Les coups résonnent en cadence. Une sonorité chaude, régulière. C’est le son du marteau du forgeron. Sur l’enclume, Serge Turberg, 62 ans, façonne la lame d’une hache. L’atelier se trouve à côté de son domicile, à l’orée de Malleray, dans cette vallée de Tavannes où se succèdent des collines douces et verdoyantes. Les lieux sont plutôt isolés, la gare ne compte qu’un seul quai. «J’ai toujours souhaité vivre à la campagne, la ville ne me convient pas», avoue le sexagénaire. Le travail noircit ses mains musclées. Il ausculte le feu. Sous la hotte, le charbon est incandescent. Serge Turberg actionne l’alimentation en air, la chaleur irradie, les flammes jaillissent dans les tons jaune pâle, il fait de plus en plus chaud. «Quand le feu a la bonne couleur, je sais qu’il est assez chaud, entre 1000 et 1100°C.» A l’aide d’une pince, il dépose une pièce de métal dans le brasier jusqu’à ce qu’elle devienne orange clair et la travaille une nouvelle fois à coups de marteau précis.
Ce sera une hache très spéciale. Serge Turberg forge des haches pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris, dont la charpente est partie en fumée en avril 2019. A l’époque du terrible incendie, tout le monde était persuadé qu’il serait impossible de reconstruire comme autrefois. Plus personne ne sait faire ça, pardi. Mais les artisans de Charpentiers sans frontières ont prouvé le contraire. En Normandie, à Mesnil-Geoffroy, ils ont reconstitué en juillet 2020 une partie de la charpente entièrement à la main. Serge Turberg était de la partie, car non seulement il sait forger, mais il travaille également le bois. Tout petit, avec son père et son grand-père, il abattait déjà des arbres dans les forêts du Jura et les transformait.
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A Paris, il fut bientôt décidé que la cathédrale devait être rebâtie comme jadis. L’Administration des eaux et forêts se mit en quête des arbres nécessaires et marqua pas moins de 1300 chênes dans toute la France. La charpente de Notre-Dame mesure 100 mètres de long, 10 mètres de haut et 14 mètres de large. «On avait le bois, les artisans et leur savoir. Il ne manquait plus que l’outillage», explique Serge Turberg. Il se mit en chasse. «Il n’existe plus de haches de ce temps-là, mais elles ont laissé leurs traces dans le bois.» Sur son établi, il dessine à la craie les entailles. Il existe des photos de la charpente à demi calcinée. Il fait des recherches dans d’anciens grimoires, parle avec des archéologues, étudie la courbe et la longueur des entailles, le poids et l’épaisseur des lames de hache. Entre-temps, il a déjà reconstitué huit modèles, modifiant, corrigeant, améliorant sans relâche.
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