Il aura suffi d’une année aux talibans pour anéantir la vie des Afghanes. Douze mois pour piétiner rageusement leurs droits et balayer d’un revers de la main les efforts d’éducation et d’émancipation amorcés ces deux dernières décennies dans le pays. Si le nouveau régime s’emploie à lisser son image auprès des médias étrangers – comme en témoigne mon échange surréaliste avec le porte-parole du Ministère des affaires étrangères –, il ne leurre plus personne.
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En dépit du désastre humanitaire et économique qui se joue sous leurs yeux, les fondamentalistes religieux n’ont qu’un seul agenda politique: mener une guerre à l’égard des femmes avec l’application de la charia et l’instauration de l’ordre moral le plus strict. La dictature est en marche. Son souffle s’immisce insidieusement dans les corps, dans les mouvements et même dans les pensées, jusqu’à l’autocensure. Un exemple? Les Afghanes ont complètement disparu de l’espace public et ne s’y promènent plus de peur d’être réprimandées ou harcelées. Il ne leur est pourtant pas interdit de le faire. Mais l’ombre menaçante des talibans plane à chaque coin de rue.
Une Afghane raconte sa vie cachée depuis que les talibans sont au pouvoir
De manière assez habile et tout à fait sournoise, le régime s’appuie sur les structures familiales pour entraver les mouvements et les ambitions des femmes. Si l’une d’elles venait à braver un interdit? Son père, son mari ou son frère serait puni. Alors, par prudence, ces derniers leur passent la bride au cou. J’ai passé douze jours dans le pays, couverte de pied en cap et accompagnée sans cesse de mon tuteur masculin. Douze jours pour perdre complètement mes repères et me sentir infantilisée; pour ne plus oser sortir seule dans la rue; pour m’inquiéter de la longueur de mes vêtements; pour demander la permission de fumer une cigarette à l’extérieur; ou encore pour réclamer à un chauffeur de taxi effronté de baisser le son de la radio aux checkpoints gardés par des combattants armés (oui, même la musique est interdite en terre talibane).
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Alors quand j’apprends que de courageuses Afghanes ont encore défilé dans les rues de Kaboul samedi dernier au péril de leur vie, je ne peux être qu’admirative de leur force et de leur détermination. Mon inconfort n’aura duré que douze jours. Pour elles, l’enfer, c’est tous les jours.
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