Là-haut, mieux vaut ne pas souffrir de vertige. «Sans quoi on s’est trompé de métier», assure Léa Feuz, 21 ans, qui sait de quoi elle parle. S’échiner au sommet des montagnes est son pain quotidien. Quels que soient le temps et la température, elle escalade des pylônes pouvant aller jusqu’à 15 ou 20 mètres de haut. Et tout là-haut, là où n’importe qui éprouverait une vague nausée, elle manie des câbles, des poulies et des outils en tous genres. «C’est vraiment mon truc», avoue Léa en rigolant.
A vrai dire, Léa Feuz est une enfant de la ville. De Neuchâtel pour être précis. Mais elle habite désormais Haute-Nendaz et fait sur le domaine skiable de Nendaz-Veysonnaz son apprentissage de mécatronicienne sur télécabines, téléphériques, télésièges, etc. Ce choix professionnel ne semble pas tout à fait évident pour une jeune femme. Pourtant, elle parle d’un job de rêve, d’une activité qui la comble. «J’aime travailler à l’air pur, en pleine nature et j’adore le mouvement. J’aime faire des choses de mes mains tout en devant réfléchir à tout instant à mes gestes et agir avec la plus grande circonspection.»
Une annonce lue par hasard
En ce matin d’hiver, Léa Feuz attend dans un local des télécabines de Veysonnaz et de la Piste de l’Ours, au-dessus de Thyon. Peu auparavant, elle est rentrée d’une mission de contrôle d’une des 28 installations du plus grand domaine skiable du pays, avec ses 400 kilomètres de pistes, 300 canons à neige et 18 dameuses. Le domaine relie Veysonnaz, Thyon et Nendaz au Mont-Fort, à Verbier et à La Tzoumaz. Habillée de son survêtement de travail noir, la jeune femme nous raconte avec enthousiasme son activité, une tranche de vie. Vu que son père possède un appartement de vacances dans le coin, elle est venue dans ces montagnes dès l’enfance. Elle a toujours aimé skier et connaît donc le domaine comme sa poche. «Je suis toutefois arrivée par hasard à cette formation professionnelle», reconnaît celle qui est aussi la fille du célèbre écrivain et procureur neuchâtelois Nicolas Feuz. Après avoir laissé tomber le lycée, elle a voulu faire quelque chose dans le domaine du sport et commencé par trouver dans la station de Nendaz-Veysonnaz un emploi saisonnier au téléski. C’est à cette époque qu’elle est tombée par hasard sur une annonce des remontées mécaniques du lieu, qui cherchaient des apprentis en mécatronique de remontées mécaniques.
«C’était une décision audacieuse», se souvient la Neuchâteloise, qui avait certes toujours éprouvé de l’affinité avec la technique mais allait quand même devoir tout apprendre depuis le début: mécanique, électrotechnique, hydraulique, gestion de la sécurité, maintenance et tout le reste. Un savoir-faire exigeant, une réflexion orientée processus et réseaux dans les cours professionnels dispensés à Sion, un job physiquement dur avec des horaires irréguliers, des conditions météo parfois extrêmes. A cela s’ajoute tout ce que le métier comporte d’imprévisible en cas de panne, mais surtout en termes de sécurité, l’objectif majeur.
Un métier plein d’opportunités
Léa Feuz est désormais en quatrième et dernière année d’apprentissage. Si tout marche comme prévu, l’année prochaine, après avoir réussi un travail pratique et les examens théoriques, elle sera une des rares femmes en Suisse à détenir le CFC de mécatronicienne sur remontées mécaniques. Et par la suite, elle entend se spécialiser encore et multiplier les expériences professionnelles. Ce qui lui donnera le bagage de connaissances indispensables pour devenir un jour la responsable technique d’une télécabine. «On verra bien», dit-elle.
On lit sur son visage le plaisir et la fierté que son travail lui procure. Elle rayonne quand elle évoque des tâches sans cesse nouvelles. «Durant le semestre d’été, les mécatroniciens contrôlent toutes les installations de leur secteur, autrement dit les téléphériques, télécabines, télésièges et téléskis dans les stations de départ et d’arrivée.» Au sein de l’équipe dont font aussi partie des électriciens et des ingénieurs en génie civil, tous les éléments électriques et mécaniques – câbles, freins, moteurs, commandes – sont contrôlés, de même que le respect de prescriptions de sécurité. «Nous nettoyons, révisons et graissons les éléments. En cas de besoin, nous les réparons ou les changeons.»
Le travail se fait toujours au moins à deux et, pour les activités au sommet des pylônes ou des stations de renvoi, les professionnels portent un harnachement de grimpe et sont assurés par une corde de sécurité, une sangle de maintien, des mousquetons et des amortisseurs de chute.
Sous la pression des horaires
Toutes les installations doivent également être contrôlées en hiver. Les équipes se déplacent alors à skis, en quad ou à motoneige. Elles sont de piquet et doivent pouvoir passer rapidement d’une installation à l’autre pour parer à tout éventuel dérangement. «En cas de panne, il faut faire vite afin que la télécabine ou le téléski fonctionne de nouveau aussitôt que possible. C’est parfois stressant», confie Léa Feuz, pour qui c’est là le plus gros défi de son métier. Il est alors impératif de garder la tête froide.
Et comment se sent-elle dans un milieu professionnel tellement masculin? «Aucun problème», assure-t-elle. Il faut bien sûr être faite pour ça, avoir des épaules solides et savoir encaisser. Mais elle est du genre positif, pleine d’humour et prompte à rigoler. «Ça aide, mais il faut aussi du caractère et du tempérament. Il n’est pas utile de n’être qu’aimable et gentille.»
Léa Feuz n’est pas affectée par les relations interpersonnelles ni par la (sur) charge de boulot. Au contraire. «J’apprécie un travail physique à l’air libre, y compris quand ça se passe par -15°C dans le blizzard ou par 30°C sous un soleil de plomb. C’est un privilège de sentir les saisons passer.» Cela dit, la bientôt professionnelle atteint quand même parfois ses limites. Quoique dotée d’une robuste constitution qu’elle entretient aussi en pratiquant le fitness, il arrive qu’elle peine à manoeuvrer un câble de 20 ou 30 kilos. Alors elle marque un temps d’arrêt et réfléchit à une autre technique. «Quand les muscles ne font pas l’affaire, il faut une autre solution. C’est une bonne école. Dans toutes les situations de la vie.»
La mécatronicienne au chevet des remontées mécaniques valaisannes
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