avec la touche rouge. Tout a commencé lors du Mondial de football 1982, dans la rue, avec ma cousine Véronique. Le soir, on faisait écouter nos interviews aux parents, aux clients du bistrot, qui rigolaient et hallucinaient un peu.

Ce qui me fascine depuis tout petit, c’est immortaliser des voix, des opinions, des tranches de vie, des moments cocasses. Quand j’ai découvert que je pouvais faire cela et réécouter, ce fut ma révolution. Cela a totalement changé ma façon de voir la vie.

Je ne sais pas quelle question je vais poser, ni quelle réponse j’aurai. Je ne sais jamais ce qui m’attend, mais je sais qu’il va se passer quelque chose. Comme je les vois, mes micros-trottoirs ne génèrent pas un rire agressif, moqueur ou méchant. C’est un rire de partage, un rire tendre. Je trouve souvent les gens incroyables, avec des sorties surréalistes. Il y a de tout. Comme cette dame rencontrée à Lausanne-Bessières et qui me parle de ses chats et de ses plantes. Au bout de plusieurs minutes, elle voit mon micro et me dit: «Ah, mais vous enregistrez!»

Des anecdotes? La pire: en l’an 2000, dans un festival en Belgique, le batteur de Motörhead, Mikkey Dee, m’a donné cinq minutes pour l’interviewer. Pour moi qui suis un fou de metal, c’était la chance de ma vie et j’ai… oublié de mettre la bande. Et puis, après vingt-cinq ans de micros-trottoirs, il a fallu que j’aille jusqu’au Palais fédéral pour qu’on me remette en place. Pendant une session parlementaire, j’ai eu la mauvaise idée de pratiquer avec mon micro de la même manière que dans la rue. Dans la salle des pas perdus, je suis tombé sur le conseiller national Christian Lüscher. «Je peux vous poser une question?» Il m’a répondu, sec: «Cela ne se passe comme cela ici, il y a des codes à respecter!» Je crois que je ne me suis jamais fait casser ainsi micro en main. J’ai fait profil bas, je n’ai pas fait mon Duja. Cela m’a un petit peu coûté au niveau de l’ego, mais j’ai saisi: il y a des lieux où on ne peut pas arriver micro ouvert. Ce fut une bonne expérience et c’est devenu quasiment un gag entre Lüscher et moi. Depuis, quand j’y retourne, on me rappelle ce petit incident.

Je crois que je ferai des micros-trottoirs toute ma vie, je continuerai même mort. Pourtant, en termes de timidité, c’est affreux: chaque fois que je commence une session, j’ai la boule au ventre. Je repère les gens, les lieux. Il arrive que je ne fasse rien pendant un quart d’heure. Tout est question de regard, d’approche, de la manière de poser la question. Souvent, la première interview détermine les suivantes et ma relance va conditionner la chute. C’est de l’équilibrisme, de l’improvisation, j’adore cela. Pascal Décaillet, je crois, a dit que la vraie radio se pratiquait debout, dehors et dans le froid. J’ajouterais qu’un média qui ne va pas vers les gens pour leur donner la parole est voué à disparaître.»

Patrick Dujany, alias Duja, a publié deux romans: «Les Ecorcheresses» (Hélice Hélas, 2015) et «Les Enfers» (Torticolis et Frères, 2020).


Sa nouvelle émission

 

Duja
DR

Duja présente «La chose publique» du lundi au vendredi de 11 h 40 à 12 h sur Couleur 3, «pour donner envie aux gens de voter, de participer à la vie publique». Son attachant «Gare à vous» passe le samedi à 10 h sur La Première et son émission de metal, «Rhinoféroce», le dimanche de 21 h à 22 h sur Couleur 3.

Par Marc David publié le 18 mars 2022 - 15:51