Il y a cinq ans, quand la Fondation Solar Impulse prenait le relais de l’avion du même nom, le scepticisme était sinon général, du moins répandu, se souvient Bertrand Piccard: «Des gens me disaient que c’était impossible. D’autres, mieux intentionnés, nous assuraient qu’on ne trouverait guère que 300 innovations vraiment valables. Il nous a certes fallu cinq ans de recherche et d’évaluation assidues, mais nous y sommes arrivés.»
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Si l’exercice a demandé du temps, c’est parce qu’il ne s’agissait pas de répertorier toutes les idées vertes flottant dans l’air, mais bien de labéliser des solutions déjà opérationnelles, c’est-à-dire parvenues au moins au stade de prototype à l’échelle 1:1. «Nous ne voulions pas d’idées vagues dans cette liste, explique Bertrand Piccard. Et quand les conditions ne sont pas remplies, on invite les développeurs à revenir vers nous plus tard.»
Mais il ne suffit pas à la solution candidate d’exister pour obtenir le label Fondation Solar Impulse; il lui faut passer la rampe de l’expertise. La fondation a mandaté ces cinq dernières années entre 350 et 420 experts indépendants et professionnels, chargés d’évaluer les bénéfices réels de chacune de ces solutions. «Notre processus est certifié par Ernst & Young (un des plus importants cabinets d’audit financier et de conseil du monde, ndlr)», précise Bertrand Piccard comme pour devancer les critiques. Trois critères sont pris en compte dans le processus de certification pour toutes les solutions éligibles: leur faisabilité dans le monde actuel, leur potentiel de protection de l’environnement et leur rentabilité aussi bien pour ceux qui vendent que pour ceux qui achètent le produit. Le label de la fondation est accordé ou non selon le résultat de cette expertise.
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Enfin, ce catalogue ne va pas en rester à une simple liste classée par genres ou par ordre alphabétique. Il aura droit à un écrin numérique: «Ces six prochains mois, nous allons peaufiner la finalisation du Guide de ces solutions, explique Michèle Piccard, responsable de la communication de la fondation. Ce Guide numérique permettra aux personnes à la recherche d’une solution de s’inscrire en décrivant leurs besoins de manière précise. Le guide sélectionnera alors avec un maximum de pertinence les innovations les plus adaptées à leur activité, leur niveau de responsabilité, leur région et à la réalité locale.»
Ce réservoir de technologies vertes labellisées va continuer à croître. Il en existe déjà deux bonnes centaines pas encore labélisées mais déjà identifiées et potentiellement éligibles. Leur grand nombre est un atout dans la logique de Piccard: «Cette multiplicité est fondamentale. On échouera si on se contente d’identifier les problèmes pour améliorer la situation, car on passerait à côté de beaucoup d’entre eux. Il faut plutôt identifier toutes les technologies qui permettent aujourd’hui de faire mieux et de manière rentable, pour ensuite étudier où on peut les appliquer. On couvrira ainsi tous les domaines. On s’est habitué à de mauvaises pratiques et on ne voit souvent plus les dégâts commis, ni le degré pourtant effarant d’inefficience des vieilles méthodes, des vieilles technologies. Mettre en lumière de nouvelles solutions permet de se réveiller, de prendre du recul par rapport à notre fonctionnement.»
Le plus dur reste pourtant à faire. Bertrand Piccard et les 40 collaborateurs de la fondation vont désormais s’y employer: «Il s’agit de motiver les entreprises et les gouvernements à utiliser ces solutions. Beaucoup sont bien intentionnés en se donnant un but de neutralité carbone pour 2050, mais sans savoir comment y arriver. Nous voulons leur fournir les outils pour y parvenir, dans les domaines de l’eau, l’énergie, la construction, la mobilité, l’industrie et l’agriculture.»
Difficile pour Bertrand Piccard de choisir parmi les 1000 solutions celles à mettre en avant. Mais dans le contexte des deux votations phytos qui s’approchent, il cite RootWave, un robot qui repère par laser et électrocute les mauvaises herbes au lieu de les empoisonner au moyen d’herbicides. Il mentionne aussi AgRho® S-Boost, qui enveloppe les semences dans des molécules pour diminuer les besoins en eau et en engrais.«Puisque la rentabilité de telles méthodes est démontrée, pourquoi continuer à polluer les sols et les eaux?»
Dans le domaine industriel, c’est un processus de fabrication de l’acier inoxydable demandant 99% moins d’eau et coûtant 91% moins cher que Piccard retient: «Mais je peux vous en citer bien sûr au moins 997 autres.»
>> Chacun peut s’amuser à parcourir la liste sur le site de la Fondation Solar Impulse et repérer une solution à implémenter dans son quotidien.