Au nombre de 160, elles sont tapies depuis des siècles au tréfonds de la roche. Ces églises troglodytes ont été creusées au cœur même de la montagne, dans l’impressionnant massif du Gheralta, tout au nord de l’Ethiopie. Leurs entrées, de minuscules points sombres dans de hautes parois de grès, ne sont visibles qu’aux yeux des fidèles avertis. La légende enseigne que ces lieux sacrés existaient secrètement au sein de la pierre depuis la création du monde. Lorsque les premiers chrétiens arrivèrent en Abyssinie dès le IVe siècle, Dieu leur ordonna de les révéler à l’humanité en évidant la montagne.
Selon les archéologues, quelques-unes de ces cavités auraient préexisté à la venue des premiers chrétiens – neuf saints arrivés de Syrie au IVe siècle et considérés comme les véritables pères de l’Eglise orthodoxe éthiopienne. D’autres ont été construites à leur arrivée ou plus tard, les dernières au XIVe siècle. Mais ce qui est sûr, c’est que depuis leur création, la plupart de ces lieux sacrés ont été fréquentés et entretenus sans relâche par les fidèles et les prêtres.
«Traversant terres et mers, des hommes viendraient un jour aider les prêtres à rouvrir la porte de l’église Maryam Dengelat, restée isolée par des éboulements depuis quatre cents ans.» Cette prophétie s’est accomplie l’année dernière grâce à des alpinistes italiens qui ont équipé la falaise de cordes et de pitons pour permettre au prêtre d’y grimper. Les célébrations religieuses ont pu reprendre le 24 mars 2019 pour la fête de l’Annonciation de la naissance du Christ.
Olivier GrunewaldIl ne s’agit pas de vulgaires grottes, mais de véritables monuments architecturaux. Certains sont hauts de 10 mètres, d’autres sont conçus sur un plan basilical à trois nefs, ou dotés de piliers taillés en forme de croix grecque, d’arcs en plein cintre décorés de fresques colorées évoquant les épisodes de la Bible et la vie des saints éthiopiens. Seuls un savoir-faire ingénieux et une connaissance précise de la roche ont permis leur réalisation, ne serait-ce que pour détecter la présence de grès suffisamment tendre pour pouvoir être découpé tout en résistant à la pression.
L’église-crypte d’Abuna Gebre Mikael, ou église Bleue, a la forme d’une croix. Accessible après deux heures de marche, elle est réputée pour ses fresques aux couleurs bleues et pour les fines sculptures de ses colonnes et de ses arches.
Olivier GrunewaldDes architectes sont-ils venus de Pétra, en Jordanie, un site abandonné après un tremblement de terre? Les premiers chrétiens ont-ils dû se réfugier dans les hauteurs pour fuir les persécutions? Rien n’est moins sûr. Les preuves archéologiques sont encore insuffisantes. Pour les croyants, les choses sont plus simples: ces églises ont été conçues pour leur permettre de s’élever loin du monde des hommes et de toucher à la pureté. Les prêtres de ces régions estiment que Dieu seul en est à l’origine. Et ils sont convaincus que bien d’autres églises, encore invisibles, n’attendent qu’un signe pour être révélées, un signe que Dieu leur enverra en songe.