Le PALP ne chatouille pas que les sens, pour reprendre son slogan, mais aussi les esprits. Tout en continuant à organiser des concerts inédits, le festival valaisan s’est donné comme nouvelle mission de changer la politique des régions de montagne. Un projet qui démontre la capacité de vision de Sébastien Olesen, son fondateur, et d’Eddy Baillifard, surnommé Monsieur Raclette, fromager curateur.
Les deux compères ont des projets plein la tête pour rebooster la vie dans les vallées alpines. Autour d’un verre de fendant, ils décrivent comment la manifestation s’est transformée en phare culturel. Désormais régulièrement invité à l’étranger, le PALP peut se targuer de réveiller les traditions en les mettant au goût du jour, le tout dans une ambiance conviviale. Une vitrine idéale de la Suisse et un modèle de festival intelligent qui s’est donné une mission beaucoup plus vaste que simplement d’animer la saison touristique d’été.
Depuis plus d’une décennie, le PALP surprend avec des rendez-vous devenus cultes, comme la Rocklette dans les alpages, un concept inédit qui fusionne gros concerts de rock et, comme seul casse-croûte, de délicieuses raclettes. Idée de génie, le festival attire toutes les générations, des montagnards mais aussi des urbains. «Il y a bientôt plus de gens de l’Arc lémanique que de Valaisans», lance Sébastien Olesen.
Les rencontres culturelles du PALP qui courent aujourd’hui sur tout l’été: bal masqué, silent disco, concerts dans les gorges, gigues dans des carnotsets, etc. La liste semble infinie. Et les billets pour s’évader dans ses environnements dépaysants s’arrachent. «Il y a des fidèles. Tu les voyais d’abord ados et maintenant avec leurs gamins», raconte avec fierté Eddy Baillifard. En 2020, dans un monde sans pandémie, ils auraient accueilli 35 000 festivaliers. Finalement, ils étaient 14 000 dans une édition revisitée avec brio, un score incroyable à l’heure du covid.
Le directeur, Martignerain de 36 ans, construit aujourd’hui une maison dans le village natal de Monsieur Raclette à Bruson. Les deux Bagnards ont fait les quatre cents coups ensemble. Ils se remémorent les Electroclettes par exemple, qu’ils ont organisées au sommet des pistes de ski de Verbier en passant par La Chaux (2200 mètres) et à Séoul en Corée du Sud. Après avoir raclé aux beats des grands DJ, même Eddy a pris goût à la musique électronique. «Il a fallu qu’on s’exporte pour que le Valais reconnaisse l’immense potentiel de nos manifestations qui lient terroir et insolite», se souvient Sébastien Olesen.
Leur rencontre? Retour en 2013 dans l’ancienne fromagerie d’Eddy. «J’avais affaire à des clients venus du Danemark. Moi, je parle que le français et le patois et voilà que Sébastien commence à faire le traducteur!» s’étonne encore le gérant de la Raclett’House. Le responsable du PALP est à moitié Danois du côté de son père. «Depuis, on ne s’est plus quittés!» rigole le quinquagénaire, qui est notamment derrière la naissance d’un robot racleur professionnel en partenariat avec l’Idiap à Martigny.
Sensibles à l’environnement, les pionniers du PALP insistent aussi pour mettre en place des transports à mobilité douce. En 2019, ils créent le PALP Village à Bruson où ils installent un centre de recherche et d’innovation. Parmi les projets, la création d’un Musée de la raclette qui fera le lien entre l’ambiance imposante de l’artisanat valaisan (lampes à cornes, labyrinthe de cloches) et une facette plus interactive et technologique. Mais aussi la mise en place d’un sauna au bisse des Ravines, au-dessus de leur hameau. «Pour le moment, on est bloqué par le canton car la montagne est sous cloche, mais on va trouver une solution», répond simplement Sébastien Olesen.
L’édition 2021 du festival rime, elle, avec deux grandes nouveautés. D’un côté, les concerts intimistes des salons flottants sur le lac du Louché à Lens qui viennent de s’achever. Construits spécialement pour l’occasion, ces radeaux séduisent: la billetterie a rapidement affiché complet et le concept sera reconduit en 2022. De l’autre, Gorgeous qui aura lieu en septembre, soit des instants musicaux spectaculaires dans les gorges du Triège Salvan aux Marécottes. «Ils n’ont que des idées folles!» applaudit Eddy. «Je vous assure, parfois ils me font un peu peur: Sébastien serait capable un jour de m’envoyer racler sur un parapente!»