Bonjour,
Après cinquante-six ans de service, le temps était venu de nettoyer le fond de la baignoire et de ravaler la façade. Le barrage de Contra et son lac de retenue, près de Locarno (TI), offrent aujourd’hui un paysage de désolation.
Clot Philippe
Le lac artificiel du barrage de Contra vient d’être vidangé. Et sur ce paysage de désolation réapparaissent des vestiges du temps d’avant. Difficile d’imaginer que vivait toute une communauté, avec son auberge, sa poste et ses vignes.
© Didier Ruef / Marco CortesiLe lac de Vogorno, neuvième lac artificiel de Suisse en volume d’eau, est aujourd’hui désespérément vide. Mais c’est normal: comme n’importe quelle infrastructure, un barrage nécessite des périodes de maintenance. Et la sécurité de milliers d’habitants en contrebas dépend d’une telle rénovation.
L’ancien pont résiste héroïquement. C’est le plus beau témoin de l’époque précédant le barrage. Ce magnifique pont de pierre a résisté sans broncher à cinquante-six ans d’immersion. Son successeur moderne semble lui faire office d’arc de triomphe.
© Didier RuefL’ancien pont résiste héroïquement. C’est le plus beau témoin de l’époque précédant le barrage. Ce magnifique pont de pierre a résisté sans broncher à cinquante-six ans d’immersion. Son successeur moderne semble lui faire office d’arc de triomphe.
© Didier RuefCette vidange complète du lac de retenue – la première depuis la mise en service du barrage de Contra en 1965 – a permis d’évacuer les milliers de mètres cubes de limons et de sédiments accumulés. L’immense barrage-voûte de 220 mètres (le quatrième le plus haut du pays), ses fondations et ses équipements techniques vont aussi être rénovés. Et comme la production électrique de l’installation tessinoise ne représente que 0,7% de l’énergie hydroélectrique nationale, cette mise à l’arrêt ne risque pas de provoquer de pénurie de courant.
Le côté spectaculaire de ces mois de maintenance a un autre mérite: celui de rappeler que l’énergie hydraulique, comme toutes les autres énergies, a des impacts écologique, humain et esthétique. Quand les lacs de retenue sont pleins et que le soleil brille, l’image est idyllique. C’est comme si la nature et le génie humain avaient collaboré pour embellir le paysage. Mais l’envers du décor apparaît quand le bouchon de la baignoire doit être retiré. Il y a ces versants lunaires du lac qui se dévoilent peu à peu pour former une énorme plaie brunâtre au fond de cette vallée naguère entièrement boisée. Il y a aussi cet immense mur de béton qui, une fois dressé au milieu du vide, perd, avec sa raison d’être, toute sa majesté. Il y a enfin les vestiges du temps d’avant le barrage qui réapparaissent, tels les murs en pierres sèches des anciens jardins en terrasses qui ont vaillamment résisté à cinquante-six ans d’engloutissement. C’est aussi un adorable petit pont – en pierre lui aussi –, petit cousin du fameux Ponte dei Salti, situé plus haut dans la vallée. Cet ouvrage oublié qui enjambait naguère un affluent de la Verzasca est lui aussi encore fièrement debout après plus d’un demi-siècle d’engloutissement.
220 x 380 m. Le barrage de Contra est le quatrième le plus haut de Suisse. Et son chemin de promenade de 380 m est une attraction touristique très fréquentée.
© Didier Ruef220 x 380 m. Le barrage de Contra est le quatrième le plus haut de Suisse. Et son chemin de promenade de 380 m est une attraction touristique très fréquentée.
© Didier RuefLes habitants de cette portion du Val Verzasca avaient été les seuls à voter contre le projet hydroélectrique. Certains d’entre eux avaient dû assister au dynamitage de leur maison. Puis l’élévation de l’eau avait progressivement fait disparaître les petits parchets de vigne, le potager de la grand-mère, la remise du grand-père, la forêt de leurs jeux d’enfants. La rivière, sa musique, ses éclaboussures, les parties de pêche à la main de truites étincelantes se muait en un lac muet et docile de 5 km de long.
Le village englouti. Une ancienne photo du village de Vogorno brandie à bout de bras à l’endroit même où il se trouvait avant 1965. La poste et le restaurant ont été dynamités par les troupes du génie de l’armée avant le premier remplissage.
© Didier RuefLe village englouti. Une ancienne photo du village de Vogorno brandie à bout de bras à l’endroit même où il se trouvait avant 1965. La poste et le restaurant ont été dynamités par les troupes du génie de l’armée avant le premier remplissage.
© Didier RuefLes simples émotions quotidiennes ont laissé place aux émotions fortes de la modernité. Le barrage-voûte est désormais la deuxième plus haute installation permanente de saut à l’élastique du monde.
Les pluies de ce printemps et la fonte des neiges de cet été rempliront de nouveau l’immense baignoire. Et tout sera de nouveau oublié pendant cinquante ans.
Le lac artificiel du barrage de Contra vient d’être vidangé. Et sur ce paysage de désolation réapparaissent des vestiges du temps d’avant. Difficile d’imaginer que vivait toute une communauté, avec son auberge, sa poste et ses vignes.
dronestagr.amLe lac artificiel du barrage de Contra vient d’être vidangé. Et sur ce paysage de désolation réapparaissent des vestiges du temps d’avant. Difficile d’imaginer que vivait toute une communauté, avec son auberge,sa poste et ses vignes.
© Didier Ruef / Marco CortesiL’ancien pont résiste héroïquement. C’est le plus beau témoin de l’époque précédant le barrage. Ce magnifique pont de pierre a résisté sans broncher à cinquante-six ans d’immersion. Son successeur moderne semble lui faire office d’arc de triomphe.
© Didier RuefDernières gouttes d’eau avant la vidange complète. Cela faisait cinquante-six ans que le lac artificiel n’avait pas été purgé totalement. Mais une rénovation complète des installations et l’évacuation des sédiments charriés au fond du lac par la Verzasca l’imposaient.
© Didier RuefL’ancienne route réapparaît. Une mère et sa fille se promènent dans le bassin asséché. L’ancienne route trace une ligne sur le versant gauche de cette vallée lunaire.
© Didier Ruef220 x 380 m. Le barrage de Contra est le quatrième le plus haut de Suisse. Et son chemin de promenade de 380 m est une attraction touristique très fréquentée.
© Didier RuefLe village englouti. Une ancienne photo du village de Vogorno brandie à bout de bras à l’endroit même où il se trouvait avant 1965. La poste et le restaurant ont été dynamités par les troupes du génie de l’armée avant le premier remplissage.
© Didier RuefEn novembre 1964, la construction du barrage semble encore loin d’être achevée. Il sera pourtant inauguré l’année suivante et sera un des nouveaux fleurons de la longue et prestigieuse tradition d’excellence du génie civil helvétique.
KeystoneEn septembre 1965, les ouvriers en sont aux finitions.
KeystoneEn 1970, le barrage et son lac sont déjà une destination touristique. Les ouvertures de part et d’autre de l’immense voûte servent à évacuer l’eau en cas de crue subite.
KeystoneSilence, on saute! L’équipe technique des cascades du «James Bond» «Goldeneye» s’était déplacée au Tessin en 1995 pour organiser et filmer le fameux saut dans le vide de l’agent secret.
KeystoneInutile de préciser que Pierce «Bond» Brosnan n’avait pas eu besoin de faire le déplacement jusqu’au Tessin. C’est un cascadeur qui avait réalisé le grand saut à sa place.
DR