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Lauriane Sallin, Miss Suisse 2016: «Le bonheur n’a rien à voir avec le luxe»

Fidèle à son credo «moins, c’est mieux», Lauriane Sallin vit avec sa famille à Tinos, une île des Cyclades. Mais les jours de cette sobre félicité grecque sont comptés pour la Fribourgeoise, qui fut Miss Suisse 2016.

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Lauriane Sallin

Sa vie simple sur Tinos, une île elle-même encore authentique, c’est pour Lauriane le choix d’une «liberté sans limites».

Nicolas Righetti/ Lundi13
Sylvie Kempa
Sylvie Kempa

Célestin, 1 an, lance des feuilles sèches en l’air et rit de les voir tourbillonner dans la brise. Sa sœur, Madeleine, 4 ans, s’affaire à collecter des pierres pour dessiner un motif sur le sol. De son côté, Giorgos Palamaris, 36 ans, cueille des mûres sur le buisson qui surplombe un panorama sublime. Enfin, Lauriane Sallin, 29 ans, découpe un cake à l’huile d’olive qu’elle a préparé elle-même. «Je n’avais plus de beurre et, ici, quand il manque quelque chose, on ne peut pas aller faire les courses. Alors on résout les problèmes de manière créative», explique Miss Suisse 2016.

Lauriane Sallin vit avec sa famille sur l’île grecque de Tinos. Il y a six ans, celle qui était alors étudiante en archéologie avait fait la connaissance de Giorgos, un sculpteur grec, sur un site de fouilles. «Nous avons rapidement senti que nous voulions passer notre vie ensemble», se souvient-il. Il y a quatre ans, le couple s’est dit oui au bord du lac de la Gruyère. Peu après, Madeleine voit le jour et la famille vit une grande partie de l’année à Tinos.

Lauriane Sallin

L’avant-dernière lauréate du concours Miss Suisse, Lauriane Sallin, vit en toute simplicité sur une île de la mer Egée avec son mari, Giorgos Palamaris, et leurs enfants, Célestin et Madeleine.

Nicolas Righetti/ Lundi13

Cette île des Cyclades a beau être située juste à côté de la très festive Mykonos, elle est bien plus sage. Dans la mythologie, Tinos est la patrie d’Eole, le dieu du vent qui a donné à Ulysse des airs favorables tout au long de son odyssée maritime. Et, en effet, de fortes rafales soufflent sur ces collines arides où paissent des chèvres sauvages. D’ailleurs, pour que la longue chevelure d’ébène de sa fille ne s’emmêle dans le vent, Lauriane lui a fait des tresses. Tinos n’est pas seulement connue pour ses vents, mais aussi pour son fameux marbre vert, qui décore notamment la cathédrale de Westminster à Londres.

Ce marbre détonnerait comme ornement de la maison blanche à volets bleus typique des Cyclades dans laquelle vit la famille. Dans la cuisine, qui tient aussi lieu de salon et de chambre à coucher, le plan de travail est fait d’une plaque de marbre blanc taillée par Giorgos. «Ici, il n’y a pas de magasin de meubles. Alors nous fabriquons nous-mêmes ce dont nous avons besoin.» Une vieille porte en bois sert d’établi. Le mortier est un mélange de coquillages et de pierre. Trois poules adorables – Cocota, Carlota et Floretta – fournissent les œufs. «Comme elles vivent en liberté, elles les déposent chaque jour derrière une pierre différente. Parfois, nous ne les trouvons pas», explique Lauriane, amusée. Sur le balcon trône une machine à coudre Singer à pédale, que Lauriane Sallin a utilisée pour coudre tous les vêtements de bébé. «Je l’ai offerte à ma femme à l’époque où nous n’avions pas encore d’électricité ni d’eau chaude», explique Giorgos. Selon lui, la douche quotidienne avec l’eau de source de la montagne était parfois si froide que le savon ne moussait pas, les cheveux restaient sales et humides pendant des jours. «C’est là que j’ai compris que l’eau chaude n’était pas un luxe, mais une nécessité», se rappelle Lauriane. Elle a pris sa dernière douche glacée le 10 décembre 2019, date de l’installation par le couple débrouillard d’un chauffe-eau. Et ce fut enfin le raccordement au réseau électrique.

Lauriane Sallin

La famille Palamaris possède un vieux minibus VW pour se déplacer, camper ou transporter du matériel.

