Les logiciels de reconnaissance faciale ont aujourd’hui largement envahi notre quotidien, faisant de notre visage le sésame absolu pour déverrouiller nos téléphones ou accéder à nos comptes en banque. Fonctionnant grâce à des banques d’images toujours plus fournies, ces programmes permettent notamment d’identifier une personne en comparant son visage à celui de ses congénères. Cette technique est rapidement devenue un outil de prédilection dans de nombreux domaines tels que la sécurité ou la surveillance policière, bien qu’elle comporte des risques évidents. De récentes études ont par exemple souligné que la marge d’erreur était plus importante lorsque ces logiciels étaient utilisés pour identifier des personnes noires, une faille technologique ayant abouti à de nombreuses erreurs judiciaires.
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Ce que l’on sait peut-être moins, c’est que ces programmes sont également employés dans le monde scientifique et médical. «De nombreuses anomalies génétiques se reconnaissent à une morphologie faciale spécifique, comme la trisomie 21, par exemple, explique la Pre Ariane Giacobino. C’est pourquoi nous faisons appel à la reconnaissance faciale lorsque le diagnostic est difficile à établir: le programme analyse la photo du patient en la confrontant à celles de personnes atteintes de syndromes génétiques et suggère ainsi l’anomalie.» Mais là encore, la généticienne nuance la fiabilité absolue des résultats. «Lorsque mes collègues et moi faisons analyser notre photo, le logiciel détecte chez tous la présence d’une anomalie génétique. Cela montre bien qu’il existe toujours une marge d’erreur avec ces technologies.»
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Lier physique et comportement: un jeu dangereux
«Chaque gène possède généralement plusieurs fonctions. Il est donc possible qu’un même gène influence à la fois une caractéristique morphologique et comportementale», observe la Pre Ariane Giacobino. Une hypothèse qui comporte de nombreux risques, comme nous rappelle la généticienne: «Associer un visage à un trait comportemental me semble très dangereux. Pour le comprendre, il suffit d’imaginer les dérives éthiques qu’entraînerait la corrélation entre un certain physique et le tabagisme dans le secteur des assurances, par exemple.»
D’autant plus que de telles associations ont déjà démontré leur dangerosité par le passé. Le cas le plus emblématique est celui de la physiognomonie, une pseudo-science à l’origine des théories nazies arguant que l’étude de l’apparence physique d’un individu permettait de connaître sa personnalité.
Utilisée à la fin du XIXe siècle pour lutter contre la criminalité, elle a eu des conséquences désastreuses: de nombreux individus ont été condamnés, emprisonnés, voire exécutés simplement pour être nés avec un visage identifié comme criminel. Il semblerait donc préférable de réfléchir à deux fois avant d’associer physique et comportement.
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