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Interview

Laura Chaignat, une humoriste décapante qui rêve de scène

Parce qu’elle a débuté dans la vie avec des rêves de comédie mais n’avait que des roues carrées pour avancer, l’humoriste jurassienne s’est donnée corps et âme à sa passion. Parallèlement à la radio – dans «Les Dicodeurs» et sur Couleur 3 –, elle goûte enfin à la scène.

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Laura Chaignat

«On peut rêver grand et loin, mais on peut aussi se planter ou se satisfaire d’une chose plus simple parce qu’elle nous est précieuse. Cela ouvrira toujours d’autres portes pour continuer. Il faut juste être patient.», Laura Chaignat.

Bertrand Rey

Est-ce bien raisonnable de rêver d’avoir son nom en haut de l’affiche lorsque l’on est une fille et que l’on a grandi dans les Franches-Montagnes? Depuis gamine, Laura Chaignat porte ça en elle, grappillant avec avidité chaque tirade que la vie mettait sur son chemin, espérant ainsi atteindre son graal: être Phèdre devant le public de Vidy, sous peine de rater sa vie. Aujourd’hui, à 32 ans, elle laisse le soin à son héroïne grecque de rester en coulisses pour la regarder s’épanouir seule en scène au Théâtre Boulimie, à Lausanne, dans «Presque Phèdre». Un premier spectacle qu’elle a écrit; un récit drôle, tendre et engagé qui retrace son parcours, ses embûches et l’amour immense qui la lie à sa famille.

- Maintenant que la première de votre spectacle est passée, vous êtes rassurée, vous n’avez pas raté votre vie?
- Laura Chaignat:
Fort heureusement, il y a un moment que je le sais, car je suis de plus en plus en phase avec moi-même. Mon parcours rendrait très fière la Laura qui était pleine de frustrations enfant, parce qu’elle avait des rêves auxquels elle pensait ne jamais avoir droit. Je fais désormais vivre toutes mes envies par ma plume, par la radio – avec «Les Dicodeurs» et l’animation sur Couleur 3 –, par le théâtre et par le chant aussi. J’ai quand même fêté Nouvel An à la télé avec Yann Lambiel: avec la musique, les prompteurs et les caméras, mon rêve de «Star Academy» s’est réalisé. Un kif total, merci à lui. Et puis peut-être que si j’avais joué «Phèdre» à Vidy, je n’aurais pas eu les honneurs de «L’illustré». C’est une forme de consécration, car ma mère, mes marraines, ma sœur le lisent. Un magazine qui est dans les chaumières de partout, cela me touche. Je le lis depuis que je suis gosse, j’y découpais même les présentations des candidates à Miss Suisse pour les étudier pendant des semaines.

- Quels sont vos marqueurs de réussite?
- La santé! Pour ma passion, ma carrière, je sais que je me suis mise en danger par stress et manque de sommeil. Je souffre aussi de hernies discales, mais depuis que je suis sur scène mon dos se remet. De là à penser que je suis enfin là où je dois être et que c’en est fini d’en avoir plein le dos, il n’y a qu’un pas…

- Considérez-vous ce spectacle comme un aboutissement?
- C’est un beau virage comme j’en ai eu tant dans ma vie, souvent la conséquence d’un échec. Ainsi, j’ai été recalée deux fois au concours d’entrée de la Haute Ecole des arts de la scène à Lausanne. La première fois, cela m’a offert l’opportunité de travailler à Radio Fréquence Jura, où j’ai appris mon métier d’animatrice. La seconde fois, Thierry Romanens a été mis sur ma route et, grâce à lui, j’ai rejoint l’équipe des «Dicodeurs» il y a huit ans.

«Mon prochain rêve? La télé, le cinéma, un parcours à la Virginie Efira, car il faut toujours voir grand»

- Doit-on tout sacrifier à ses rêves au risque d’y perdre – comme vous – quelques plumes, des années de vie, parfois des amitiés et des amours aussi?
- Dans l’absolu, non! Mieux vaut être entouré, aimé. Mais c’est le genre de passion où, si l’on n’est pas prêt à y mettre toute son âme, il faut se demander pourquoi on le fait. Je suis incapable d’être modérée, je fais tout à fond mais, du coup, il est parfois difficile de me suivre…

- C’est le prix à payer pour avoir le droit de rêver comme un homme?
- Ma génération commence à pouvoir songer à une carrière au même titre que les mecs. Mais au prix de bien plus d’efforts. L’égalité n’est de loin pas encore acquise. Je me suis ainsi souvent retrouvée dans des situations compliquées par pression de réussir, parce que l’on nous en demande toujours beaucoup pour convaincre et prouver que l’on mérite.

- S’autorise-t-on aussi le droit de se tromper?
- On peut rêver grand et loin, mais on peut aussi se planter ou se satisfaire d’une chose plus simple parce qu’elle nous est précieuse. Cela ouvrira toujours d’autres portes pour continuer. Il faut juste être patient. 

- Laurence Bisang, l’animatrice des «Dicodeurs», est un modèle de réussite pour vous. Mais que pensez-vous d’Elisabeth Baume-Schneider?
- (Les larmes lui montent aux yeux.) Je me suis prise au jeu de son élection au Conseil fédéral; je n’ai pas décroché, j’étais en sueur et j’ai enfilé mon t-shirt jurassien. C’était fou! Une fois qu’elle a été élue, je n’ai pu retenir mes pleurs, c’est comme si mon identité de femme jurassienne était soudain reconnue par le reste de la Suisse.

- Dans votre spectacle, vous imitez et égratignez tendrement vos parents. Leur en avez-vous demandé l’autorisation?
- Non! (Elle éclate de rire.) En fait, je n’imite pas ma mère, je crois qu’elle vit en moi. C’est elle, la star. Sur scène, elle prend le pouvoir, toute la place, et me pousse à improviser. Ce sont les moments que je préfère. Mais qu’elle se rassure, les gens reconnaissent tous leur propre mère en elle.


>> Laura Chaignat sera sur scène avec son spectacle «Presque Phèdre» à Yverdon-les-Bains et à Delémont. Plus d'informations sur laurachaignat.ch

Affiche du spectacle "Presque Phèdre" de Laura Chaignat

Le premier spectacle sur scène de Laura Chaignat, «Presque Phèdre».

DR
Par Isabelle Rovero publié le 26 mars 2023 - 09:35