Nicolas Righetti/ Lundi13

Mais Lauriane et Giorgos gèrent méticuleusement leur consommation. Ils ne regardent un film que tous les deux mois avec leurs enfants et remisent l’ordinateur portable à chaque fois. «Notre luxe, c’est le temps que nous pouvons passer ici tous ensemble sans les distractions de la vie moderne», explique Lauriane. La Suisse lui manque, bien sûr. «Surtout la moutarde en tube pour les sandwichs», dit-elle. Elle se la fait apporter quand vient de la visite. Mais, dans l’ensemble, le couple de parents est sur la même longueur d’onde: «Pour nous, le bonheur n’a rien à voir avec le luxe.» Vivre ici et maintenant, c’est cela qui détermine le quotidien de la famille. Quand Lauriane fait du feu, c’est pour produire de la chaleur, pour cuisiner. Une journée type se déroule en fonction des besoins de base à satisfaire. Nourriture, eau, chaleur, propreté et intimité. A Tinos, Lauriane peut vivre pleinement ce besoin de donner du sens à sa vie.

En tant que reine de beauté, Lauriane a évolué dans un monde de glamour. Mais elle en garde de bons souvenirs, même si une Miss est souvent confrontée au préjugé «belle égale bête». Son année de mandat, elle l’a vécue de manière positive. «J’avais participé à ce concours parce que je l’avais promis à ma grande sœur, Gaëlle, atteinte d’un cancer, sur son lit de mort, afin de porter nos valeurs dans le monde entier.» Son élection lui a bel et bien offert une plateforme à laquelle les jeunes femmes n’ont normalement pas accès. Elle en a fait le meilleur usage possible. Elle a notamment demandé que ses photos en bikini, qui font partie de la mission publicitaire d’une reine de beauté, ne soient pas retouchées. Et au lieu de se contenter de poser comme ambassadrice pour la fondation Corelina, active dans la médecine cardiaque des enfants, elle s’y est engagée activement.

Lauriane Sallin

«Nous passons notre temps ensemble sans les distractions de la vie moderne», Lauriane Sallin.

Nicolas Righetti/ Lundi13

Depuis la maison de ses parents à Belfaux (FR), Lauriane a collecté du matériel médical que les hôpitaux suisses avaient mis au rebut. Elle a ensuite passé son permis de conduire de camion et transporté ce matériel au Maroc, dans un centre de cardiologie pédiatrique en cours de construction. Sur Tinos, il n’y a pas d’hôpital ni de centre commercial. Mais il y a du temps et de l’espace pour jouer dans la nature, ainsi que de l’eau de source fraîche en abondance. «Dóse tou éna potíri neró, se parakaló», crie Lauriane à son mari quand Célestin, tout poussiéreux, émerge de son tas de feuilles. «Tu veux bien lui donner un verre d’eau s’il te plaît?» Lauriane parle désormais couramment le grec, Giorgos le français, les enfants un mélange des deux. «Notre objectif est de leur offrir le meilleur des deux cultures. La décontraction grecque et la qualité suisse.» L’attachement aux deux pays se vérifie également dans le choix des prénoms: Madeleine Apollonia et Célestin Niréas. Les jours heureux sur Tinos sont pourtant comptés. Dans quelques temps, Madeleine entrera à l’école, et Lauriane et Giorgos devront alors décider de l’éducation qu’ils souhaitent donner à leurs enfants. Ils ont le choix entre trois options: le système scolaire «plutôt élitiste» des écoles privées d’Athènes, l’école primaire rurale de Tinos, où les différentes classes d’âge sont mélangées en raison du trop petit nombre d’enfants du même âge, ou l’école publique suisse. Mais cette troisième option les forcerait à renoncer à leur mode de vie actuel. «Ce serait envisageable, estime Lauriane. Car le temps passé à Tinos m’a ouvert l’esprit sur les avantages de mon pays: j’apprécie encore plus la qualité de l’éducation, la nature luxuriante, les règles claires.»

Le peu d’argent dont la famille a besoin pour vivre, Giorgos pourrait aussi le gagner en Suisse en tant que sculpteur sur pierre. Mais, pour l’instant, Lauriane veut continuer à travailler à la maison par conviction. «Etre maman, c’est un travail à plein temps. J’ai fait ce choix en connaissance de cause, car je pense qu’un parent présent, que ce soit la maman ou le papa, est le vrai luxe d’une enfance.» Elle ne s’ennuie pas pour autant. «Redécouvrir le monde du point de vue de mes enfants comble ma soif de connaissances et ma curiosité pour le moment présent.»

Lauriane Sallin

«Nous avons rapidement senti que nous voulions passer notre vie ensemble», Giorgos Palamaris.

Nicolas Righetti/ Lundi13
Sylvie Kempa
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Par Sylvie Kempa publié le 9 octobre 2022 - 09:05, modifié 28 juin 2023 - 11:06