On retrouve l’attaquant de Genève-Servette Benjamin Antonietti loin de la fureur des Vernets, dans un village de la campagne vaudoise. Il boite, les play-off ont mis sa hanche au martyre, il devra l’opérer un jour. Le mal est si profond qu’il prend sa retraite, il n’a pas le choix. Revenu à Genève en 2021 après onze ans passés au Lausanne HC, cet enfant de Bernex balance entre la fin d’une grande histoire et le début d’une vie plus douce, auprès de sa famille. Sensible, il se raconte.
- Comment allez-vous après ces journées de tension?
- Benjamin Antonietti: Je suis fatigué, je récupère de tout. Quand je repense au quart de finale en mars contre Lugano, j’ai l’impression que c’était il y a six mois, tant il s’est passé de choses depuis.
- Comment était votre voyage d’équipe à Ibiza, juste après le titre?
- C’était cool, même pour moi qui n’aime pas trop l’avion. Nous étions une dizaine de joueurs, nous avons chanté, offert des verres à tout le monde. Nous avons passé une belle soirée avec toute l’équipe et puis, le lendemain soir, la fatigue des derniers temps m’est tombée dessus. J’étais avec mon équipier Noah Rod et il m’a dit: «Qu’est-ce que je ne payerais pas pour être avec ma fille!» Moi, c’était pareil. Alors je suis rentré un jour plus tôt.
- Pourquoi Genève a-t-il gagné la finale?
- Grâce à un groupe incroyable, avec des leaders. Même quand nous avons perdu chez nous, je n’ai pas senti de panique. Nous avons toujours pensé que nous allions gagner. L’entraîneur a d’ailleurs créé un groupe WhatsApp peu après, juste pour les coachs et les joueurs. Pour dire combien il était serein pour la suite, que rien ne changeait dans le plan.
- Pourquoi tant de confiance?
- C’est arrivé beaucoup plus tôt dans la saison. A chaque fois qu’on en parlait, dans le car, partout, il y avait toujours un moment où l’un de nous disait: «Mais de toute façon, cette année, on va chercher ce titre.» Vous ne vous rendez pas compte, il y avait ce truc certain.
- Quelle relation avez-vous avec Genève?
- J’y suis né, mais c’est un peu spécial, puisque je suis parti longtemps à Lausanne. Cela dit, je suis de Bernex et, l’été, on jouait dans le préau de l’école de Lully. Il y avait des goals, tout. Nous étions en rollers, nous placions des mouchoirs dans des balles d’unihockey, pour que cela rebondisse. Nous jouions été comme hiver et je rêvais de gagner avec Genève. On avait l’abonnement, des cannes de joueurs.
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- Pourquoi être revenu à Genève?
- Parce que cela se passait mal avec le nouveau propriétaire à Lausanne. Je me suis retrouvé en tribune dès le premier match, je n’ai pas compris, il fallait trouver une porte de sortie. Et puis j’ai ma femme ici, avec son entreprise de papeterie. Le but était de ne pas partir trop loin.
- Comment avez-vous été reçu?
- Des copains de Genève m’avaient déjà dit combien c’était incroyable ici, je m’y attendais. On y prend par exemple grand soin des familles, des copines et des épouses des joueurs. C’est important pour nous.
- Genève doit-il avoir un noyau de Genevois?
- Peu importe d’où vient un joueur, il faut juste qu’il adhère à 100% au projet. Des gars comme Miranda et Karrer sont de purs Zurichois mais ils ont appris le français tout de suite. Karrer va même se marier dans la région, il l’aime. Rod, c’est l’image de Genève. Richard est là depuis des années. Hartikainen pourrait aller partout dans le monde, il reste à Genève.
- Comment voyez-vous votre retraite?
- Je vais d’abord me soigner et cela va être long. Essayer de me lever et de marcher normalement, pas comme un homme de 70 ans. Peut-être que tout ira mieux en arrêtant le sport. Les trois derniers mois, j’ai joué sous infiltrations. Je n’allais pas m’arrêter alors que je pouvais gagner un tel titre. Au bout d’un moment, cela n’a plus marché, j’avais trop mal. Je ne pouvais plus m’entraîner, je ne jouais que les jours de match.
- Que dire de Jan Cadieux, votre entraîneur?
- Il déteste qu’on le mette en avant, mais c’est un malade de travail. Quand il dit qu’il y passe vingt heures par jour, ce n’est pas une bêtise. Dès le premier jour de l’entraînement d’été, il a asséné qu’on allait gagner. Le deuxième jour, il a dit qu’on s’entraînait pour le septième match de la finale. On l’a traité de fou, mais il l’a fait et aucun entraîneur n’a réussi ainsi en Suisse romande.
- Qu’aimeriez-vous qu’on garde de vous?
- Tu peux être le meilleur joueur du monde, si tu n’es pas une bonne personne, les gens ne se rappelleront pas de toi. J’aimerais que les gens se disent que j’ai tout donné, parce que c’est vrai. Je sais que je n’ai jamais triché.
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