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Le parcours hors-norme de l'icône Serena Williams

Après une ultime défaite le vendredi 2 septembre au troisième tour de l’US Open, l’icône du tennis mondial, en larmes, a mis un terme à sa carrière extraordinaire, à presque 41 ans. Récit d’une vie hors du commun faite de combats et de convictions, sur les courts et en dehors.

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Serena Williams

Ce printemps, la joueuse de tennis américaine s’est posé énormément de questions concernant son futur et surtout son envie de reprendre une raquette de tennis. Elle a rejoué plusieurs tournois et, début août, elle lâchait une bombe dans une longue interview accordée à «Vogue USA» en annonçant son prochain retrait de la compétition.

Robbie Fimmano/Trunk Archive
Siméon Calame
Siméon Calame

Vingt-trois tournois du Grand Chelem en simple, quatorze en double, deux en double mixte, cinq Masters, quatre médailles d’or olympiques, 319 semaines en tant que numéro un mondiale (dont 186 d’affilée entre février 2013 et septembre 2016, record détenu conjointement avec Steffi Graf)… Le palmarès de Serena Williams force le respect et il faudrait plus qu’un article pour détailler les records de la joueuse de tennis états-unienne. Mais il ne grandira plus. Car à bientôt 41 ans, celle qui a repoussé les limites de son sport vient de lâcher son dernier coup droit après un ultime revers. C’était le 2 septembre dernier face à Ajla Tomljanovic, au troisième tour de l’US Open, à New York (5-7 7-6 1-6). Après plus de vingt ans de carrière, c’est un majestueux héritage qu’elle laisse derrière elle. Pour comprendre l’aura qu’elle a aujourd’hui tout autour du globe, il faut replonger en 1978.

Une légende derrière la légende
Racontée dans le film «King Richard» (en français: La méthode Williams), de Reinaldo Marcus Green, avec Will Smith dans le rôle de Richard Williams, le père, sorti l’année dernière, la légende qui suit les sœurs Williams est passionnante. Alors qu’il voit la joueuse roumaine Virginia Ruzici remporter le tournoi de Roland-Garros en 1978 – et le chèque de 40 000 dollars qui va avec –, Richard Williams, 36 ans, flaire la bonne affaire.

Sur une huitantaine de pages, il détaille de quelle manière ses filles (pas encore nées!) deviendront les légendes du tennis mondial. La machine est lancée: Venus vient au monde le 17 juin 1980, Serena le 26 septembre 1981. Richard, qui ne connaissait rien au tennis, commence très tôt l’entraînement de celles qui deviendront des icônes de la petite balle jaune. Avant et après l’école, durant les vacances, toute occasion est bonne pour apprendre le jeu – mais sans jamais mettre de côté les études.

Et pas de n’importe quelle manière: la famille déménage dans le difficile quartier de Compton, à Los Angeles, connu notamment pour ses gangs. Dans «Vogue», Richard explique avoir pensé: «Là-bas, mes filles deviendront des femmes fortes.» Courts en ciment craquelé, éclats de verre, bruits de coups de feu… une situation qui en aurait découragé plus d’un. Mais le coach paternel déroule son plan à merveille, ses filles frappant balle après balle, réalisant exercice physique sur exercice physique. Richard comprend que son plan a fonctionné lorsque les sœurs se rencontrent en finale du tournoi WTA de Miami, le 28 mars 1999. La suite, on la connaît.

Serena Williams

Avec son coach et père Richard Williams. 

Getty Images/Paul Harris

Affranchie de tout
Vingt-trois ans plus tard, Serena est toujours là, passant par-dessus les moments difficiles et les innombrables remarques déplacées dont elle a été – et est toujours – la cible. Dans un monde du tennis féminin très stéréotypé, elle est en effet vite sortie du lot, et pas uniquement pour ses résultats sur le court. Une sportive afro-américaine, musculeuse, au caractère volontaire et qui dit ce qu’elle pense, cela ne plaît pas à tout le monde. Régulièrement inondée d’insultes racistes, de commentaires sur son physique ou ses tenues de match, et même de remarques sur sa grossesse, elle a su passer outre et s’affirmer comme une femme indépendante, forte et intelligente. Même John McEnroe s’y est mis, affirmant notamment qu’elle serait classée 700e si elle jouait avec les hommes. Toujours classe, Serena y est allée de sa réponse, le remettant à sa place en expliquant n’avoir pas de temps pour ces futilités.

Serena Williams

Serena (à g.) et Venus entourent leur mère, Oracene Price. Entraîneuse de tennis, l’ex-épouse de Richard s’est beaucoup occupée de ses filles au début de leur carrière.

Getty Images/Harry Langdon

Une sportive et une femme engagée
Jamais lisse, le parcours de la «GOAT» (pour «greatest of all time», meilleure de tous les temps) du tennis féminin est ainsi empreint d’un certain féminisme militant. C’est d’ailleurs le fil rouge de sa marque de vêtements (car elle est aussi diplômée d’une école de design!), simplement nommée S, pour «strong», «sexy», «sophisticated», «smart», «stylish» (forte, sexy, sophistiquée, intelligente, stylée).

De plus, sa collaboration avec l’équipementier Nike a débouché l’année dernière sur une collection «pour la diversité», réalisée par des designers racisés et sous-représentés dans ce domaine. Et elle a à cœur de transmettre ses valeurs, notamment à travers sa fondation, dont l’objectif est de «favoriser l’éducation des enfants dans d’autres pays et de promouvoir l’équité entre toutes et tous». Serena, c’est la vision d’un possible au-delà des simples faits.

Retraite? Evolution!
Ce qui n’a échappé à personne, c’est que Serena Williams n’a en réalité pas donné de détails quant à son après-retraite. Dans le grand entretien accordé à «Vogue USA» début août et qui a lancé le compte à rebours de sa retraite présumée, la maman d’une petite Olympia explique n’avoir «jamais aimé le mot retraite, que je ne ressens pas comme un mot moderne. Je lui préfère «évolution», qui traduit mieux ce que je veux réaliser.» Olympia, elle, a envie d’être grande sœur et le fait régulièrement savoir à sa maman.

L’interview donnée à «Vogue» commence même par cela, preuve s’il en fallait que c’est un point important pour la championne. Et pourtant, plus tôt dans sa carrière, Serena s’est «très souvent demandé si [elle devait] faire naître un enfant dans ce monde, avec tous ces problèmes». L’année dernière, son mari, Alexis Ohanian, et elle ont essayé d’avoir un autre enfant, initiative pour l’instant restée sans succès, mais tout porte à croire que le couple pourra agrandir sa famille. «Dès que nous serons prêts. J’ai besoin d’avoir deux pieds dans le tennis ou deux pieds en dehors.»

Serena Williams

Serena a épousé Alexis Ohanian, cofondateur de Reddit, le 16 novembre 2017. Ici leur fille, Olympia. Sera-t-elle bientôt grande sœur? «Quand nous serons prêts», affirme la championne.

FilmMagic/Axelle Bauer-Griffin

Dans la continuité de sa maternité, Serena ne cache pas sa fierté d’avoir contribué à l’épanouissement des femmes athlètes, qui «peuvent porter ce qu’elles veulent, dire ce qu’elles veulent, botter des fesses et être fières de tout cela». Serena Williams, elle aussi, peut être fière d’elle et de tout ce qu’elle a accompli. Un rayonnement qui s’étend désormais bien au-delà de l’univers de la petite balle jaune.

Par Siméon Calame publié le 11 septembre 2022 - 11:12